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Délibération 17781205(11)



Nature Délibération en séance plénière
Code de la délibération 17781205(11)
CODE de la session 17781029
Date 05/12/1778
Cote de la source C 7600
Folio 342-345
Espace occupé 2,9

Texte :

Monseigneur l'évêque de Lodève a dit : Que MM. les Commissaires se sont essentiellement occupés d'un mémoire presenté aux Etats, dans lequel on expose que le sr Jean-Pierre Ling père, architecte de Saarbruch, a découvert un procédé qui rendroit le charbon de terre capable de suppléer le bois & le charbon de bois ; que ce procédé conserve au charbon de terre toutes les qualités qui lui sont essentielles, qu'il le dégage de toutes les matières qui lui sont étrangères ; & après avoir fait le détail des principales propriétés de ce charbon lorsqu'il a été soumis à ce procédé & des avantages qui en résultent dans l'usage quand il est employé avec intelligence, on annonce que ledit sieur Ling a obtenu un arrêt du Conseil & des lettres-patentes du 7 août dernier, qui ont été enregistrées au Parlement de Toulouse, qui lui accordent le privilège exclusif de préparer le charbon de terre selon sa méthode dans les provinces de Normandie, Languedoc, Provence & Dauphiné , & dans les généralités de Lille & Valenciennes, pendant l'espace de quinze années, & on a soin de faire remarquer que cette exclusion n'est relative qu'à la méthode du sieur Ling.
Que l'on ajoute dans ce mémoire qu'une compagnie qui réunit la solidité la mieux établie aux connoissances relatives au traitement des houilles s'est unie à l'inventeur du procédé privilégié pour subvenir aux dépenses qu'entraîne l'approvisionnement des provinces & les travaux préliminaires : que pour fixer l'approvisionnement de cette province, cette compagnie s'est assurée une fourniture annuelle de quatre cents mille quintaux de charbon de terre pendant vingt-quatre années, & s'est réservée la faculté de quadrupler cet approvisionnement ; qu'elle se propose de construire des atteliers pour la conversion des poussieres du charbon de terre en morceaux ; que les mines de Roubias sont très-propres à fournir l'approvisionnement médité, soit par la qualité supérieure de leur charbon, soit par leur proximité du Ceze ; mais qu'étant nécessaire que cette rivière soit rendue navigable pour le transport des charbons, & les travaux à faire pour remplir cet objet exigeant des dépenses, la compagnie de Ling offre d'en faire les avances, si les Etats veulent bien accueillir favorablement les deux propositions qu'elle a l'honneur de lui faire.
La première, que les Etats veuillent bien aider cette compagnie de leur protection pour l'obtention d'un arrêt du Conseil qui ordonne le redressement & le curement de la rivière du Ceze, & nomme des commissaires pour régler les dommages qu'elle devra, soit aux seigneurs ou propriétaires riverains pour les portions de terrein qu'elle occupera en chemins, magasins ou autrement, soit aux censitaires des moulins qu'elle fera accidentellement chommer.
La seconde, que les Etats ayant promis un encouragement à l'auteur d'une méthode qui rendroit le charbon de terre propre à suppléer le bois & le charbon de bois, ils veuillent bien appliquer l'encouragement promis à rendre flottable la rivière de Ceze, & déterminer que les avances faites à raison de ce par la compagnie lui seront remboursées par le trésorier de la Province, en tels termes & de la manière que les Etats jugeront à propos.
Que ce mémoire est terminé par les assurances que donne la compagnie que les travaux à faire sur la Ceze n'exigent pas une dépense considérable, & que la Province en sera d'ailleurs bientôt dédommagée par le prix modique auquel la compagnie vendra ses charbons, comparativement au prix où les charbons bruts sont aujourd'hui ; & qu'on a joint à ce mémoire un précis des expériences faites en divers lieux pour constater les propriétés du charbon de terre épuré suivant la méthode dudit sieur Ling.
Que MM. les Commissaires, après avoir entendu la lecture de ce mémoire, & après avoir consulté des personnes très-éclairées en cette matière, ont observé que les avantages que ce mémoire présente ne sont pas certains ; que s'il est vrai que dans certains cas l'usage du charbon épuré est préférable à celui du charbon cru, il l'est aussi que le charbon épuré ne peut pas être employé dans les verreries, & dans tous les autres cas où il est besoin d'un feu de flamme, tels que les distillations d'eaux-de-vie, les teintureries, les savonneries, les filatures de soie, & autres de cette nature.
Que s'il est vrai encore que le charbon épuré dure un peu plus au feu que le charbon cru, on ne peut pas se dissimuler que pour obtenir un quintal de charbon épuré, il faut employer un quintal & demi de charbon cru, & qu'un quintal & demi de ce dernier produit pour le moins autant de feu qu'un quintal de charbon épuré ; qu'il n'y a par conséquent aucun avantage à se servir du charbon épuré toutes les fois qu'on pourra employer le charbon cru sans inconvénient.
Qu’il n'en résulteroit en effet aucun avantage pour les forgerons, puisqu'une expérience de plusieurs siecles prouve que le charbon cru ne nuit point au fer dans les forges ordinaires, & que cet avantage s'évanouit entièrement si on observe que dans le précis des expériences dont il a été parlé, on établit le prix de la mesure du charbon épuré à trois livres ; & que comme il faut une mesure & demi de charbon cru pour une mesure de charbon épuré, il en résulteroit que le prix de la mesure du charbon cru seroit de quarante sols, dans le temps que la compagnie se le seroit procurée à un prix beaucoup inférieur.
Que l'on ne peut d'ailleurs qu'être allarmé de ce que la compagnie du sieur Ling s'est assurée d'une fourniture annuelle de quatre cents mille quintaux de charbon de terre pendant vingt-quatre années, & de ce qu'elle s'est encore reservée la facilité de quadrupler cet approvisionnement ; d'où l'on ne peut s'empêcher de conclure, que cette compagnie disposeroit du charbon provenu de toutes les mines de la province, & que le public seroit forcé d'avoir recours à elle pour son approvisionnement.
Qu’il est donc évident que le privilège accordé au sieur Ling détruiroit toute propriété & toute émulation, qu'il est absolument contraire aux vues des Etats pour la liberté du commerce, & qu'il rendroit inutiles les dépenses qu'ils ont faites pour procurer la bonne exploitation des mines de charbon de terre & pour mettre cette denrée à portée du pauvre comme du riche.
Qu’il paroît au surplus, d'après les éclaircissements que MM. les Commissaires ont pris, que le secret d'épurer le charbon n'est plus un secret ; qu'il y a même lieu de croire que la découverte n'en est pas due au sieur Ling, & que l'on doit ajouter à toutes ces considérations que le projet de rendre la rivière de Ceze navigable est impraticable.
De sorte que MM. les Commissaires ont pensé que bien loin que les Etats puissent accepter les propositions qui leur sont faites par la compagnie du sr Ling, ils doivent au contraire les rejeter, & s'opposer à l'exécution du privilège exclusif obtenu par ledit sieur Ling ; charger en conséquence MM. leurs députés à la Cour & le syndic-général de former cette opposition, de faire toutes les diligences qui seront jugées nécessaires pour que les lettres-patentes accordées audit sieur Ling demeurent sans effet, & prier Monseigneur l'archevêque de Narbonne de vouloir bien appuyer de tout son crédit les démarches de MM. les députés.
Ce qui a été délibéré, conformément à l'avis de MM. les Commissaires.

Economie 17781205(11)
Sources d'énergie
Les Etats rejettent les propositions faites par la Cie du sr Ling de fournir du charbon épuré selon son procédé à condition que les Etats rendent navigable la Cèze, car cette compagnie disposerait ainsi de toutes les ressources de charbon de la province Action des Etats

Agriculture, élevage, commerce, industrie

Doléances mentionnées dans les délibérations 17781205(11)
Mines et forges
Les députés à la Cour feront opposition à l'exécution du privilège exclusif obtenu par le sr Ling sur l'exploitation de son procédé de fabrication du charbon épuré Action des Etats

Agriculture, élevage, commerce, industrie

Economie 17781205(11)
Discours sur l'agriculture, l'industrie et le commerce
Le privilège demandé par le sr Ling "détruiroit toute propriété & toute émulation,... est contraire aux vues des Etats pour la liberté du commerce & rendroit inutile les dépenses faites.... pour mettre [le charbon] à portée du pauvre comme du riche" Action des Etats

Agriculture, élevage, commerce, industrie

Economie 17781205(11)
Sources d'énergie
Arrêt du Conseil et lettres patentes du 07/08/1778 accordant au sr Ling le privilège exclusif de préparer le charbon de terre selon sa méthode en Normandie, Languedoc, Provence et Dauphiné et dans les généralités de Lille et Valenciennes pendant 15 ans Action royale

Agriculture, élevage, commerce, industrie