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Délibération 17811231(04)



Nature Délibération en séance plénière
Code de la délibération 17811231(04)
CODE de la session 17811129
Date 31/12/1781
Cote de la source C 7617
Folio 344-350
Espace occupé 5,9

Texte :

Monseigneur l'archevêque de Toulouse a dit : Que les consuls de la ville de Beziers remirent aux Etats derniers un mémoire dans lequel ils exposoient que depuis la construction du Canal, la partie de la rivière d'Orb qu'il traverse s'étoit comblée ; que le rehaussement de son lit s'accroissoit chaque année par les travaux qu'on y faisoit pour se procurer un fond d'eau suffisant au passage des barques ; que cette partie de l'Orb n'étant plus capable d'en contenir les eaux lors des inondations, elles ravageoient les possessions riveraines, & ébranloient le pont du grand-chemin ; en sorte qu'il étoit très-important de détruire au plutôt les ouvrages qui étoient la cause du rehaussement du lit de l'Orb, sauf à construire, pour le passage des barques du Canal, un aqueduc ou tel autre ouvrage capable de produire le même effet, sans nuire au pont ni aux possessions riveraines.
Qu’il fut présenté en même temps un mémoire de la part de MM. les propriétaires du Canal, qui avoit deux objets : le premier, de faire connoître l'absolue nécessité de construire le pont aqueduc sur l'Orb, pour assurer le passage de cette rivière, tant par terre que par eau ; & le second, d'indiquer les moyens de pourvoir à la dépense.
Que les Etats, d'après les faits exposés dans ces deux mémoires, furent persuadés qu'il seroit tôt ou tard indispensable, & qu'il paroissoit même urgent de pourvoir en même temps à la conservation des terres riveraines de l'Orb & au maintien de la navigation du Canal à travers cette rivière ; mais qu'avant de se déterminer sur le choix des ouvrages propres à produire ces effets, ils désirèrent d'en connoître la possibilité & les frais ; qu'en conséquence, ils chargèrent les sieurs Garipuy père & fils de faire une vérification détaillée de l'état de cette rivière sur toute l'étendue relative à la navigation du Canal, & d'y joindre tous les plans, les nivellements & les profils nécessaires pour donner une parfaite intelligence de la manière dont la navigation s'y fait aujourd'hui, des dangers qu'elle court, ainsi que le pont du grand-chemin & les terres riveraines ; d'aviser ensuite aux moyens qu'ils croiroient les plus simples & les plus sûrs pour les faire cesser, & qu'ils en donneroient tous les plans, accompagnés du devis estimatif, notamment ceux du pont aqueduc & de tous les travaux relatifs à son exécution, ainsi que de tous autres qu'ils jugeroient également propres à éclairer les Etats sur cet objet important, pour, d'après le rapport qui seroit fait à la présente assemblée de toutes ces pièces & de leur résultat, être par elle délibéré ce qu'il appartiendroit.
Qu'en conséquence de cette délibération, ces Directeurs se sont transportés plusieurs fois sur les lieux, tant pour en faire le plan & le nivellement, que pour reconnoître la profondeur du terrein ferme, non-seulement dans le lit de la rivière, mais encore sur ses bords, dans toute l'étendue où il doit être fait des maçonneries ; & que, d'après les ordres de Monseigneur l'archevêque de Narbonne, ils ont employé aux opérations de détail deux inspecteurs des ouvrages de la Province, qui y ont été occupés toute l'année, lorsque leurs autres travaux leur ont permis d'y vaquer ; que cependant, la profondeur & la difficulté des sondes qu'il a fallu faire & la multitude des autres opérations nécessaires pour répondre aux vues des Etats n'ont pas permis de les faire toutes avant la tenue de cette assemblée.
Qu’ils espèrent qu'elle ne désapprouvera point qu'ils se bornent aujourd'hui à lui présenter la carte des lieux qu'ils ont fait lever avec beaucoup d'exactitude & de détail, à exposer la manière dont la navigation se fait à travers la rivière d'Orb, avec les dangers qui en résultent pour le pont du grand-chemin & pour les terres riveraines ; & que pour ne rien hazarder sur un objet aussï important, ils diffèrent jusqu'aux Etats prochains à proposer les moyens qui leur paroîtront les plus simples et les plus sûrs pour remplir les vues de cette assemblée, lorsqu'ils auront eu le temps nécessaire pour en discuter les avantages & les inconvénients & pour mieux connoître le montant de la dépense que leur exécution exigera.
Que la vue de la carte suffit pour faire connoître que le Canal, qui descend des écluses de Fonceranes, entre quarrément dans la rivière d'Orb, après avoir passé sous le pont appellé de Notre-Dame, construit sur la rive droite de la rivière ; que la seconde branche du Canal qui va vers Agde, alimentée par les eaux de l'Orb, au lieu d'avoir son entrée vis-à-vis l'embouchure de la première, ne commence qu'environ quatre cents dix toises en-dessous, sous le pont de bois nommé le pont-rouge, bâti sur la rive gauche, & qu'ainsi les barques sont obligées de parcourir cette partie de l'Orb ; savoir, en descendant pour aller vers Agde, & en remontant, lorsqu'elles en viennent.
Que lors de la construction du Canal, la profondeur de cette portion de la rivière d'Orb étoit telle, qu'un léger rehaussement des eaux suffisoit pour le passage des barques ; que les moyens employés pour produire ce premier rehaussement causerent des dépôts qui en exigèrent un second ; qu'on construisit la digue du pont-rouge qui traversa la rivière, dont la largeur est de cinquante toises, & qu'on augmenta graduellement la hauteur de cette digue en proportion de celle des comblements dont elle étoit la cause ; que quoique les sieurs Garipuy n'aient pu recouvrer aucun écrit qui puisse leur apprendre d'une manière précise ni les progrès des comblements du lit de l'Orb, ni ceux des travaux qui, en rehaussant les eaux, leur conservoient la profondeur nécessaire à la navigation, il n'en est pas moins certain que la hauteur totale de ces dépôts égale celle qu'on avoit donnée en construisant le Canal au second bassin de l'écluse de Notre-Dame, placée entre celles de Fonceranes & la rivière d'Orb, puisque ce bassin est entièrement comblé par les dépôts qui s'y sont amoncelés au niveau de ceux de la rivière d'Orb ; que ces comblements étoient dans les premiers temps si prompts & si considérables qu'on s'occupa bientôt des moyens de les empêcher.
Qu'on perça la digue qui traverse la rivière de six épanchoirs à fond placés à son extrémité, voisine du pont-rouge, & qu'on pratiqua un relèvement mobile sur tout le reste de la digue ; que ce relèvement, qui a environ trois pieds de hauteur, est formé de plusieurs pièces, dont chacune ressemble au ventail d'une porte couchée ; qu'il est fixé sur le couronnement de la digue par des charnières qui permettent de l'abattre ou de l'élever, & que des arc-boutants, aussi à charnière, fixent ces relèvements debout, malgré le poids contraire des eaux qu'ils soutiennent.
Que la profondeur des épanchoirs à fond a obligé d'employer un mécanisme différent pour les manœuvrer. Qu'on ferme chaque ouverture avec des vannes posées les unes au-dessus des autres, depuis le bas jusqu'en haut ; que leurs extrémités sont engagées dans des feuillures ménagées aux poteaux montants ; qu'on les y fait couler une à une, en commençant par les plus basses ; mais que comme il seroit long & pénible de les retirer de la même manière, on a arrondi l'un des poteaux montants, afin qu'il puisse tourner sur lui-même, qu'il est assujetti par un arc-boutant pendant tout le temps que l'épanchoir doit demeurer fermé, & que dès que l'arc-boutant est ôté, le poteau tourne, les vannes échappent, & l'épanchoir est ouvert dans un instant.
Que lorsque les six épanchoirs sont ouverts, ils suffisent, dans l'état ordinaire de la rivière, pour en vuider toutes les eaux, de manière que le couronnement fixe de la digue les surmonte d'environ deux pieds ; qu'on les tient ouverts aussi longtemps qu'on le peut, & surtout lors des crues, pour ne pas arrêter les graviers, le sable & le limon que la rivière charrie ; que les barques ne peuvent point traverser la rivière en quelque état qu'elle soit lorsque les épanchoirs sont ouverts ; qu'ainsi, elles sont toujours arrêtées à ce passage lors des crues, & même chaque semaine pendant plusieurs jours ; qu'on attend, pour les faire passer, que plusieurs se présentent à la fois, afin de diminuer, autant qu'il se peut, le nombre des relèvements.
Que ce mécanisme est, sans-doute, très-ingénieux, mais qu'il n'a fait que retarder les comblements sans les faire cesser ; que lorsque les dépôts se faisoient au hasard dans tout le lit de la rivière, la navigation y étoit toujours difficile ; que pour y remédier, on a fait plusieurs ouvrages dans tout l'espace que les barques parcourent, même au-dessus jusques près le pont du grand-chemin.
Qu'à la rive gauche de la rivière, au-dessous du pont, est attachée une ligne de pieux & de pals à planches de soixante-dix toises de longueur & de quatorze pieds de hauteur sur les basses eaux, qui s'avance obliquement dans le lit de la rivière jusqu'à douze toises du bord opposé, au-dessus de l'embouchure du Canal qui vient de Fonceranes ; que son effet est de diriger vers cette embouchure toutes les eaux de l'Orb jusqu'à ce que leurs crues surmontent la hauteur de cette ligne.
Qu'une seconde ligne, beaucoup plus forte que la première, parce qu'elle est soutenue par des jetées en grosses pierres, est attachée à la rive droite au-dessous de l'embouchure de la première branche du Canal ; que sa première partie, qui a cinquante-cinq toises de longueur, traverse obliquement la rivière presque à l'équerre de la première ligne ; & que la seconde partie, dont la longueur est de deux cents soixante toises, est à peu près parallèle aux bords de la rivière ; qu'enfin, une troisieme ligne attachée à la rive droite, un peu au-dessus de l'extrémité inférieure de la seconde, va se terminer à la digue du pont-rouge près des épanchoirs à fond.
Que ces trois lignes, & surtout les deux dernières, qui sont les plus considérables, forment dans le lit de l'Orb une sorte de canal angulaire qui contient toutes les basses eaux , & où se fait toujours le courant le plus rapide lors des crues ; en sorte que les eaux ayant moins de vitesse & de force dans tout le reste de leur lit, d'où elles sont détournées, elles y déposent les graviers & les sables qu'elles charrient ; & que l'ancien lit de la rivière ayant perdu la plus grande partie de sa capacité, il ne suffit plus pour en contenir les grandes eaux qui inondent souvent les terres riveraines de la droite, interceptent de ce côté l'avenue du pont du grand-chemin, surmontent les francs-bords de la partie voisine du canal, & se sont élevées à une assez grande hauteur pour entraîner des voitures de dessus le grand-chemin, & pour transporter dans les champs des barques qu'elles avoient enlevées du Canal.
Que quant aux dangers auxquels le pont du grand-chemin à Beziers peut être exposé par les comblements de la rivière, les srs. Garipuy pensent, en premier lieu, que ses fondations ne sauroient en souffrir ; en second lieu, que la seule action des eaux ne sauroit donner à cette masse un ébranlement préjudiciable ; troisiemement, que l'Orb ne charrie ni des glaces, ni des bois assez gros pour que leur choc puisse causer de dommage notable, mais qu'il suffit, pour interrompre la communication, que les eaux couvrent une des avenues du pont ; ce qui arrive assez fréquemment.
Que ces Directeurs ajoutent : Que ce pont n'a que quatorze pieds de voie, quoiqu'il ait été élargi de trois pieds de chaque côté, que la partie ancienne des arches est dégradée en plusieurs endroits, & que la durée des élargissements qui y ont été faits n'est due qu'aux tirants de fer qui les lient, en traversant l'ancienne maçonnerie ; en sorte que, sans s'arrêter à l'action des eaux, ce pont a deux défauts essentiels ; le premier, en ce qu'il est de beaucoup trop étroit ; & le second, en ce que les arches manquent de solidité.
Qu'après avoir fait connoître les dangers auxquels sont exposées les terres riveraines de l'Orb à Beziers, la navigation & la communication par terre, comme aussi que ces dangers doivent augmenter tous les ans, les principaux par le comblement progressif de la rivière, & les autres par la vétusté des arches du pont ; les sieurs Garipuy remarquent que si la chaussée du pont-rouge ou les épanchoirs qui en font partie éprouvoient quelque grande dégradation par la force & le trop grand poids des eaux dont ils sont chargés durant une inondation, la navigation du Canal seroit interrompue, & qu'il seroit aussi long que dispendieux de la rétablir.
A quoi Monseigneur l'archevêque de Toulouse a ajouté : Que MM. les propriétaires du Canal offrirent l'année dernière de fournir la somme de deux millions pour la construction du pont aqueduc sur la rivière d'Orb à Beziers, aux clauses & conditions qui furent acceptées par les Etats ; que ces MM. observent aujourd'hui que le changement survenu cette année au commerce qui se fait par le Canal, à cause de la disette des grains dans le Haut-Languedoc & dans la Guienne, ne leur a point paru un temps propre à établir dans le paiement des droits, à raison du transport, le changement qui a été agréé par les Etats ; mais qu'ils espèrent que l'année prochaine sera plus favorable à son exécution.
Que d'ailleurs, connoissant l'étendue des opérations à faire pour former un projet arrêté d'un pont aqueduc sur l'Orb, ou de tout autre ouvrage propre à le suppléer, & persuadés qu'il n'étoit guère possible de l'achever cette année, ils ont pensé qu'il valoit mieux différer jusqu'à l'année prochaine à prendre définitivement les arrangements relatifs à son exécution, lorsque les plans, le devis & l'estimation en auront été faits, examinés & convenus.
Qu’enfin, tous les frais qui ont été faits cette année pour lever la carte ou pour sonder le terrein dans le lit de la riviere & sur ses bords se portent, d'après l'état certifié par les inspecteurs & visé par le sieur Garipuy, à la somme de deux mille sept cents soixante-dix-huit livres cinq sols six deniers, y compris les appointements desdits inspecteurs.
Que MM. les Commissaires, après avoir reconnu, par l'examen de la carte qui leur a été présentée, toute l'exactitude du rapport fait par les sieurs Garipuy, ont été convaincus des dangers que la navigation, le grand chemin & les terres riveraines de l'Orb courent à raison des inondations de cette rivière ; que ces Directeurs n'ayant pu encore achever les opérations nécessaires pour arrêter le projet du pont aqueduc proposé, ou de tout autre ouvrage propre à prévenir ces mêmes dangers, il convenoit de les charger de nouveau de suivre leurs opérations ; que ne pouvant d'ailleurs qu'applaudir à la résolution que l'état actuel du commerce des grains a inspiré à MM. les propriétaires du Canal de différer jusqu'à l'année prochaine à faire dans la perception des droits de transport le changement agréé par les Etats, ils ont cru devoir proposer à l'assemblée,
1°. De charger de nouveau les sieurs Garipuy d'achever dans le cours de l'année le projet du susdit pont aqueduc, ou de tout autre ouvrage capable de le suppléer, pour, lorsque MM. les propriétaires auront remis leur ratification aux offres qui furent faites à leur nom l'année dernière, être acceptée, s'il y a lieu, par les Etats, & être par eux délibéré avec une entière connoissance de cause ce qu'il appartiendra sur cet objet important.
2°. D'ordonner que la somme de deux mille sept cents soixante-dix-huit livres cinq sols six deniers avancée par le sieur Garipuy pour les frais de la levée de la carte & des sondes lui sera payée en dépense extraordinaire.
Ce qui a été délibéré, conformément à l'avis de MM. les Commissaires.

Economie 17811231(04)
Cours d'eau et voies navigables
Le projet d'un pont-aqueduc permettant au Canal de passer sur l'Orb sera préparé par Garipuy mais différé en attendant la ratification par les propriét. du Canal de leur offre de 2 millions financée par une augm. des droits, impossible en temps de disette Action des Etats

Travaux publics et communications

Géographie de la province 17811231(04)
Cartographie
Garipuy a levé la carte des bords de l'Orb à son approche du Canal de communication des mers ; il reçoit 2 778 l. 5 s. 6 d., y compris les appointements des inspecteurs Action des Etats

Culture

Economie 17811231(04)
Commerce
La disette des grains dans le Haut-Languedoc et en Guyenne en diminue le trafic sur le Canal de communication des mers Action des Etats

Agriculture, élevage, commerce, industrie