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Discours/Cérémonie


Discours d'un membre des Etats - E16510731(04)

Nature Discours d'un membre des Etats
Code du discours/geste E16510731(04)
CODE de la session 16510731
Date 31/07/1651
Cote de la source C 7106
Folio 074r-078r
Espace occupé 8,25

Locuteur

Titre Monseigneur
Nom np
Prénom np
Fonction Archevêque de Narbonne


Texte :

Monseigneur l'archevesque et primat de Narbonne, presidant nay desd. estatz, a dit :
Messieurs,
C'est une partie de la charge qu'ont Messieurs les commissaires du Roy presidantz pour Sa Majesté en cette assamblée que de nous entretenir des obligations des subjetz envers leurs princes, et personne ne doit prandre en mauvaise part le discours qu'on nous en faict ordinairemant a l'ouverture de noz estatz, puisque ce sont plustost des louanges qu'on donne a cette auguste compagnie que des exhortations qu'on luy veuille faire.
En effet il faudroit avoir renoncé a touttes les maximes de la foy et aux sentimans de la raison pour panser qu'un peuple puisse jamais estre dispansé de randre a son souverain l'amour, la crainte, le respect et l'obeyssance qui luy est deue. La loy ne met point de difference entre les princes et les peres, elle nous commande de les honnorer esgalemant, je dis mesme de l'honneur interessé, et s'il y a du secours a donner en un mesme temps aux parans et aux princes, je n'oserois decider quelle des deux obligations est la plus grande. Ce bien publicq, ceste conservation du tout qui porte les estres particuliers a s'eslancer contre l'inclina(ti)on de leur nature, qui fait que le feu dessand, que l'eau s'arreste et que la pierre monte pour empescher un vuyde qui ruyneroit l'univers, nous apprand ceste leçon qu'apprès Dieu encores avons nous quelque chose a aymer plus que nous mesmes, et vous comprenez desja bien, Messieurs, que c'est le prince et la patrie.
Au moins est il certain que jamais nation ne fust si barbare que de contester a son Roy un legitime entretien ; quant saint Paul ne l'auroit pas dit, il ne laisseroit pas pourtant d'estre veritable de dire qu'il ne seroit pas juste que celuy qui porte les armes pour la deffence d'autruy combatit a ses despans.
Les Roys sont les vrais et uniques testes du monde. Il faut que par un instinct naturel tous les membres s'exposent pour les tenir a couvert et en seureté. Ce sont les maistres de l'univers, et on leur doit randre des marques de sujettion ; que s'ilz se disent eux mesmes des serviteurs publicqz, il faut aussi sans doute que le public leur fournisse de quoy subsister en leurs estatz, qu'il reconnoisse leurs soins et qu'il merite et achette en quelque façon leur protection, leur service et leur assistance.
En cela les Roys et les peuples sont tous d'accord, mais les meilleurs politiques y adjoustent que les princes doivent estre aussi bons mesnagers des biens et des commoditez de leurs villes et provinces que du sang et des vies de leurs sujets, que les peuples ayment a l'esgal de leur vie ce qui leur est necessaire pour la conserver, et qu'un enlevemant des biens est moins suportable, surtout a un homme chargé de famille, qu'un attentat sur sa propre personne, sur son honneur mesme et sur sa vie.
Les crimes randent un prince maistre absolu de la vie de ses sujets ; s'il la fait perdre a quelqu'un pour la conserver a plusieurs, qu'il en tesmoigne seulemant du regret, on benira son regne, on louera sa justice, et quand il y auroit mesmes de l'excès, les plainctes qu'en peuvent faire quelques particuliers ne se forment qu'en secret et ne scauroient estre dangereuses. Mais les moindres violances exercées au nom d'un grand Roy sur les petites fortunes d'un pauvre peuple innocent, quelques extremes et bien aparentes que soient les necessitez d'un estat, ne restent pas de causer des degoustz universelz et d'ouvrir les bouches d'un chascun a des murmures publicz.
C'est pour cela que les plus sages princes n'ont touché aux biens de leurs sujetz qu'en l'extremité de leurs affaires. Ils ont creu, et bien justemant ce me samble, que les richesses de leurs estatz estoient plus asseurées entre les mains de leurs peuples, ou elles se multiplient, que dans les coffres de leurs officiers, ou elles se perdent, que le vray tresor de leur espargne estoit l'industrie et la bource de leurs sujetz.
Nous, par la grace de Dieu, avons grand subjet de nous louer de la bonté et exactitude de noz princes, lesquelz, se souvenant de ce qu'ils ont si solemnellemant promis aux habitants de cette province, lors principalemant qu'elle devinst un des principaux fleurons de la Couronne, en ont tousjours uzé avec tant de moderation et avec tant de douceur qu'au lieu des tailles, subcides et tributz forcez et constraincts, ils n'ont voulu recevoir de nous que des purs octroys, des dons gratuitz et des contributions volontaires.
La liberté que noz Roys ont tousjours conservée a cette illustre assamblée des estatz generaux de Languedoc de pouvoir reigler elle mesme touttes ses imp(ositi)ons est bien a la verité un privilege du pays et une recompense des services randus par noz majeurs et par nous mesmes, mais aussy un tesmoignage de la confiance que Leurs Majestez prennent en nous, un effet de leur bonté et de leur justice et une marque de nostre affection, de nostre fidelité et de nostre zele, et par la nous pouvons conclurre qu'il faut que les estatz et les provinces demeurent et soyent regies et gouvernées soubz les mesmes loix, formes et coustumes qu'elles ont esté données et qu'elles ont esté acceptées.
Que si cette maxime, a la verité très chrestienne et très politique, doit estre inviolablemant gardée et observée par les princes et monarques souverains, avec combien plus de raison [elle] le doit estre par les peuples et sujetz, de quelle quallité et condition qu'ils puissent estre, et principalemant par ceux qui, estantz appellez in sortem ministerii, se trouvent pourveus de magistratures ou dignitez considerables, lesquelz ne peuvent sans crime avoir de l'estime, des louanges et encore moins du desir pour quelque autre sorte de gouvernemant que pour celuy soubz lequel Dieu les a fait naistre.
Bien loin, bien loin de pouvoir souffrir d'estre erigez ou s'eriger eux mesmes en republicains ou petitz souverains, puisque la seule pansée en est criminelle, et il n'y a point de punition assés grande ny assés examplaire pour chastier un attentat de cette nature.
Gedeon, grand magistrat et encore plus grand cappitaine, apprès avoir par sa vertu et par sa valeur mis en liberté les Israelites, refuza le sceptre qui luy estoit offert pour recompanse de ses services, n'alleguant autre raison de son refus sinon que luy, Gedeon, estoit non seulemant nay subjet, mais de plus qu'il estoit juge et par consequant incapable d'aucune sorte de souveraineté absolue.
Nous scavons bien, et il n'y a personne qui puisse revoquer en doute, qu'il n'y a point de conduitte plus naturelle, plus legitime, plus saincte ny plus divine que celle d'une parfaitte monarchie, et que les François sont incapables de souffrir aucune [autre] sorte de gouvernemant et encore moins de permettre qu'un subjet puisse entamer ny partager directemant ny indirectemant l'authorité royalle.
Noz Roys ont estably ou du moins ont tousjours recognu dans leur monarchie trois sortes d'ordres principaux, soubz lesquelz ordres tous les subjetz de Leurs Majestez sont comprins et distribuez, chacun d'iceux devant vivre doucemant et civilemant dans la fonction de son ministere.
Le premier ordre est celluy de l'esglize, auquel la conduitte des choses spirituelles appartient privativemant a tous autres.
Le second ordre est celluy de la noblesse, qui a bon titre se nomme le bras droit du prince, laquelle est destinée pour les plus grandz et honnorables employs du royaume, desquelz elle merite d'estre honnorée puisque ceux qui la composent abandonnent courageusemant leurs biens, leur sang, leur vie et leur fortune pour le service du Roy et le soutien de la monarchie.
Messieurs de la noblesse, debetis agnoscere dignitatem vestram, vous possedez un privilege et un avantage que vous devez conserver cheremant et respectueusemant, qui est qu'il n'y a que le Roy seul qui ayt l'authorité de vous assambler, et si Sa Majesté a besoin de vostre service, elle vous convoque elle mesme par les ordres qu'elle en baille a ses gouverneurs, lieutenants generaux et seneschaux dans la province.
Autre puissance, quelle qu'elle puisse estre, ne peut ny ne doit se donner cette authorité, et si les aff(ai)res de vostre ordre vous obligent quelquesfois de vous voir par ensemble, il faut avoir recours au Roy pour en obtenir la permi(ssi)on et la licence.
Et neantmoins nous avons veu (avec estonnemant a la verité) des lettres circulaires envoyées dans toutte la province soubz le nom d'un syndic de la noblesse qui s'est erigé luy mesme en cette quallité, quelques nombres de gentilhommes de très bonne qualité se sont randus au lieu et au jour assigné, et, sans faire reflection a leur quallité ny a leur naissance, ont soufert d'estre presidez par un juge criminel, ce qu'ils n'auroient pas fait sans doute s'ils avoient voulu panser a bon essient a l'action qu'ils alloient randre et au tort qu'ilz se faisoyent a eux mesmes.
Le troisieme ordre est celluy qui par sa fidelité, ses soings et ses travaux et par la contribu(ti)on de ses biens et commoditez donne moyen au prince de pouvoir subsister, et ces trois ordres sont tousjours employez (principalemant dans cette province) a la direction et conduitte des affaires publiques et a reigler touttes choses, de sorte que le prince soit fidellemant servi, puissammant assisté, et le peuple soulagé tout autant que la necessité des affaires publiques le peut souffrir et permettre.
Le quatrieme ordre ou estat, et qui est comme tiré des trois au(tr)es, est celluy des officiers destinez pour administrer la justice distributive aux sujetz du prince, lesquelz officiers, par un sermant solennel, doivent estre attachez fortemant et inseparablemant liez aux interestz du sceptre et a la main de justice, ne s'en pouvant despartir, et encore moins attanter sur iceux, sans se randre criminelz de leze majesté divine et humaine, eux qui n'ont au(t)re rayon de souveraineté que l'obligation de s'immoler pour le service du prince et de l'estat, eux, dis je, sur qui noz Roys ne se sont deschargez que des effetz de rigueur et des fonctions de la souveraineté les plus odieuses, et de fait Leurs Majestez ne se trouvent jamais au milieu de semblables officiers que dans un lict de justice.
Car pour les dons, les graces, les faveurs et la misericorde, comme elles sont les veritables trosnes de Dieu et des puissances et authorités superieures qui le rep(rese)ntent sur la terre, aussy leur appartiennent elles en seulz privativemant a tous autres. Reges Israel clementes sunt, dit la saincte Escriture, gratiis donis et favoribus replentes orbem terrarum.
C'est un pouvoir plus qu'humain que celuy de faire misericorde, de distribuer les biens et les hommes comme l'on veut et a qui on veut. ce n'est pas d'un tribunal des juges mais des cabinetz des Roys d'ou partent les diminutions des tailles et des subcides, les honneurs, les biensfaitz, les employs, les soulagemans, les dons et les abolitions, touttes ces graces et faveurs ne peuvent venir ny estre conservées que par le prince en seul.
Un juge ne scauroit diminuer un subcide ny pardonner un crime sans se randre luy mesmes criminel, et s'il oste le bien a une partie pour l'adjuger a une autre, si par un esprit de vangeance il fait souffrir un innocent contre le droit et la justice, il n'est pas assez dignemant puny s'il ne perd que l'honneur, les biens et l'office.
De sorte que nous ne pouvons esperer chose quelconque de graciable ny ne devons raisonnablement craindre ny apprehender aucune sorte de violence des personnes a qui les princes n'ont donné ny des yeux pour considerer noz miseres ny des mains a les pouvoir soulager et encore moins une authorité pour nous vexer contre la raison et la justice.
Messieurs, c'est une remarque chrestienne et politique et un advis salutaire qui est donné aux officiers de justice, non par des recteurs des tenebres, mais par des veritables pasteurs et par des anges de lumiere qui les asseurent, que ces paroles jusques a presant inouyes que nous avons entendu avec estonnemant raisonner dans noz cœurs en la bouche de certains officiers particuliers, lesquelz de leur chef et sans ordre de leur compagnie hardimant et attentoiremant prohibeant tributa dari Caesari, ces paroles, dis je, ainsy proferées ne sont pas des parolles de vie ny de salut mais bien des paroles de mort, scandaleuses et punissables devant Dieu et devant les hommes.
Nous, par la grace de Dieu, avons un Roy que la divine misericorde nous a donné lorsque nous commencions de perdre esperance de le pouvoir meriter, soubz l'authorité duquel eux et nous devons flechir et de qui la juste colere est plus a craindre que tous ces pretendus soulagemens, desquelz on a voulu leurrer les peuples, ne sont a souhaiter ny ne pourroient estre profitables, quand mesmes ilz seroient aussy effectifz et veritables comme ilz sont faux, ruyneux, plains d'attentatz et de crimes.
Mais, Messieurs, nous vivons dans une monarchie en laquelle il n'y a personne qui soit exempt de randre compte de ses actions et deportemans au souverain monarque, et je ne scay quel compte pourront randre ceux qui, a l'insceu et contre l'ordre de leur compagnie, ont commis de semblables attentatz a n(ot)re jeune et bientost majeur prince, duquel dominationem spernentes et majestatem blasphemantes ils ont heu la hardiesse de se dire les veritables dispensateurs de ses biens, de son dommayne, des tributz et subcides que ses bons et fideles sujects et serviteurs de cette province luy ont volontairemant, libremant et avec connoissance de cause accordé et octroyé.
Qu'auront ils a respondre a la premiere des vefves, a cette incomparable regente, quand au premier jour a la face de toutte la France elle leur reprochera la tempeste qu'ils ont voulu exciter au milieu de la bonace et le retardemant qu'ils ont porté aux affaires du Roy son filz, et le peu d'occasion qu'ils en avoyent, et qu'enfin il n'a pas tenu a eux que la fin de sa regence ne fut mille fois plus malheureuse que les trois ou quatre dernieres années d'icelle.
Peut estre s'excuseront ilz en disant que pupillo non judicant, et causa vidua non ingreditur ad illos, qu'ilz ne sont pas les juges ny les deffenseurs de cette sorte de vefves ny de pupilles. A la bonne heure, qu'ils en soient doncques les officiers et les serviteurs et qu'ils se joignent a ceux ausquelz les Roys ont prins de la confiance, qu'ils apuyent tous ceux qu'ils voyent travailler incessammant pour le bien de la couronne et soulagemant de la province et sutout qu'ilz ne quittent pas le party du Roy parce que nous en sommes.
Mais, Messieurs, je voudrois bien, avant que de finir ce discours, leur demander ce que quelques uns d'entre eux ont respondu aux douces semonces et aux offres paternelles que S. A. R. leur a faittes avec tant de bonté, de quelle sorte ils ont receu ses despesches et quelles responces ils y ont données, quels discours a tenu leur deputé sans deputa(ti)on a ce grand et incomparable prince et quelz respectz luy a [t] il randuz de la part de ceux qui, contre les sentimans de la compagnie, l'ont envoyé. Leur entreprise est allée jusques a ce point qu'ils n'ont pas voulu reconnoistre pour mediateur de noz differantz celuy que, apprès le Roy, eux et nous devons honnorer et respecter comme maistre et lequel juridiquemant peut condamner, faire punir et chastier tous ceux indiferammant qui commettent des crimes et des attentatz contre le sceptre et la couronne, contre le service, le respect et l'obeyssance qu'ils doivent a Leurs Majestez et a S. A. R. et contre le bien publicq, interestz et advantages de la province n(ot)re commune mere.
Nous aurions beaucoup a dire sur une matiere de cette nature, mais, pour n'abuser pas longtemps de vostre patiance, Messieurs, il nous suffit de dire pour fin de ce discours que ceux qui ont agi avec tant de passion contre nous ont heu ce dessain, et ont esperé ensuitte d'abolir et d'aneantir une des plus honnorables et des plus vieilles compagnies du royaume, ayant tasché, comme ils ont fait par des voyes bien estranges et fort extraordinaires, d'armer les enfans contre les peres, les freres contre les freres et generalemant tous les compatriotes les uns contre les autres.
Vous, Monsieur, que nous avons l'honneur d'avoir pour presidant et commissaire principal de la part de cette Majesté en cette assamblée, laquelle a receu depuis longtemps tant de tesmoignages de vostre bonté, de vostre affection et de vostre zele pour les interestz de cette province qu'il samble que nous ne devons songer a autre chose pour le p(rese)nt qu'a vous informer bien particulieremant de nostre forme d'agir, très innocente a la verité mais plaine de fidelité, de respect et de zele pour le service du prince et avantage de la province.
Nous attandons doncques, Monsieur, de vostre generosité et de vostre vertu voz assistances très favorables pandant le sejour que vous faites en cette province et les tesmoignages veritables de ce que vous y aurez reconnu, que vous, Monsieur, sans doute randrez avec la sincerité et candeur qui vous sont ordinaires a leurs Majestez et a S. A. R.
Et nous pouvons dire et assurer par avance qu'il ne tiendra jamais a nous que les soins et les peynes que vous, Messieurs, prenés tous par ensemble si agreablemant pour l'execution des ordres dont Leurs Majestez et S. A. R. vous ont chargé et que vous poursuivez avec tant de prudance, de vigueur et d'adresse, il ne tiendra pas a nous, dis je, qu'elles ne rehussissent heureusemant et qu'elle n'ayent la fin et le bon succez que tous les gens de bien desirent avec beaucoup de raison et attendent avec beaucoup d'impatience.