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Discours/Cérémonie


Discours d'un membre des Etats - E16610124(04)

Nature Discours d'un membre des Etats
Code du discours/geste E16610124(04)
CODE de la session 16610124
Date 24/01/1661
Cote de la source C 7125
Folio 125r-128r
Espace occupé 5,1

Locuteur

Titre Monseigneur
Nom np
Prénom np
Fonction Archevêque de Narbonne


Texte :

Monseigneur l'archevesque de Narbonne, presidant des estatz, adressant ses parolles a Monseigneur le prince de Conty et a Messieurs les autres commissaires du Roy, a dict :
Monseigneur, vous scavés qu'en quelque estat que nous considerions l'homme, soit naturel, soit politique, soit de la grace, il ne scauroit demeurer longtempz en mesme assiette, il est compozé de telle sorte qu'il est subjet a des changemens, a des cheutes et a des ruines, et s'il n'estoit soubstenu de quelque appuy il tomberoit bientost dans le dezordre, dans la confuzion et pour le dire en un mot dans le neant.
C'est l'esperance, Messieurs, qui le soubstient en tous ses estatz differantz, c'est par elle qu'il charme les ennemis et les chagrins qui accompagnent inseparablement ceste vie, c'est d'elle qu'il reçoit les consolations qui le confortent au milieu des perilz et mesme des tourmens, elle luy rend supportable la privation des honneurs et des richesses, et de quelque coup de disgrace et d'infortune qu'il puisse estre attaqué on ne le peut jamais dire absolument mizerable que par la perte de l'esperance, tant il est vray qu'il n'est pas si naturel a l'homme de respirer [que d'esperer] en quelque estat de malheur qu'on le veille considerer.
Mais cette esperance, pour faire son bonheur, doibt avoir un fondement certain et asseuré, et comme l'homme dans l'estat naturel ne l'establit que sur la foy humaine ou sur l'opinion si subjecte a errer, il ne faut pas estre surpris s'il est si souvant abuzé.
Il n'en est pas de mesme dans l'estat surnaturel de la grace ou les esperances ne sont jamais trompeuses parce qu'elles sont appuyées sur la foy et la parolle d'un Dieu qui donne tousjours infiniment plus qu'il ne promet et qui, estant immuable de sa nature, ne peust jamais manquer, habentes igitur talem spem multa fiducia utimur, dit l'apostre de la grace.
En l'estat politique les illusions ou les veritables effets terminent les esperances des hommes a proportion de la creance qu'ilz donnent au parolles des grandz et promesses des princes qui sont les garantz et les arbitres de la fortune publique.
Sy les princes ne gouvernent leurs estatz que par des maximes purement humaines et politiques et ne sont pas fortement persuadés de ceste veritté constante que touttes leurs grandeurs, leurs puissances et leurs authorittés ne sont que des ruisseaux et des escoulemens de la puissance suppreme de l'auguste majesté de Dieu et que par consequent tout ce qui en derive doibt estre ordonné, les peuples n'y doivent prandre aucune creance s'ilz ne se veulent tromper eux mesmes, c'est un prince qui me le dit, nolitte confidere in principibus in quibus non est salus.
Mais si au contraire les puissances de la terre rendent l'homage qu'elles doibvent a la puissance du ciel dont elles sont les emanations pour recognoistre l'obligation qu'elles ont de rendre leur gouvernement conforme aux loix de la majesté souveraine, on peust s'asseurer sur leurs promesses et les peubles (sic) ne doivent demander d'autre caution de leurs promesses que leurs promesses mesmes.
Et c'est en cecy que nous sommes heureux d'estre nais soubz des princes qui recognoissent que c'est Dieu qui leur a mis la couronne sur la teste et le sceptre a la main et qui, ayant meritté ce tiltre auguste de très chrestien, scavent que les maximes du christianisme doivent estre la regle du gouvernement de leur Estat et qu'elles les obligent d'estre fidelles a leurs promesses.
L'heureuse experience que nous venons de faire despuis peu de ceste veritté en l'execution de la parolle que nostre invincible monarque nous faisoit porter tous les ans dans ceste compagnie qu'il nous vouloit donner la paix, qu'il ne souhetoit rien avec tant de passion et que l'application la plus importente et quasy l'unique de son Conseil estoit d'en trouver les moyens et que ses grandes et immances levées, qu'il estoit constraint de faire sur son peuple, n'estoint que pour forcer ses ennemis a s'y resoudre, puisqu'enfin ceste paix est arrivée selon nos veux et selon sa parolle.
Nous estions assamblés pandant les traittés qui se faisoint, et ne voulant pas doubter du succès, ceste province a ouvert touttes ses vaines et s'est entierement espuisée et par l'excès et la magnifficence d'un don gratuit de plus de trois millions, elle a mesme surpassé l'attente de Sa Majesté qui en tesmoigna publiquement tant de satisfaction qu'elle donna solennellement sa parolle royalle et sacrée que comme nous luy avions donné des marques si esclattentes de nostre affection, aus[s]y gousterions nous cy après abondamment des fruitz de ses traveaux pendant la paix pour la descharge des subsides et impositions de la province.
N'avons nous pas receu de semblables asseurances de la bonté de la reyne mere, et pouvons nous doubter qu'après avoir obtenu du Ciel par ses prieres et par ses soingz l'allience de deux couronnes qui est l'appuy le plus solide et le lien le plus ferme de la paix, Sa Majesté n'aist pas bien avent dans le cœur le dezir d'en faire ressentir a touttes les provinces les suittes avantageuses, et que S. E. qui a essuyé tant de fatigues aux despans d'une santé si chere et si precieuse a toutte la France pour lui procurer ceste paix qui luy a meritté les benedictions de toutte la Chrestienté, l'estime de tout le monde, les acclamations de tous les peuples, les honneurs et les remerciementz de tous les corps de cest estat, ne soit pas jalous de sa gloire et ne veuille pas couronner son ouvrage, effassant tous les tristes vestiges de la guerre pour faire regner dans toutte l'estandue du royaume avec l'abondance et les richesses des peubles l"amour et le dezir de sa personne.
Après de si grandes promesses n'avions nous pas de justes subjetz de rejouissance publique et de nous consoler de nos maux et de nos miseres passées, l'heureuze rencontre du traitté de la paix et l'espoir du succès avoint moderé le dueil de la perte que ceste province venoit de faire de son illustre presidant, il n'y avoit, ce semble, plus rien a craindre, touttes chozes nous paroissent en seuretté, nos privileges venoient d'estre confirmés, que nous restoit il donc a souhaitter pour comble de nos esperences que de la fermetté dans l'estat des affaires de la province.
Cependant on l'a veue tout a coup dans la derniere consternation sur la triste nouvelle du despart de son ange visible et tutelaire, de la privation de son cher gouverneur, de la mort de Monseigneur le duc d'Orleans, oncle de Sa Majesté, depositaire de ses promesses royalles.
De quelz sentimens de douleur ne feusmes nous point touschés au bruit d'un accidant impreveu, de quelle affliction ne feusmes nous point saisis en la perte d'un prince qui nous avoit donné tant de tesmoignages de son amour et de sa protexion, qui nous a conservé la paix au milieu de la guerre pandant sa vie, ou il semble qu'il n'a vescu que pour l'avoir affermie par la conclusion de la generalle et l'alliance des couronnes et qu'il n'avoit plus rien a pretandre dans ce monde après la ratiffication de nos privileges et la confirmation de la revocation du funeste edict de Beziers.
En effect, Messieurs, nous serions inconsolables de ceste perte si le Roy, par un excès de sa bonté toutte royalle n'avoit pris le soing d'essuyer nos larmes de ses propres mains en luy substituant un prince du mesme sang royal, et d'ailleurs d'un sang si cher a ceste province comme est celuy de ses anciens gouverneurs, prince duquel la solide vertu et l'eminente pietté nous font esperer de la durée en nostre bonheur et que nous verrons restablir nos autelz en peu de temps, refleurir la justice par sa prudente conduitte et que soubz son illustre gouvernement le Languedoc prendra son premier lustre et son encienne dignitté.
Je ne craindrois pas, Monseigneur, d'estre desadvoué de ceste compagnie que de la foiblese de mes expressions si j'entreprenois de parler des advantages que nous nous promettons de l'honneur de vous avoir pour nostre gouverneur, et si j'en parlois selon les sentimens de toutte la province, les affections de mon cœur et mes cognoissances particulieres, je dirois asseurement de grandes chozes que vostre modestie ne souffriroit jamais, je me contenteray de dire que Vostre A. S. ne faira rien que de très grand, de très juste, de très chrestien et de très saint, que vous serés deffenseur de Dieu et de son esglize, l'amour et le soustien de la noblesse, les delices du cœur de toutte la province que vous affranchirés de la tirannie des traittans, la restablissant dans la pocession de ses enciens privileges, que vous luy conserverés les bonnes graces de Leurs Majestés et vous serés persuadé qu'elle ne manquera jamais de respect ni de soubmission a tous vos ordres puisque nous voulons vivre et mourir.