AIDE Fermer

TRI DE RÉSULTATS


Pour trier les tableaux de résultats, il suffit de cliquer sur un des intitulés de colonne.



Vous pouvez également faire des tris sur plusieurs critères en cliquant sur plusieurs intitulés de colonne tout en maintenant la touche "majuscule" enfoncée.


Le nombre de critères de tri n'est pas limité.


aide
Accueil / Recherche session / Session 16620103 / Discours de l'un des commissaires du roi - E16620103(03)

Discours/Cérémonie


Discours de l'un des commissaires du roi - E16620103(03)

Nature Discours de l'un des commissaires du roi
Code du discours/geste E16620103(03)
CODE de la session 16620103
Date 03/01/1662
Cote de la source C 7132
Folio 3v-8r
Espace occupé 10,1

Locuteur

Titre Monsieur de Bezons
Nom np
Prénom np
Fonction Intendant


Texte :

Monsieur de Bezons a dict,
Messieurs,
Dans le momment que je reçois ordre de Monseigneur le prince de Conty de vous expliquer les volontés du Roy, je me trouve surprins par un accidant semblable a celluy qui arriva autrefois aux prestres de la ville de Jerusalem lorsque le plus sage de tous les Roys, apprès avoir fait construire ce temple superbe dont la memoire ne s'effassera jamais de l'esprit des hommes et placé dans le lieu destiné l'arche d'alience pour y concerver ce gage perpetuel de la bonté de Dieu envers son peuple tant qu'il demeureroit dans l'estroitte observation de ses lois, les levittes et les ministres, voulans randre des actions de graces a celluy qui les combloit de tant de bienfaitz, feurent saisis d'un si grand estonnement qu'ils ne peurent jamais satisfaire a l'obligation de la gloire du seigneur qui avoit occupé touttes les parties du temple et l'esprit des assistans.
Il y a longtemps que j'ay consideré la charge de parler dans ceste compagnie auguste de la part du Roy comme un ouvrage au dessus de mes forces, soit a cause du meritte et de la grandeur de mon sujet ou de la suffisance de ceux qui m'escouttent, et que d'ailleurs il est difficille de traitter si souvant une mesme matiere sans tomber dans une reditte qui ne peust estre qu'ennuyeuse, mais ce que j'avois apprehendé par ma propre foiblesse m'arrive aujourd'hui par un effect tout differand lorsque je vois Son Altesse Serenissime a la teste de ceste assamblée comme la marque la plus certaine de la bonté du Roy envers vous et une asseurance de la durée de ses graces et de ses bienfaits sur ceste province, je trouve qu'il est remply de la gloire qu'il reçoit de Sa Ma(jes)té par la communication de son authoritté et de sa puissance, qu'il est environné de celle qui rejallit de la grandeur de la naissance royalle et du meritte de ses vertus ; apprès cella, Messieurs, ne soyés pas surprins si l'esclat de toutte ceste pompe et la dignitté du discours qui vous vient d'estre faict me jettent dans la confuzion, si je ne puis pas remplir vos attantes et satisfaire comme je souhaitterois a la commission qui m'est donnée.
C'est une veritté gennerallement cogneue de tous les hommes que les peuples qui ont esté les premiers esclairés de la lumiere de la raison ont heu aus[s]y un respect plus particulier pour la divinitté parce que les semences de ceste croyance, estants infuzes dans touttes les ames, il n'y a eu que l'orgueil et la corruption de meurs qui ayent peu estouffer ces sentimens, et s'il s'est trouvé quelques philosophes particuliers qui ayent eu des opinions contraires, il est aisé de juger par la lecture de leurs ouvrages que ces propositions temeraires ont esté plustost l'effet de la vanitté ou du desreiglement de leur esprit que de la sinceritté de leur creance, et comme la fin de l'homme dans l'ordre de la moralle n'est autre que la societté civille pour de plusieurs familles en compozer des cittez, des villes, des provinces et des empires soubz une mesme puissance, le second sentiment que la nature nous a inspiré a esté le respect pour la royauté, parce qu'au commancement des choses, comme parle un historien, la puissance et le commandement des estatz residoint en la personne d'un seul, l'inquiettude des peubles et l'embition des particuliers n'avoint pas invanté ces deux autres especes de dominations qui sont beaucoup inferieures au monarchique, soit dans l'antiquité de leur origine ou dans l'exellance et la forme de leur gouvernement.
Personne ne doubte que la science et la cognoissance des chozes n'ait passé des Hebreux entre les mains des Egyptiens qui pour cela s'aquirent tant de reputation de sagesse, et c'est pour ceste raison que longtemps devant l'establissement des quattre monarchies, les pharaons gouvernoint ceste province aveq une authoritté toutte entiere, aussy les premiers Roys n'estoint pas seulement les images de la divinitté par la souverainetté de leur puissance mais parce qu'ils enseignoint aux peuples la forme du culte et de la religion et qu'ils leur donnoint des loix pour leur gouvernement, et en cella paroissoit visiblement un effect d'une providance eternelle parce que la loy n'estant autre choze, selon le philosophe Crisippe, que la cognoissance parfaitte des chozes divines et humaines, il ne faut s'estonner si les fonctions de ces deux obligations de religion et de soubmission aux puissances seculieres, partant d'un mesme principe, se treuvoint unies en la personne des antiens monarques qui exerçoint pour cella le sacerdoce conjoinctement avec la royauté et randoint mesme la justice dans l'enclos du temple.
Et bien que presentement ces deux authorittez soint divisées, l'on sçait la place que les Empereurs occupoint dans les conseilz, la part qu'ilz avoint aux decisions qui s'y prenoint, l'on sçait encores aujourd'huy que dans les corps d'estatz et dans les assamblées poiltiques l'esglize y concerve le premier reng et que l'on n'y prand jamais de deslibera(ti)on qu'après en avoir fait l'ouverture par un acte de religion et demandé des lumieres a celuy qui tient le cœur des Roys en sa main, cepandant je trouve que n'y ayant qu'un culte veritable et une seule religion, la presomption a donné la naissance a touttes les erreurs dont le monde est affligé : ceste mesme presomption et l'impatience de soubmettre son esprit a l'obeissance a changé la forme des Estatz, la feneantize de quelques princes y a donné lieu a la veritté, et les vices des peuples ont randu ceste multitude de loix necessaire ; parce que n'estant qu'un remede contre le mal on sçait qu'elles n'ont pas esté invantées pour les gens de bien et qu'elles ont esté establies comme un moyen d'arrester les desordres. Mais comme les chozes créées dans l'ordre de la nature tombent dans quelque decadance dans la suitte du temps, elles ont bezoin d'estre rappellées quelquefoix a leur premier principe pour recevoir quelque nouvelle force. C'est pour cela que Dieu exitte esgallement dans les Royaumes des hommes extraordinaires qui ayent esgallement devant les yeux le respect de la religion, l'esprit de gouvernement et l'amour de la justice, affin de randre a Dieu ce qui luy est deub, de faire agir l'authoritté royalle dans toutte son estendue et d'inspirer aux loix qui estoint comme ensevelies une nouvelle vigueur pour n'estre plus comme auparavent l'objet de nostre simple cognoissance mais la reigle des mœurs et de nostre conduitte.
Icy je m'aperçois incensiblement qu'au lieu de quelques refflections que j'avois medittées sur les chozes qui establissent le bonheur des provinces et forment la felicitté des peuples je fais un portraict de l'estat ou se trouve la France aujourd'huy, puisque nous sommes assez heureux de jouir de tous ces biens par ceste conduitte admirable de nostre prince qui donne de l'estonnement et de l'admiration a touttes les autres nations, j'advoue et il est veritable que les fondemens de ces avantages avoint esté jettés par le feu Roy Henry quatriesme. Mais par un malheur que l'on ne sçauroit assés detester il nous feust ravi auparavant que d'avoir consommé cest ouvrage, la necessitté des guerres de Louis le juste et les combatz qu'il a esté obligé de donner pour la religion l'ont couronné de palmes et de lauriers, mais une mort anticipée par les fatigues qu'il avoit souffert luy a arraché l'olive de la main, et il se rencontre pour nostre bonheur que le souhait de ces deux grandz princes se trouvent heureusement accomplis et leurs traveaux recompancés en la personne de nostre monarque, que l'Europe regarde aujourd'huy comme un soleil sans tache montant sur son orison, dont la lumiere est capable d'esclairer tout le monde et la chaleur de dissiper tous les nuages que la terre pouvoit former pour en obscurcir l'esclat, j'advoue avec les philosophes que les vertus ne sont point contraires entre elles mesmes et qu'elles ne peuvent jamais estre parfaittes que lorsqu'elles sont touttes unies en un mesme subjet, il est certain neaumoins que le temperamment et l'aage des hommes donnent plus d'esclat aux unes qu'aux autres, la valeur demande de la force et de la junesse pour exercer des actions extraordinaires, la magnanimité et la liberalitté ne peuvent estre practiquées que par ceux qui sont dans un age de consistance, et l'on peut confesser que ces vertus se ralentissent et perdent de leur lustre par la suitte du temps et que la sagesse seule nous reste, qui se forme pour ainsy dire du debris des autres ; Dieu, voulant gratiffier Salomon a cauze de la fidelitté de David luy donna a choisir de tous les avantages qu'il pouvoit souhaitter, il negligea les nouvelles couronnes qui ne se peuvent acquerir que par une guerre injuste, il mesprisa les richesses qui sont le partage des ames basses, et sans se considerer soy mesme il demanda a Dieu l'esprit de gouvernement comme le seul moyen de rendre ses peuples heureux, et il feust doué de ceste proffonde sagesse qui l'a distingué de tous les autres princes du monde, le Ciel veut recompancer la France de la perte qu'elle a faite d'Henry IV et de Louis treize, il fait naistre nostre prince aveq tous les advantages de la grace et de la nature, mais il quitte les triumphes et les victoires auxquelles sa valeur et son inclination l'apelloint, il dompte les passions et les voluptés que sa puissance luy pouvoit fournir, il cherche sa gloire dans le bonheur et la felicitté de ses peuples, et Dieu luy donne comme a un autre Salomon ceste sagesse consommée, et ceste vertu qui ne vient d'ordinaire que dans le declin de l'age anticipe en sa personne les années, accompagne toutes les autres et leur sert de relief.
Ce n'estoit pas assez dans l'antiquitté pour meritter le nom de heros d'avoir fait des actions extraord(inai)res pour sa propre gloire, il faloit parmy les poettes avoir dompté quelque monstre et dans la veritté avoir procuré a la posteritté quelque signalé bienfait dont la memoire feust eternelle. Nostre grand Henry a justement meritté ce tiltre pour avoir conquis son estat et surmonté la supersitition, Louis treize a dompté l'heresie et randu a Dieu les autelz qui luy avoint esté arrachés, et puisque la science du medecin qui conserve la santé est autant a estimer que de celuy qui la restablit lorsqu'elle est perdue, ce que le Roy a faict pour maintenir la paix de l'esglize et la quietude du Royaume esgale les triumphes de ses predecesseurs. Mais le Ciel qui le destine a des chozes extraordinaires n'a pas renfermé sa gloire dans ces seulz limittes. Il y a des monstres d'autant plus difficiles a vaincre qu'ilz ont partout des adorateurs et des sacrifices, je parle icy du blaspheme, de l'impietté et de la licence des duelz que les desordres de la guerre avoint introduit et que nostre monarque, marchant sur les vestiges de s(ain)t Louis, son ayeul et le vostre, Monseigneur, a arraché du cœur et de l'esprit de ses subjetz. Il restoit apprès tout cela quelque choze de grand pour rendre a la France son premier esclat, les historiens marquent bien le debris de l'empire romain et qui feurent ceux qui partagerent les parties de ce grand corps, mais personne ne doubte que nous n'ayons esté les heritiers de ce qu'ils avoint de plus illustre et de la source de leurs triumphes dans le temps de leur premiere vigueur, je veux dire la gloire qui les animoit dans touttes les actions de l'amour de leur patrie qui leur faisoit faire des chozes extraord(inai)res et prefferer une statue dans le Capitole aux couronnes et aux diademes, ceste belle gloire a esté longtemps le partage des François qui estimoint plus de meritter les louanges de leur souverain que touttes les autres recompances, mais les corps politiques ont leurs maladies aussy bien que les naturelz, celle de nostre siecle a esté l'intherest et l'amour des richesses qui avoit estoufé tous les sentimens de vertu, ceste idole estoit plantée dans le milieu du cœur des hommes, c'estoit une divinitté a laquelle tout le monde donnoit l'encens, il y en avoit peu qui n'eussent fleschi le genouil devant Belial, tout d'un coup nostre monarque a renversé ce colosse et érigé un temple a la gloire des ruines de celuy de l'avarice, ce triumphe esgalle a mon sens ou surmonte tous ceux de l'antiquitté, puisqu'il redonne a la vertu le meritte et l'estime qu'elle avoit perdu, les hommes auront a l'advenir pour juge et pour tesmoin de leur conduitte celluy qui est le maistre de nostre vie et de nostre fortune, c'est ainsy, dit Philon le Juif, qu'un prince sage, imittant la providance eternelle, doibt pour obliger les hommes a bien faire et les attacher a leur debvoir se reserver a luy seul les recompances de la vertu et laisser aux causes secondes l'execution de la severitté des loix dans la punition des crimes.
Ne vous estonnez pas, Messieurs, d'un changement si soudain et si prompt et si la France a receu pour ainsy dire tout d'un coup une nouvelle naissance, le Roy entre dans la discution de ses affaires particulieres, il fournit a touttes les obligations de la royauté et il est la loy vivante et animée qui gouverne son royaume, beaucoup de vous, Messieurs, estes tesmoingz des soings infatigables qu'il prand pour nous procurer du repos et de la felicitté et la renommée en ceste occasion est beaucoup plus foible que la veritté.
Les Atheniens, considerant les avantages que leur republique avoit receu par la conduitte de Themistocle, instituerent des sacriffices publiqs tous les ans pour demander aux dieux un heritier de touttes ses vertus extraordinaires, le Ciel a prevenu nos veux par la naissance de Monseigneur le dauphin, il a rempli nos attentes et comblé nos esperances par cest illustre present, et nous pouvons dire aveq touttes les apparences du monde que Dieu veust conserver longtemps en la personne de nostre Roy l'heritage de ses encestres, mais qu'il destine a son fils les couronnes qu'il arrachera des mains des infidelles, le soleil embrasse a la veritté touttes chozes par son empire et par sa puissance, il ne peust pas pourtant porter le jour sur une partie du monde qu'il n'abandonne l'autre a la confuzion des tenebres, les entreprinses de nos princes pour la guerre saincte ont esté interrompeues par la necessitté de pourvoir au gouvernement de leur estat, mais le Roy, sans abandonner la France, donnera a cest illustre filz les moyens de venger la cauze de Dieu et de son esglize, ses victoires appartiendront au pere comme l'ouvrage de ses conseilz et comme celluy qui fournira les hommes et les autres nerfz de la guerre et elles apartiendront au filz comme les effectz de ses traveaux et de sa valeur, mais il est difficille a un prince de concevoir de si grands dessains si Dieu ne luy donne des compagnons de ses entreprinses et des personnes qui, estans interessées a leur gloire par les liens de la nature, en veulent partager avec luy la peine, c'est pour cella que la naissance de Monseigneur le Dauphin a esté precedée de celle de Monsieur le comte, qu'une mesme année leur a donné a tous deux la lumiere, et puisqu'il sera un jour le disciple de la vertu et de la magnanimitté de Vostre Altesse Serenissime et instruit dans la pietté domestique de ceux dont il tient la naissance, il sera sans doubte le fidelle appuy de tous les triumphes que Dieu destine a nostre jeune Caesar, fasse le Ciel que ces chozes se puissent accomplir ! Qu'il diminue de nos années pour augmenter la vie des personnes si necessaires a la France et au monde chrestien, et puisque tout le soing de Sa Majesté est de procurer l'advantage de ses peuples, je souhaitte que ceste province fidelle puisse recognoistre la grandeur de ses bien-faitz par une entiere soubmission a ses volontez, et que dans l'execution de ses ordres et de ceux de S. A. S(erenissi)me je trouve les occasions de donner des preuves de mon respect a ceste province en general et a tous les particuliers qui la compozent.