AIDE Fermer

TRI DE RÉSULTATS


Pour trier les tableaux de résultats, il suffit de cliquer sur un des intitulés de colonne.



Vous pouvez également faire des tris sur plusieurs critères en cliquant sur plusieurs intitulés de colonne tout en maintenant la touche "majuscule" enfoncée.


Le nombre de critères de tri n'est pas limité.


aide

Délibération 17500205(04)



Nature Mémoire, pièces diverses. à l'appui d'une délibération
Code de la délibération 17500205(04)
CODE de la session 17500129
Date 05/02/1750
Cote de la source C 7484
Folio 15r
Espace occupé 23p.

Texte :

Au Roy
Sire
Les gens des trois Etats de votre Province de Languedoc, vos très humbles, et très obeissants serviteurs et sujets, ont l'honneur de representer a Sa Majesté que la premiere deliberation qu'ils ont coutume de prendre au commencement de leurs sçeances, est celle par laquelle ils donnent a Sa Majesté une nouvelle marque de leur zele invariable pour la gloire et le bien de son service en luy accordant un Don Gratuit de trois millions de livres, et qu'ils sont prets a renouveller cette même deliberation avec le même empressement et la même soumission.
Ils n'avoient pas lieu de prévoir qu'il put y avoir le moindre retardement a cette deliberation, après les assurances les plus positives qu'ils avoient reçues dans la personne de leurs deputés, qu'il ne seroit point derogé aux usages et aux privileges de cette Province a l'occasion du vingtieme établi par Edit du mois de may 1749, et ils en avoient même reçu un gage dans le sursis que Votre Majesté a bien voulu accorder jusqu'a l'assemblée des Etats, a toutes operations relatives au recouvrement de cette imposition.
Cependant, leur attente a été trompée lorsqu'ils ont vu dans les instructions adressées par Votre Majesté a ses Commissaires, qu'ils ne sont point chargés de demander aux Etats leur consentement a cette nouvelle imposition, et que la forme qui est indiquée pour la repartir et la recouvrer, tend a les priver de l'un et de l'autre. Comme rien ne peut être plus opposé a leurs usages et privileges, l'obligation ou ils se trouvent de conserver la possession aux peuples qui leur en ont confié le depost, la religion du serment qu'ils renouvellent chaque année a l'ouverture de leurs sçeances, de ne rien deliberer qui puisse y être contraire, la vive douleur qui les anime a la vue des differents devoirs qu'ils ont a accomplir, et la confiance qu'ils doivent avoir dans la justice et dans la bonté de Votre Majesté, leur inspirent les très humbles recommandations et remontrances qu'ils prennent la liberté de luy faire.
L'idée la plus simple et la plus generale qu'ils puissent donner de ces privileges et de ces usages par rapport aux impositions ou levées de deniers est qu'il ne peut en être fait aucune sur le General de la Province, villes et communautés, en vertu d'aucuns Edits, quand même ils seroient faits pour le general du Royaume et que les Etats après y avoir donné leur consentement en font eux mêmes la repartition et le recouvrement sur les redevables, l'un et l'autre est conforme a une possession très ancienne, et a des titres bien respectables; et on ne sera pas en peine d'en trouver la preuve, même dans les tems eloignés, puisqu'ils remontent jusqu'avant la Reunion du Languedoc a la Couronne.
Raimond VII, Comte de Toulouse, dans son testament du 23 septembre 1249, confirme tous les privileges et coutumes dont jouissoient les Barons Chevaliers et autres vassaux, les chateaux et villages de ses domaines, avec defense a Jeanne sa fille, femme d'Alphonse, Comte de Poitiers, son heritiere universelle de leur causer aucun prejudice touchant les Tailles et autres impositions qu'ils luy avoient accordées non par devoir mais de leur propre volonté. Et par les lettres patentes données a Aigue Mortes au mois de juin 1270 par Alphonse, dernier Comte de Toulouse, gendre de Raymond VII, declare que ce qu'il luy a été donné par ses sujets pour faire le voyage de la Terre Sainte n'est qu'une subvention volontaire et gratuite, qui ne peut pas être tirée a consequence pour les obliger a l'avenir d'en faire de semblables sous quelque pretexte que ce soit.
Alphonse étant mort sans postérité, le Roy Philippe le hardy, son neveu, se mit en possession de la Comté de Toulouse en 1271, et le Senechal de Carcassonne promit dans cette mise de possession de maintenir les peuples dans leurs usages et privileges, dont le principal étoit de ne rien exiger d'eux que par leur consentement donné dans une assemblée generale, ces assemblées se faisoient d'abord par senechausséees, et elles étoient composées des evêques et abbés, des Gentilshommes, et des Consuls des villes et lieux qui avoient droit d'y assister. Mais, comme les differentes convocations mettoient une plus grande difficulté dans la distribution des impositions, on trouva a propos de convoquer les Senechausséees en un seul corps qui a composé les Etats generaux de la Province.
Ils ont été, Sire, toujours occupés dans leur assemblée de la distribution ou repartition des sommes qui doivent être imposées sur la Province, de l'examen des comptes qui en sont rendus, de toutes les affaires qui peuvent regarder la Province en general, ou quelqu'un des ordres en particulier, et de tout ce qui pourroit donner atteinte a leurs droits et privileges.
Aux Etats assemblés a Toulouse en 1356, après la prison du Roy Jean, on voit qu'ils accordent des subsides extraordinaires. Que la repartition en fut faite en la forme alors accoutumée, c'est-a-dire par feux, et que les Etats nommerent quatre receveurs pour en faire le recouvrement.
En 1358 et 1359, la repartition des sommes accordées au Roy par la Province fut faite par des Commissaires nommés par les Etats, qui nommerent aussi des receveurs generaux et particuliers pour en faire le recouvrement.
En 1360, de nouveaux secours furent accordés pour la rançon du Roy Jean, ils furent repartis par les Nobles et par les gens des Trois Etats des Senechaussées de la Province, et le recouvrement en fut fait par les receveurs qu'ils nommerent a cet effet.
En 1362, 1365 et 1367, on trouve de nouveaux exemples semblables a ceux qu'on vient de citer, avec cette circonstance que le Marechal d'Audeneham, Gouverneur de la Province, et ensuite le Duc d'Anjou, confirmerent ce qui avoit été fait par les Etats.
Le Roy Charles VII, dans la reponse qu'il fit en 1424 au cahier des doleances des Etats, ordonna que la repartition des subsides se feroit par des personnes elues par les Etats, ainsy qu'il est accoutume, et que les receveurs particuliers seroient nommés et elus par chaque Dioceze.
Le même Prince ayant presidé aux Etats generaux de Languedoc assemblés au château d'Espaly près Le Puy au mois de janvier 1425, permit à chaque Dioceze, conformement a la demande des Etats, d'elire et de nommer suivant l'usage, les receveurs de l'aide ou subside qu'ils lui accorderent alors, ce qui fut encore renouvelé en 1441 par d'autres lettres patentes accordées par le même Prince pour maintenir les Etats dans cette même liberté.
Les Commissaires qui presidèrent au nom du Prince aux Etats assemblés à Montpellier en 1444 et 1445 accorderent aussy en son nom, la plus part des articles du cahier des doleances et entre autres que la repartition de l'aide ou subside accordé au Roy se feroit par Senechaussée et par Diocezes. Que cette repartition se feroit par l'assemblée avant de se separer, ainsy qu'il étoit accoutumé, et ce qui a toujours été continué depuis, comme on le voit en particulier par la repartition qui fut faite aux Etats de l'année 1468 de la somme ou subside accordé au Roy par cette assemblée.
Plus on s'eloigne, Sire, des tems aussy reculés, plus les exemples d'une possession aussi ancienne se multiplient; on les trouve dans la suite non interrompue des proces verbaux des assemblées des Etats depuis l'année 1501 jusqu'a aujourd'huy, chaque assemblée fournit une nouvelle preuve qu'ils se sont toujours maintenus dans le double usage de consentir a l'imposition des sommes demandées par nos Roys, et d'en faire la repartition et le recouvrement; on trouve même un grand nombre d'exemples en 1520, 1521, 1522, 1523 et années suivantes que les Etats ont été assemblés plusieurs fois dans la même année, lors que nos Roys se trouvoient obligés de demander des secours imprevus, quoi qu'ils ne fussent que de soixante ou de quarante mille livres, et même en dessous.
C'est aussi dans le même tems que le Roy François I[er] donna un Edit qui renferme tout a la fois la preuve la plus solennelle des usages observés dans la Province, et la confirmation la plus expresse de ces mêmes usages.
Ce prince, ayant créé en 1519 dans chaque Dioceze du Languedoc au nombre de vingt-trois, des elus receveurs, greffiers, procurateurs des aydes et octroi qui formoient alors les seules impositions de la Province, et qui sont connues encore aujourd'huy sous le même nom, les Etats assemblés dans la ville de Montpellier presenterent leurs doleances et remontrances aux Commissaires nommés par le Roy pour assister en cette assemblée dans lesquelles ils exposerent l'usage qui étoit alors observé, suivant les privileges et libertés confirmés par les Roys ses predecesseurs, et par luy même à son avenement à la Couronne, et qu'ils observent egalement aujourd'huy, tant sur la maniere de repartir les impositions que sur la maniere de les recouvrer. "De toutes lesquelles choses les gens des Trois Etats remontrerent avoir joui et usé de tant et si longtemps qu'il n'étoit memoire de contraire, pourquoi trouvoient cette creation et erection d'officiers a très grand interest, prejudice et dommage de la chose publique d'icelui pays, de leurs privileges, libertés, et usages concedées par Sa Majesté."
Surquoi il fut donné un Edit le 22 aoust 1520 qui s'explique en ces termes: "Savoir faisons que nous, les choses susdites considerées, et sur ce l'avis et deliberation des gens de Notre Conseil, auquel avons fait entendre cette matiere, pour ces causes, nous, considerant la bonne et parfaite loyauté et obeissance que notre peuple et sujets de notre pays dit de Languedoc ont toujours demontré par effet avoir envers nos predecesseurs Roys et nous, voulant pour ce favorablement les traiter et les entretenir en leurs anciens privileges, exemptions et Libertés, et pour autres bonnes raisons et considerations a ce nous mouvans, abolissons, supprimons et eteignons lad. nouvelle creation et erection desd. offices d'elus, receveurs, procureurs et greffiers sur le fait de nosdits octrois et equivalent en notre pays de Languedoc. Voulons et nous plait que les deniers de nosd. octrois et équivalent soient dorenavant imposés, levés et reçus, ainsy et dans la forme et maniere qu'ils ont été par ci devant de toute ancienneté et auparavant la creation desdits offices. Si donnons en mandement."
Le seul exposé, Sire, d'une loi aussi precise suplée a toutes les reflexions et ne laisse aucun doute sur la durée et la validité d'une possession, que la succession de plusieurs siècles, et les changements qu'ils entrainent avec eux n'ont pu interrompre.
On en trouve une nouvelle preuve dans l'Edit donné par le feu Roy votre Auguste Bisayeul en 1649, portant revocation de l'Edit de Beziers, et dans celuy du mois de decembre 1659 qui confirme cette revocation. Le dernier de ces Edits porte que "comme le pouvoir de la Royauté est destiné a procurer le bien et commodité des sujets, en gardant les mesures differentes que les anciens reglemens ont introduit dans les provinces, Sa Majesté a bien voulu se faire informer exactement, a son entrée dans sa bonne ville de Toulouse, des droits et privileges de la Province, et des villes d'icelle en particulier; que c'est dans cette vue qu'elle a convoqué les Etats dans la même ville pour leur donner moyen de lui presenter leurs plaintes afin d'y être pourvu incontinent, et de leur temoigner la bienveillance qu'elle a pour eux, et la satisfaction qui luy reste de la fidelité et de l'affection sincere pour son service qu'ils ont fait paroitre a l'exemple de leurs predecesseurs aux occasions les plus difficiles qui se sont presentées durant son regne. Que cette disposition apporte les Etats a luy faire avec confiance leurs très humbles remontrances sur divers articles ou ils estiment que les droits, libertés, et privileges de la Province avoient été violés. Surquoi ils luy ont representé que l'autorité royale bien loin d'avoir été blessée par l'Edit portant revocation de l'Edit de Beziers, avoit reçu plus d'éclat lors qu'elle avoit été employée a rendre justice a ses sujets, en leur conferrant leurs anciens droits et privileges par les Edits qui ôtent tous les empechements qu'on voudroit apporter par puissance de fait a la manutention, et a l'execution de leurs anciennes franchises et libertés. Et Sa Majesté, estimant devoir faire cesser tous sujets de plainte par son autorité, et recompenser la fidelité des habitants de cette Province par le temoignage public de sa bonté en leur endroit qui la porte avec satisfaction a les maintenir en leurs droits, confirme en tant que de besoin l'Edit du mois d'octobre 1649 portant revocation de celui de Beziers, quoi qu'il ait été fait dans les tems de sa minorité, et durant les derniers mouvements de la Guerre Civile qui agitoient les autres provinces du Royaume; et voulant maintenir ladite province en tant que besoin seroit en tous ses droits, libertés, formes, et privileges. Et en cela luy faire ressentir les effets de sa bonté et de sa justice, elle declare qu'il ne sera fait a l'avenir aucune imposition de sa part sur les biens de la Province, et generalement toute autre imposition et augmentation de droits, que prealablement elles n'ayent été consenties par ses très chers et biens aimés les gens des Trois Etats de la Province. Elle confirme en même tems les villes en particulier dans leurs droits, libertés, exemptions, et privileges dont elles ont ci devant joui."
Tel étoit, Sire, le langage d'un grand Roy, qui allioit ainsy la Majesté du Thrône et l'autorité du souverain avec la justice et la bonté qu'il doit a ses peuples. Tels sont les motifs qui ont determiné chaque Regne a confirmer les usages, privileges et libertés de la Province; et c'est en suivant l'exemple de ses augustes predecesseurs que votre majesté heureusement regnante a bien voulu confirmer par ses lettres patentes du 26 octobre 1715 les gens des Trois Etats de la Province de Languedoc dans tous leurs droits, privileges, immunités, exemptions et prerogatives qui leur ont été accordés en vertu d'aucuns Edits, Déclarations, traités, et transactions en quelque sorte et maniere que ce soit, et en quoi qu'ils puissent consister.
Les Etats, Sire, acquierent aussy chaque année un nouveau titre, qui confirme ceux dont on vient de parler; lorsqu'en accordant le Don Gratuit, ils y mettent toujours pour une des principales conditions "Que nulles impositions et levées de deniers ne pourront être faitte sur les villes et communautés en particulier n'y sur les habitants en vertu d'aucuns Edits bursaux, Declarations, Jussions, et autres provisions contraires a ses droits et libertés, quand même ils seroient faits sur le General du Royaume"; cette condition est acceptée nommément par les Commissaires presidents pour Votre Majesté aux Etats qui mettent a la marge le mot accordé, et qui donnent une ordonnance d'acceptation conforme a leurs apostilles. D'ou il resulte que chaque année Votre Majesté reconnoît par la bouche de ses Commissaires le privilege fondamental qui sert de base a tous les usages et libertés de la Province, et qu'elle donne une nouvelle assurance de l'y maintenir.
On ne sera point surpris que des titres aussy respectables ayent toujours eu leur execution tant par rapport au consentement qui est demandé chaque année aux Etats pour l'imposition des sommes qui doivent être reparties, qu'a l'egard de la repartition qui en est faitte par eux et du recouvrement qui en est fait a leur nom, il n'y a eu aucune difference a ce sujet entre les impositions qui sont devenues annuelles et celles que le besoin de l'Etat ont donné lieu d'etablir pour un tems, et qui par cette raison sont regardées comme extraordinaires.
Les premieres, qui sont enoncées dans la commission dont il est fait l'ecriture chaque année le jour de l'ouverture des Etats, composent l'ancienne Taille ou deniers ordinnaires, et cette même commission charge les Commissaires qui president aux Etats pour Votre Majesté de requerir ou de demander a son nom que les Etats "veuillent liberallement accorder et octroyer les sommes qui sont enoncées dans cette même commission."
Les autres impositions qui forment ce qu'on appelle les deniers extraordinaires sont demandées par les Commissaires de Votre Majesté suivant les instructions qu'ils en reçoivent. Le Don Gratuit est la premiere et la plus ancienne de toutes ces impositions et toutes les fois qu'il s'est agi d'en etablir une nouvelle dans la Province, nos Roys ont chargé leurs Commissaires de donner connaissance aux Etats de l'Edit ou declaration qui en ordonnoit l'etablissement dans tout le Royaume, a l'effet que les Etats y donnassent leur consentement.
On n'en trouvera point la preuve, Sire, lors du premier etablissement de la Capitation en 1695 par ce que les Etats en donnerent l'exemple a tout le Royaume, et en firent eux même la proposition; mais on la trouvera, soit lors du rétablissement de la Capitation en 1701, soit dans les differents etablissements du dixieme en 1710, 1733 et en 1741. A peine le cinquantieme fut-il établi en 1725 que la nature de cette imposition fut changée et suivie de son entiere suppression. Dans ce court intervalle les Etats reclamerent solennellement l'execution de leurs privileges, et l'abonnement qu'ils obtinrent pour la perception de cette espece d'imposition pendant le tems ou elle avoit eu lieu, rassura leurs craintes et remplit leur attente. Il en a été usé de la même maniere a l'egard des deux sols pour livre du dixieme, et des quatre sols pour livre de la Capitation; et quelque denomination qu'on ait pu donner a ces impositions, quelque difference qu'on ait pu remarquer dans leur nature, il n'y a point eu de changement dans le double usage ou les Etats ont été maintenus d'y consentir, et d'en faire la repartition et le recouvrement, si ce n'est que lors du dixieme établi en 1710, l'abonnement fut borné a la partie des fonds roturiers et des fonds et droits nobles, parce que c'est ce qui forme l'objet principal de l'administration des Etats, au lieu qu'en 1734 et en 1741, toutes les differentes natures de revenus sujets au dixieme y furent comprises.
Telles sont les preuves, Sire, de la possession dans laquelle les Etats de Languedoc ont été maintenus depuis la reunion de cette Province a la Couronne. Tel est l'accord des tems les plus reculés avec ceux qui se rapprochent de nous, pour faire voir que cette possession, bien loin d'estre incertaine, passagere, ou usurpée, est justifiée par des monuments authentiques, et appuyée sur l'autorité de nos Roys. Chaque assemblée d'Etats convoquée par leur ordre, chaque deliberation qui a accordé les sommes demandées par leurs Commissaires, chaque repartition des mêmes sommes faite par les Etats sur les redevables, renferment une nouvelle preuve du double usage dans lequel votre Province de Languedoc a été maintenue de consentir l'imposition des sommes demandées, et d'en faire la repartition et le recouvrement; et après cette foule d'exemples reiterés qui justifient de la possession des Etats dans l'exercice de leurs privileges et dans leurs usages, cette possession deviendroit seule un titre qui supléeroit à ceux qu'une longue suite de siecles n'auroit pas permis de rapporter.
Mais si les Etats, Sire, ont autant d'avantages dans l'exposé de leur possession et de leurs titres, s'ils se trouvent a cet egard dans une position qui leur est propre, et qui ne peut être appliquée a aucun autre pays d'Etats, ils peuvent sans doute se flatter de ne s'estre pas rendus indignes d'y estre encore maintenus. Ils ne devroient pas entrer en preuve a ce sujet, leur conduite passée parle pour eux. Ils se flattent qu'elle est presente a l'esprit et au coeur d'un Roy qui ayme tendrement ses peuples, et qui en est tendrement aymé, et si elle pouvoit être oubliée, les Edits, les declarations, et arrests du Conseil qui renferment les temoignages eclatants de leur soumission et de leur zele sont autant de monuments qui en transmettroient le souvenir a la posterité.
Les Etats, Sire, ne chercheront donc pas a faire valoir les Dons par eux offerts, et les secours de toute espece qu'ils ont fournis dans les plus pressants besoins de l'Etat; mais il doit leur être permis d'en conclure que, s'ils ont toujours été des sujets fideles, soumis et affectionnés, ils ne doivent pas craindre d'être traités aujourd'huy comme s'ils eussent abusé de leurs privileges et de la forme de leur administration. Et dans quel tems pourroient-ils apprehender d'y voir donner atteinte que dans le moment ou Votre Majesté, en donnant la paix a l'Europe, a fait connoitre sa moderation aux puissances qui l'avoient obligé de prendre les armes. En desirant comme Pere des Peuples de cette grande monarchie, de les faire jouir des fruits de cette paix, son dessein n'est pas d'y mêler l'amertume de la perte des usages et des prerogatives dont ils sont justement jaloux; et si Votre Majesté est forcée de leur imposer de nouvelles charges, il seroit sans doute bien sensible a son coeur paternel d'y ajouter a l'egard de si fideles sujets la douleur de les priver de leurs privileges puisque cette privation emporteroit avec elle une espece de punition et de fletrissure qui n'ont point été meritées.
Telle seroit cependant, Sire, l'idée que les peuples de cette Province se formeroient d'un changement que leur soumission passée et presente ne leur permettent pas de craindre. On sait quelle est sur l'esprit et le coeur des hommes l'autorité de l'education et de l'habitude. On sait quelle est la force ou sentiment qui les attache a leur patrie, et aux Loix sous lesquelles ils ont vecu. Mais cette sensibilité auroit encore un autre motif, peut-être aussy fort et aussy agissant, dans l'idée ou sont les peuples du Languedoc de regarder leurs usages et leurs privileges comme la plus riche portion de leur patrimoine, s'il leur reste en effet quelque ressource pour diminuer le poids enorme des charges, ils la trouvent principalement dans la sagesse et dans la douceur d'une economie interieure qui, semblable a celle d'un pere de famille, etudie tout ce qui peut contribuer a leur soulagement. C'est a l'aide de leurs usages et de leurs privileges que lesd. Peuples de cette Province sont soumis a une administration qui a toujours paru digne de louanges, et qui a même été souvent proposée pour modele. C'est au moyen de cette administration qu'au lieu d'être exposés a une diversité de recouvrements qui se nuisent souvent les uns aux autres, et qui sont toujours ruineux pour les redevables, ils sont accoutumés a les voir reunis en un seul, dont tout ce qui est incertain et arbitraire est absolument banni, et dans lequel ils ne sont point exposés a des frais inutiles. C'est par une suite de cette sage economie que leur industrie est animée par des recompenses, que leur commerce est favorisé par la libre et facile communication des chemins, que les peuples, enfin, ont pu supporter sous le dernier Regne, et sous celui de Votre Majesté, des impositions dont le produit peut être regardé comme immense, tandis que les recouvrements faits en vertu des traités ou sur des Rolles, tels que la recherche des droits de controlle, centieme denier et autres droits semblables, et nommement les taxes du droit de confirmation, et celles sur les arts et metiers, ont repandu partout la desolation et la misere; quoi que leur produit ne puisse en aucune maniere estre comparé a celui des impositions.
Il ne faut pas être surpris si une administration aussi simple, et aussi attentive au soulagement des peuples, a été le principe d'un credit qui n'a jamais pu être alteré, qui n'est point necessaire a cette Province pour elle même, qui n'a été employé que pour le bien de l'Etat, qui a supléé plusieurs fois a l'execution des Edits de creation d'offices et de droits, dont le recouvrement auroit été difficile ou impossible, qui, mis en oeuvre sous le regne de votre Auguste Bisayeul et sous celui de Votre Majesté par des ministres habiles, a été une ressource heureuse dans des tems facheux et qui independamment des derniers emprunts pour lesquels la Province a prêté son credit a Votre Majesté, a produit une creance qui subsiste encore de près de vingt-cinq millions.
Mais si ce credit doit être regardé comme pouvant encore être utile, les Etats ne craignent pas de dire que l'unique maniere de le soutenir est de n'apporter aucun changement a la forme de l'administration qui est le fondement et la base. Le credit ne depend que de la confiance, et c'est ce qui fait que l'epuisement très connu des redevables de votre Province de Languedoc n'a pu y donner atteinte. Mais la confiance qui est souvent attachée a des circonstances qui parroissent indifferentes l'est encore plus a une forme aussy ancienne que celle de l'administration du Languedoc. La confiance est quelque fois aveugle, elle depend beaucoup de l'opinion, et alors même elle doit être respectée. Mais elle doit l'être encore davantage lorsqu'elle porte sur des motifs aussi solides.
Apres, Sire, tout ce qu'on a exposé des avantages que les peuples du Languedoc et l'Etat même ont retiré jusqu'alors des usages et des privileges de cette Province, on ne pourra pas les regarder comme deffectueux et comme devant être changés, precisement par ce qu'ils ne seroient pas conformes a ce qui seroit pratiqué dans les autres Provinces. L'uniformité qui doit être inviolablement observée a l'egard des sujets d'un même souverain, consiste sans doute a fournir avec egalité, les mêmes secours comme membres d'un même corps, ils doivent tous contribuer dans la même proportion a sa force et a sa santé. Mais si l'egalité dans le payement des charges est attaché a une entiere uniformité dans la maniere d'en faire le recouvrement, il est surprenant qu'on remarque des differences aussy variées dans la maniere dont elles sont reparties et recouvrées dans toutes les Provinces du Royaume. Les impositions sont personnelles dans le plus grand nombre, tarifées dans quelques unes, reelles dans plusieurs autres. Cette realité, bien loin d'être la même et sujette aux mêmes regles, ne change rien a l'egalité avec laquelle les peuples doivent y contribuer, il semble qu'on ne doit pas craindre de s'apercevoir de cette inegalité. Seulement, dans ce qui regarde le recouvrement du vingtieme, cette imposition, qui est extraordinaire, et nouvelle, et dont les peuples se flattent que Votre Majesté desire elle même de borner la durée, a sans doute une destination bien privilegiée, qui est celle de liberer les dettes de l'Etat. Mais cette destination qui n'est pas plus favorable que toutes celles qui ont donné lieu de contracter ces mêmes dettes, peut d'ailleurs être remplie sans etablir un ordre nouveau et une forme inusitée dans la maniere d'exiger cette nouvelle imposition. Si on pense qu'au moyen des abonnements du dixieme, il y a des parties qui ont été favorisées, on peut, ou remedier a cette faveur dans le cas ou on connoitroit distinctement les articles qu'on croit en avoir joui, ou prendre des precautions generales pour etablir une entiere egalite dans le cas ou on ne connoitroit pas nommement les articles. Mais la derogation a des usages et des privileges tels que ceux du Languedoc ne sera jamais regardée par les Etats, comme le seul moyen d'etablir dans le payement du vingtieme l'egalité qu'ils conviennent d'être necessaire.
Il suffiroit, Sire, pour en donner la preuve, d'exposer a Votre majesté l'ordre que les Etats ont suivi dans le recouvrement de la somme de quinze cent mille livres du prix de l'abonnement du dixieme, et les principes qu'ils ont observé dans la repartition de cette somme. Mais le detail dans lequel on seroit obligé d'entrer sur cette matiere pourra donner lieu de la traiter separement avec l'etendue qu'elle merite, et en se bornant aujourd'huy a ce qui regarde les usages, libertés, et privileges de votre Province de Languedoc ; les Etats se flattent d'avoir fait suffisament connoitre a Votre Majesté que, suivant ces usages et ces privileges, ils doivent consentir aux impositions qui leur sont demandées de sa part, et qu'ils doivent aussy être chargés d'en faire la repartition et le recouvrement ; que ces usages et privileges sont etablis sur la possession la plus suivie, et sur des titres emanés de l'autorité royale ; que les Etats et les peuples de cette Province n'ont point merité d'en être privés ; que cette privation leur seroit très sensible puisqu'ils regardent ces usages comme faisant partie de leur patrimoine ; que l'avantage qu'ils en retirent ne consiste pas a fournir de moindres secours que les autres Provinces, mais a les fournir avec plus d'economie et de menagement ; que cet avantage tourne aussy au Bien de l'Etat, et des lors il ne leur reste autre chose a ajouter si ce n'est les supplications et les instances les plus soumises pour que votre Majesté veuille bien, en suivant l'exemple des Roys ses predecesseurs, ne pas permettre qu'il soit derogé a ces usages et a ces privileges, dans tout ce qui a rapport a l'imposition, repartition et recouvrement du vingtieme.
En effet, Sire, s'il y avoit quelque chose a desirer en matiere d'imposition, ce seroit d'imaginer un ordre dans lequel l'autorité royale et le concours de ceux qui ont part a l'administration publique, seroient capables de diminuer aux peuples le sentiment des charges que les Besoins de l'Etat rendent necessaires. Mais quand cet ordre est une fois etabli, il ne peut y avoir que de l'inconvenient ou du risque a y porter du changement, en derogeant a des privileges et a des usages dont l'execution a procuré dans tous les tems des secours plus prompts, plus abondants, plus efficaces que toute autre espece d'administration. Telle a été jusqu'ici la situation du Languedoc; et il y a lieu d'attendre de la bonté et de la justice de Votre Majesté qu'il n'y sera apporté aucun changement. C'est le moyen le plus simple et le plus assuré de concilier la cause de l'Etat et celle des peuples, qui ne doivent jamais être separées et qui ne le sont jamais sous le gouvernement d'un Roy aussy juste a l'egard des sujets aussy soumis et aussy affectionnés.
Ce langage, Sire, est dicté par le profond respect, et l'attachement le plus inviolable pour la personne sacrée de Votre Majesté, par la plus vive passion pour la gloire de son regne, par le desir le plus ardent de contribuer aux besoins de l'Etat.
Telles sont les très respectueuses remontrances de vos très humbles, très obeissants et très fideles serviteurs et sujets.
Les gens des Trois Etats de votre Province de Languedoc.

Histoire de la province 17500205(04)
Légitimation par l'histoire
Pour légitimer leurs privilèges fiscaux, les Etats, dans les remontrances adressées au roi, retracent l'histoire de la province depuis le Comte de Toulouse Raymond VII et rappellent leur confirmation (notamment par Ch. VII, Fr. I et L. XIV). Action des Etats

Culture

Impôts 17500205(04)
Impôts dans la province
Dans les remontrances adressées au roi au sujet du vingtième, les Etats considèrent que les impôts demandés par lettre de commission sont ordinaires et ceux qui sont demandés par instructions sont extraordinaires. Action des Etats

Fiscalité, offices, domaine

Privilèges de la province 17500205(04)
Capital symbolique
Dans les remontrances au roi au sujet du vingtième, les Etats rappellent la spécificité de la province, même parmi les pays d'Etats, fondée sur une "sage économie" qui "concilie la cause des Etats et celle des peuples" ("ordre idéal"). Privilèges de la province, des groupes et des particuliers

Institutions et privilèges de la province

Privilèges de la province 17500205(04)
Capital symbolique
La spécificité du Languedoc est justifiée par l'argumentation sur le contraste entre égalité (dans le paiement des charges) et inégalité (manières de les répartir et recouvrer), entre uniformité (de contribution) et différence (des membres du corps). Privilèges de la province, des groupes et des particuliers

Institutions et privilèges de la province

Privilèges de la province 17500205(04)
Capital symbolique
Les Etats rappellent que l'administration de la province est "souvent proposée pour modèle"; le recouvrement de l'impôt y est moins arbitraire et plus productif que celui par traités ou " rolles"; commerce et industrie florissants, crédit utile à l'Etat. Privilèges de la province, des groupes et des particuliers

Institutions et privilèges de la province

Privilèges des Etats 17500205(04)
Fiscalité
Le double privilège de consentir l'impôt et de le répartir et percevoir a une double légitimité: l'ancienneté depuis les Comtes de Toulouse et la confirmation ininterrompue de tous les rois; c'est "la possession et le patrimoine de la province". Privilèges de la province, des groupes et des particuliers

Institutions et privilèges de la province

Privilèges des Etats 17500205(04)
Fiscalité
Dans les remontrances au roi au sujet du vingtième, les Etats rappellent plusieurs fois le double usage où ils sont de consentir les impôts, de les répartir et les recouvrer. Privilèges de la province, des groupes et des particuliers

Institutions et privilèges de la province