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Discours/Cérémonie


Discours d'un membre des Etats - E16490601(4)

Nature Discours d'un membre des Etats
Code du discours/geste E16490601(4)
CODE de la session 16490601
Date 01/06/1649
Cote de la source C 7101
Folio 6r-9r
Espace occupé 5,75 p.

Locuteur

Titre Monseigneur
Nom np
Prénom np
Fonction Archevêque et primat de Narbonne, président né des Etats


Texte :

Monseigneur l'archevesque et primat de Narbonne, presidant nay desditz Estatz, a dit : Messieurs, quand le Ciel favorise une belle navigation, lorsque la mer est calme et que les vents poussent doucemant un navire ou il doit aller, une prudance mediocre est capable de le conduyre, il ne faut ny beaucoup d'experiance ny beaucoup d'adresse pour reussir.
Mais quand l'orage est grand et qu'on ne voit ny ciel ny terre, l'art des meilleurs pilotes est confondu, la boussole et la quarte sont inutilles et il faut que le maistre sache bien le pays ou il est pour conduyre son vaisseau a bon port.
Nous avons obliga(ti)on a l'ange tutelaire de cette province et a la providance qui regit et gouverne le coeur et le conseil des Roys de ce que nous avons, en ce temps calamiteux ou nous sommes, de très habilles et très prudans commissaires, lesquelz conversant dans cette province et vivant parmy nous depuis longues années peuvent scavoir et pressantir tous les malheurs qui nous menassent et connoissent tous les escueils qu'il nous faut eviter, voyent les perils qui nous environnent et n'ignorent pas que nôtre province est un navire agitté des vents et des flots depuis fort longtemps, de quoy on peut dire comme disoit le Roy prophete qu'il n'y a plus de substance, et qu'il est sur le point de perir sans un grand et extraordinaire secours : Infixus sum in limo profundi et non est substantia.
L'ardant amour que nous avons toûjours eu pour la gloire de cet Estat, la soumission aveugle que nous avons randue aux vollontez de nôtre Roy, le zele genereux qui nous a devoré pour la splandeur de sa couronne, les soins religieux que nous avons pris de respecter tous les conseils, la deferance que nous avons eue pour tous ses ministres : touttes ces choses, Messieurs, nous ont depouillé de noz biens, de noz fortunes et de nôtre substance en mil facons.
Car en effet nous avons donné et abandonné tout ce que nous avions de plus cher au monde, nous nous sommes defaits libremant de nos libertés, nous avons volontairemant oublié la plûpart de nos privileges et n'avons rien obmis de tout ce que nous avons cru pouvoir appaizer l'orage de la guerre et nous donner le calme de la paix, qu'on nous promettoit tous les ans lorsqu'on exigeoit de nous des sommes immanses et des subventions extraordinaires.
Mais au lieu que ses contribu(ti)ons continuelles ayent servi le genereux dessain que nous avions de procurer le salut de l'estat et de meriter le soulagemant de cette province, cette province au contraire desolée en est toûjours en pire estat. Elle est si affoiblie des continuels efforts qu'on luy fait faire qu'on peut dire d'elle avec trop de verité qu'elle n'a plus que des accidans funestes et malheureux et que la substance s'est dissipée, et non est substantia.
On ne s'est pas contanté d'exiger de nous ce qu'on exigeroit des autres provinces, on a voulu essayer et mettre a l'espreuve notre fidelité par mil demandes extraordinaires. Nous nous sommes soumis a tout et nôtre soumission a servi d'example a toutte la France.
Mais, Messieurs, ce qui a fait seigner le coeur de tous les bons Francois, c'est lorsque la malinité du temps nous a jettez dans cette extremité de miseres, que voulant un peu reparer noz forces et tirer des mains des estrangers quelque petit gain et avantage par le commerce de noz fruictz qui leur estoient totalemant necessaires, et apprès avoir obtenu de Sa Majesté la permission autantique de les embarquer, on nous est venu lier les mains par des deffances injurieuses a la justice de nôtre prince, et nous avons eu le deplaisir de voir que cepandant que nos bleds se pourrissoient sur noz portz et dans nos magazins, les ennemis de l'estat et de la religion profitoient de nôtre paresse contrainte et forcée et nous ravissoient un profit que nous allions faire infailliblemant.
Ouy, Messieurs, cepandant qu'on arrestoit nos timons et nos voyles, les Holandois prenoient leur temps pour nous devancer et pour nous ravir le fruit de noz soins, de nos travaux et de nos peynes.
Cella a la verité n'est pas estrange que des ennemys s'opposent a noz dessains et nous traversent dans noz entreprises. Mais ce qu'on a peyne de souffrir sans murmurer, c'est de voir que nôtre mal vient de nous mesmes, et que ce ne sont ny les calvinistes de Holande ny les anabaptistes de Danzic qui viennent apauvrir noz habitans et decrediter le commerce des estrangers dans cette province.
Mais que ce soient des Francois interessez qui par des conduittes artificieuzes, scandaleuzes et trop hardies font arrester noz embarquemans de leur authorité privée, abusant comme ils font de celle qu'ils devroient honnorer, respecter, reverer et mieux menager qu'ils ne font, et, ce qui est pis et qui fait horreur a toute la France, ilz imposent et font lever des secretes contribu(ti)ons sur les sujetz du Roy que la souveraine authorité n'a jamais connues ny exigées et que ceux qui sont constituez en dignité et authorité legitime dans la province avoient toûjours sagemant et prudammant desconseilhées.
Et c'est ce qu'on n'a pu dire sans s'esmouvoir ny scavoir sans se plaindre et sans en demander hautemant la justice que merite un tel attentat, dont la seule pansée est criminelle et punissable devant Dieu et devant les hommes. Il n'est pas besoing que je m'en explique plus clairemant, chacun scait assez [ce] que je veux dire, et il n'y a personne icy qui ne voye que ce procedé violant et insolite n'est pas seulemant injurieux a nos libertez et a nos franchizes, mais beaucoup plus a la reputa(ti)on du royaume et a la gloire de nôtre Roy, duquel on a voulu artificieusemant decrediter la parole.
Et quoy, est il quelque chose de plus sacré dans la politique que cette parolle des Roys qui est l'image de celle de Dieu, le ciel et la terre doivent passer, mais cette parole doit estre infalible et inalterable. Cette infalibilité de parole est un caractere qui rand les monarques venerables a leurs ennemis, qui les fait plus redoutables que leurs armes ne scauroient faire, plus considerables qu'ilz ne le sont par la force de leurs tresors et plus acreditez qu'ilz ne le scauroient estre par mil victoires.
Nous scavons bien ce que nous devons croyre de la juste et saincte innocence de nôtre prince que Dieu nous a donné et qu'il nous conserve comme une image de sa grandeur et de sa sagesse.
Nous scavons de quelles vertus est ornée cette grande Reyne, qui a eu toûjours des pansées de paix et qui n'a fait la guerre que par contraincte.
Nous n'ignorons pas la candeur, bonté et generosité de S. A. R. et avec quels soins elle veille continuellemant pour le bien et avantage de cet estat, gloire, honneur et reputa(ti)on de cette Couronne et les tandresses qu'elle a particuliremant pour cette province.
Nous ne parlons point de la sincerité de Messieurs du Con(se)il, mais nous deplorons seulemant les maux qui nous pressent et tachons de chercher et treuver les remedes que nous y devons aporter. Le premier et le principal de tous est de nous souvenir de ce que nous sommes, les enfans de ces peres qui ont fait gloire de ne ceder a personne du monde en affection et en fidelité vers leur Roy. Nous devons comme eux et mieux qu'eux s'il se peut nous attacher plus que jamais aux interestz de son service, respecter cette sacrée minorité qui nous doit inspirer une continuelle soumission et nous avertir que Dieu est le protecteur des jeunes monarques et le vangeur des Roys innocens qui sont les vrayes pourtraictz et les vives images de son filz Jesus Christ en terre et comme c'est de ce mesme filz de Dieu qu'un grand sainct, un des plus grands peres de l'Eglise a dit très chrestiennemant et très elegammant ces belles parolles pleines de fidelité, de pieté, de confiance : pie timeant regem ad dexteram patris jam sedentem quem rex impius timuit adhuc matris ubem cunbentem.
Aussi nous pouvons et devons dire par une consequance vraysamblable et respectueuse que tous les sujetz de ce royaume quels qu'ilz puissent estre, soient ils princes, ducz, pairs, officiers, magistratz et generalemant tous ceux qui sont nays, nourris et eslevez dans cette monarchie et soubz cette couronne doivent respecter, reverer et craindre ce jeune prince donné de Dieu, nostre monarque, lequel nous voyons par une veritable, naturelle et legitime succession estre assis sur le trosne de ses peres.
C'est pour luy donques, c'est pour luy que nous professons hautemant et nous avons et aurons pour jamais une fidelité inebranlable, des affections et des tandresses très grandes et très particulieres, toûjours, en tout temps et en toute saizon, mais principallemant en celle ou nous sommes. Nous avons donné des preuves glorieuses de cette verité et partant on ne le peut pas ignorer ny revoquer en doute.
Les histoires sont ramplies des genereux effortz que nous et noz predecesseurs avons fait en semblables occazions dans les siecles et dans les regnes passez.
Et toutte la France, voire même toutte l'Europe a veu avec admiration, pendant les mouvemans et esmotions dernieres qui ont agitté cette monarchie dans le tramblemant de terre qui a esté universel et a esbranlé quasi tout le royaume, cette province parmy tous les desordres est demeurée ferme, stable et immobile et s'est maintenue dans le devoir par sa propre force et vertu et n'a eu au(tr)es agita(ti)ons ny au(tr)es mouvemans que ceux que la fidelité, qu'une veritable tandresse et affection qu'elle a pour le service de son prince luy ont continuellemant inspirées.
Neanmoins, sans [tenter] de nous ingerer ny entrer dans le con(se)il des dieux sans y estre appelez, non plus que de nous informer trop curieusemant des causes et des motifz du delay et de la remize de noz Estatz et de la convoqua(ti)on de cette assamblée, car nous n'ignorons pas que Lex non est imposita justo et par consequant qu'il ne ne nous est pas permis de nous plaindre des temps ny des momans qu'il plaist au Roy et a son conseil de choizir pour nous faire scavoir leurs vollontez et nous prescrire la forme et la facon que Sa Majesté desire estre servie.
Donques dans cette soumission aveugle que nous professons, demeurant dans les mêmes protestations que nous avons faites cy devant et si souvant reiterées.
Nous y ajousterons hardimant celle cy qui est dans tous les temps qui ont passé depuis quelque mois en sca pour obscurs, troublez et agitez qu'ilz ayent peu estre.
Si nous eussions esté assamblez, nous serions demeurez et demeurerions toûjours, aydant Dieu, dans la candeur et sincerité de nôtre ancienne fidelité et obeyssance et eussions temoigné egalemant voire même plus ouvertement et avec plus de chaleur si nous eussions pu le zele de noz affections et l'utillité de nos services.
Aussi nous esperons et avons grand sujet de croyre que ce delay, quel motif qu'on puisse donner ou pretexter, comme de nôtre costé il ne diminuera en rien du monde ny en façon quelconque de ce qui peut ou doit estre de nos affections et de noz inclina(ti)ons au service de nôtre prince.
Aussi nous sommes tous persuadez et nous croyons absolumant qu'on nous randra presantemant et sans delay sur nos très justes et très veritables plainctes et doleances la justice exacte que nous avons si souvant et avec tant de raison demandée mais pourtant qu'on nous a toûjours jusques icy sinon entieremant illudée au moins toûjours d'années en années eloignée et differée. Nous nous estimons bien heureux, Monsieur, de vous avoir pour spectateur et pour temoin de nôtre fidelité, de nôtre resolu(ti)on et de nostre zele et de vous voir ramplir et occuper si dignemant une des plus extimées places du royaume, et sans difficulté la plus honnorable et la plus relevée de cette province, laquelle province se glorifie avec raison d'avoir donné la naissance et l'education a un sujet d'un si haut mérite et qui a si glorieusemant et si meritoiremant ajouté au lustre de l'ancienneté de sa familhe, une charge très relevée et très importante dans l'exercice et fonction de laquelle nous attendons des marques de la continua(ti)on de vos bontez, Monsieur, et de vos affections et tandresses envers vôtre mere et vostre chere patrie.
Nous esperons que vous, Messieurs, qui nous avez porté et fait entendre les volontez et intentions de Leurs Majestez, que vous nous eclaircirez dans les difficultez qui se rancontreront en la suitte de nos Estatz. Votre douceur nous inspirera sans doute la modera(ti)on que nous voulons garder en cette assamblée, nous agirons vertueusemant a l'example de vôtre vertu, vous nous ferez office, s'il vous plaist, auprez de nostre prince en luy randant fidel temoignage de la sincerité de noz intentions et de la justice de noz prethantions et de noz demandes, vous nous donnerez moyen d'achever les choses que nous n'aurons icy qu'esbauchées, nous en recevrons du soulagemant et vous, Messieurs, d'avoir la gloire d'avoir beaucoup contribué aux felicitez et au bonheur d'une de plus grandes, des plus considerables et des plus importantes provinces du royaume.