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Discours/Cérémonie


Discours de l'un des commissaires du roi - E16530317(3)

Nature Discours de l'un des commissaires du roi
Code du discours/geste E16530317(3)
CODE de la session 16530317
Date 17/03/1653
Cote de la source C 7106
Folio 188v-193r
Espace occupé 10

Locuteur

Titre Sieur
Nom Vertamont, de
Prénom François
Fonction np


Texte :

Le sieur de Vertamont a dit :
Messieurs,
Je ne pretandz pas de pouvoir rien adjouster aux choses qui vous ont esté dittes avec tant de poidz et avec tant d'eloquence par celluy qui represante dignemant la personne du Roy et qui suplée celle de S. A. R. en cette grande province, oultre les autres prerogatives que luy donnent sa naissance très illustre de ce pays, sa genereuse vertu, ses services et la creance qu'il s'est justemant acquise prez de vous.
Je me trouve neanmoins obligé de parler apprès luy, comme l'un des envoyez du Roy pour la tenue de voz estatz, suivant l'ancien usage du royaume, et comme je n'ay point encore heu l'honneur d'estre assis en cette place, je crois vous devoir protester d'abord, comme je fais, tout le respect qui est deu a une si celebre et auguste assamblée, en laquelle je voidz un nombre des plus grandz prelatz du royaume qui y sont presans ou qui y sont represantez par ceux que Dieu a approché le plus prez de ce sacré saint ministere, quia locus presbiterii appropinquat episcopatui, comme on disoit a saint Augustin, tous eminentz non seulemant en la saincteté de leurs caracteres, mais encore de celle de leurs personnes en leur rare vertu, en leur haute suffisance et experience de touttes choses, qui composent plusieurs provinces de l'esglise, qui pourroient former un concile entier comme autrefois cette province et ce diocese en ont donné a l'esglize des plus authorisez de l'antiquité ; une noblesse d'une consideration si haute et si relevée que l'on y trouve encore des noms et des marques de la grandeur romaine, avec le sang le plus pur, l'invincible valeur, le courage, la gloire et la generosité de la noblesse françoise, aucuns particulieremant honnorez de la confiance de S. M. et de S. A. R. en de grandes et importantes charges, et tous ensemble et chascun d'eux capables de tous les plus grandz employs et commandemans de l'estat en la guerre et en la paix ; tant d'autres personnes notables principales qualifiées, accreditées et authorisées parmy les peuples pour leur vertu, prudence, probité et suffisance recognues dans l'exercice des premieres charges des villes, choisis et deputez de touttes celles de cette province, aucunes desquelles pourroient estre capables d'un grand empire ; de cette province, dis je, qui est l'un des principaux ornemans de cet estat, comme autresfois l'empire romain l'avoit considerée pour une seconde Italie et comme les autres peuples conquerans avoient ambitieusemant affecté de luy donner leur nom et se la reserver a tousjours comme la principale de leurs conquestes.
Je me propose, Messieurs, de vous entretenir en ce discours des mesmes choses qu'un autheur assez ancien, bien informé des droitz et de l'usage de cette province, a escript que ceux dont nous tenons les places avoient accoustumé de traitter de son temps en ceste mesme action de l'ouverture des estatz : statum et necessitates regni et ut pro modo negotiorum emergentium Regi subsidium praebeatur.
Il y a un peu plus d'un an que ceste mesme assamblée se separa, et lors il se peut dire que le corps de cest estat estoit attaqué de deux grandes maladies, l'une au dehors et l'autre au dedans de soy mesme, de la guerre estrangiere, de la guerre des divisions et des dissenssions domestiques.
La guerre estrangiere n'a presque jamais esté fort a craindre pour ce royaume, elle a servi fort souvant d'une juste cause d'en estendre les limites, le premier des empereurs romains qui avoit tant de connoissance et de pratique de cette belle partie du monde a escrit que pourveu que ceux qui l'habitent demeurent bien unis les uns avec les autres, ils peuvent seuls resister aux attaques de tous leurs voisins ensemble, voire de tout le reste de la terre ; nostre histoire nous en fournit une infinité d'examples, mais la posterité n'en trouvera possible gueres de plus illustres que ce que nous en avons depuis dix huict ou vingt années, la France a esté attaquée en touttes ses frontieres par cette puissance estrangiere qui l'environne, laquelle par une ambition desmesurée veut usurper la domination, ou plustot la tirannye de tout le monde, la France seule l'a repoussée, s'est maintenüe et accreüe de touttes partz, touttes les dernieres années du regne glorieux du deffunt Roy d'eternelle memoire ont esté signalées par autant de victoires et de conquestes importantes ; cette puissante province, cette genereuse assamblée a beaucoup contribué a luy donner le moyen de couronner ses trophées et son illustre vie par l'accroissemant de cette frontiere de deux provinces entieres, le Rossilhon et la Catalogne.
Les commancemans du regne de nostre jeune monarque, mais de nostre grand Roy n'ont pas esté moins heureux, les tiltres ordinairemant inseparables de Dieu donné, de conquerant et de tousjours auguste se sont trouvez luy appartenir dès son enfance, et il avoit dès lors attiré les benedictions du ciel sur son estat, la piété et la saincteté de cette grande et auguste royne sa mere, ses sages, prudens et genereux conseilz, ses veilles et ses soingz continuelz et infatigables pour les advantages du Roy et de son estat, les mesmes soingz, les mesmes veilles et les mesmes conseils de S. A. R., ce digne fils de l'un des plus grandz de noz Roys, sa valleur, ses victoires et ses conquestes, apprès avoir souvant expozé sa personne aux plus grandz perilz de la guerre, tout cela nous auroit desja fait arriver il y a longtemps a une glorieuse et perdurable paix, si noz divisions domestiques n'y avoient porté obstacle et s'il ne nous fut arrivé dans l'excez de noz prosperitéz le mesme mal de nous mesmes qui survient quelquefois dans le corps humain lorsqu'il est parvenu a une santé trop forte et trop vigoureuse et en cet estat que les medecins appellent evexie ou habitude des athletes. Il n'est pas besoin de marquer en ce lieu les diverses atteintes, les guerisons imparfaites et les recheuttes qui nous sont arrivées depuis quatre ou cinq ans, sinon pour recommander et louer hautemant la constante et inebranlable fidelité de cette province, laquelle, dans l'extremité du royaume et au milieu de deux provinces les plus agitées, est tousjours demeurée saine pandant que le mal a attaqué et souventefois gaigné la plus grande partie du corps de l'estat, au lieu que souvant les symptomes des maladies paroissent davantage dans les extremitez du corps et que le milieu de ce grand ocean se trouve quelquefois tranquille lorsque les extremitez et les rivages sont agitez des orages et des tourmantes.
Je ne puis m'empecher neanmoins, pour reprandre seulemant du temps de la tenüe de voz derniers estatz, d'observer cette deliberation saincte, prudente et genereuse que vous y pristes au commancemant de la majorité du Roy dont il vient de vous estre parlé si a propos, pour luy donner, les premiers du royaume, les preuves les plus authentiques de vostre fidelité, lorsque ce nuage d'une defection honteuse et sans exemple qui se forma dans la Catalogne sembloit vouloir tomber principalemant sur cette province et ce poison vouloir attaquer et infecter cette belle partie de l'estat : vous sceutes si bien conjurer cet orage (comme ceux qui autresfois avoient esté instituez par Cleon pour cet effet) qu'il fallut qu'il s'en alla tomber en des lieux plus foibles et fort esloignez, vous fistes un antidote de ce venin, et ce qui estoit preparé pour diviser du corps de l'estat servit pour empecher les divisions particulieres dont vous estiés menacés et pour reunir le corpz illustre des estatz avec cette auguste compagnie du parlemant, vous suivistes le con(s)eil de ce sage politique (quae casus obtulerat in sapientiam vertendum), ce fut lorsqu'en ce sinode royal (ainsin les capitulaires de noz anciens Roys appellent ils les estatz, soit du royaume, soit des provinces qui s'assemblent par leur permission), vous fistes de nouvelles professions de foy a l'image vivante de Dieu et de nouveaux sermans de fidelité a S. M. , touttes les villes de cette province suyvirent vostre exemple, et par ce moyen cette grande et importante partie de l'estat est tousjours demeurée et asseurée dans le service du Roy.
Que n'avoient point fait Leurs Majestez dès auparavant et que ne firent ils point du depuis en ce rancontre, les rigueurs de la saison dans ce mesme commancemant de la majorité n'empecherent point qu'ils n'accourussent de la ville capitale et du lieu de leur sejour ordinaire presque a une extremité du royaume pour enfermer et peu a peu dissiper le mal et l'empescher de s'accroistre ; ils ont par ce moyen garanti la plus grande partie de la Guienne, toutte la Xaintonge, le Poytou, l'Anjou, la Touraine, toutte la riviere de Loyre et le reste du royaume, repris les villes de Xaintes, de La Rochelle et d'Angers, desfait ou chassé touttes les troupes ennemies qui avoient desolé les provinces qui sont ez environs de Paris, et aprez le travail continuel et sans repoz d'une année entiere, le Roy a voulu enfin depuis cinq ou six mois retourner en sa ville capitale et l'honneur de sa presance hierusalem civitatem opulentam tabernaculum quod nequaquam transferri poterit quia solum modo ibi magnificus est dominus noster. Auparavant touttes choses sembloint estre desreiglées et sans ressource, il sembloit que ce soleil de l'estat fut sorty de son ecliptique et de la ligne de son cours ordinaire, a presant il s'y est heureusemant restably dans son authorité, il a repris sa place, de la il gouverne luy mesme avec douceur et avec force tout son estat, il dissipe les nuages qui pourroient y former d'autres desordres, il continue de se faire assister des sages conseilz de cette auguste royne sa mere, a l'example du roy sainct Louis, ou comme un autre empereur Alexandre Severe, qui cum puer ad imperium pervenisset fecit cuncta cum matre ut et illa videretur imperare, S. A. R., cet ange tutelaire de cette province, ce prince qui ayme l'estat et qui y a de si grandz interestz demeure parfaittemant uni avec Leurs Majestez, seconde, appuye, facilite et fortiffie tous leurs bons desseingz, le Roy a restably son principal ministre prez sa personne dans ses conseilz et dans sa ville capitale, son retour y a entieremant confirmé et affermi la tranquilité publique et celle de tout le royaume, de sorte que noz divisions domestiques ne sont plus a craindre a l'advenir.
Voilà donc la guerison de la plus grande et de la plus fascheuse de noz maladies, et il ne reste plus que la guerre estrangere, laquelle donnera bientost lieu a une bonne paix ou a de nouvelles conquestes si l'ennemy continüe de ne vouloir accepter la paix, pourveu que le Roy soit assisté de ses bons et fideles subjetz.
Il est vray que l'estranger a bien sceu se prevaloir de noz divisions domestiques pendant qu'elles ont duré ; il n'y a presque aucune de noz frontieres ou il n'ait recouvré quelqu'une de ses pertes ou enlevé quelqu'une de noz conquestes, nous voyons qu'en celle cy que la protection glorieuse, charitable et genereuse de la Catalogne nous est presque entieremant eschapée, il a encore voulu entreprandre sur quelques places du Rossillon par la mesme voye qu'un pere de l'esglize remarque que l'ennemy de Dieu et des hommes a accoustumé d'attaquer les personnes les plus sainctes, tentabo eos defectionibus, il est tout prest de le faire a force ouverte pour envahir tout ce beau pays qui vous est si important, ce qui a obligé et constraint S. M. , avec regret a cause de l'incommodité que vous en recevez mais par une inestimable necessité, de faire approcher ses troupes pour conserver cette conqueste qui vous doit estre si precieuse, que Dieu et la nature vous ont unie sans aucune separation de mers, de montaignes ou de rivieres, laquelle a la verité le roy saint Louis ne fit point de difficulté de laisser au comte de Barcelonne lorsqu'il reunit inseparablemant le Languedoc a cette Couronne a cause qu'un tel voisin ne vous pouvoit estre suspect, mais dès lors que le Rossillon se trouva possedé par le roy d'Aragon, le roy Louis onziesme avec beaucoup de prudence employa une grande somme de deniers pour le retirer de ses mains ; l'histoire n'a pas approuvé le conseil qui fut donné au roy Charles huictiesme, son successeur, de le remettre au pouvoir du roy d'Aragon, quoyque c'eut esté pour facilliter la conqueste d'une grande partie de l'Italie : enfin le roy Louis le Juste de glorieuse memoire l'a conquis par vostre assistance sur un voisin et un ennemy beaucoup plus redoutable au plus juste tiltre qu'il se puisse par la necessité d'une juste deffance.
Cependant il faut encore advouer que le corps de cest estat est demeuré grandemant affoibly de noz divisions domestiques, et au lieu que ceux qui ont esté cy devant en noz places ont eu besoin de vous en exagerer les pertes particulieres, nous aurions besoing a presant d'en pouvoir cacher ou dissimuler les generales et presque universelles ; au lieu que cy devant il falloit cotter quelques provinces extraordinairemant affligées, a peine en pouvons nous trouver a presant qui ne soient tombées dans une entiere desolation, et il ne reste presque que cette province qui aye esté entieremant conservée jusques a ce que depuis quelques jours il a fallu y appeler les troupes qui y sont pour les opposer aux ennemys, ce qui n'est rien ou fort peu de chose a l'esgard de ce que la France a souffert.
Il est donc besoin, Messieurs, que je passe insensiblemant a la seconde partie de ce discours, de vous disposer a des resolutions genereuses et a faire quelque effort signalé pour servir l'estat, affin de reduire l'estranger a une paix raisonnable, affin de conserver le royaume, en quoy vous estes egalemant interessez avec tous les subjectz du Roy, affin de maintenir cette glorieuse conqueste du Rossillon a laquelle vous avez tant de part et d'interest, qui vous touche de si grande proximité et a tant de tiltres, toties vobis proximam, affin de vous conserver vous mesmes, puisque sans doute si ce dehors vous estoit enlevé et si l'ennemy s'estoit osté cest obstacle, en mesme temps il entreprandroit sur vous avec un plus grand effort, comme nous voyons que dans les autres frontieres du royaume il a eu plus d'ambition d'entrer dans les provinces qui ne furent jamais a luy que de reprandre celles qu'il a perdües : enfin pour vous deslivrer des incommoditez et des pertes qui vous seroient inevitables si, l'ennemy ayant fait des plus grandz progrez en cette frontiere, le Roy estoit obligé par apprez d'y faire des plus grandz effortz, et que, ne luy donnant pas le moyen de payer les gens de guerre pour y vivre avec discipline, il falloit que les choses s'y passassent dans le desordre et dans la confusion.
Il faut que, dans cette desolation presque universelle du reste du royaume, cette province mette en praticque le conseil du grand apostre, duquel les disciples vous ont anoncé l'evangile, ut in praesenti tempore abundantia vestra illorum inopiam suppleat, il faut faire ce que la nature nous enseigne dans le corps humain, dont l'une des parties venant a manquer ou se debiliter, celles qui restent ou qui demeurent saines s'efforcent naturellemant d'en reparer le deffaut, voire mesmes quand l'un des sens vient a desfaillir entieremant, les autres sens se fortiffient en quelque maniere pour y supleer.
Vous estes depuis plusieurs siecles en la possession de ces actions genereuses, l'histoire en marque une infinité d'exemples des temps ausquelz vous n'y estiés pas tant interessés en vostre particulier ny de si prez, voz predecesseurs ont autresfois levé et entretenu une armée entiere et fait touttes les levées de deniers et despances pour cella de la seule authorité du comte d'Armaignac qui estoit lors gouverneur de cette province, c'est pour cela qu'anciennemant les gouverneurs d'icelle, voire mesme les commissaires qui y estoient envoyez de la part du Roy avoient pouvoir d'imposer les sommes qu'ils jugeoint necessaires pour le service du Roy et le bien de l'estat, tallias & exactiones indicendi et superindicendi, comme il est très expressemant porté dans les provisions du duc de Berry de l'an 1380 et 1401, et quelque chose de semblable dans la commission de l'archevesque de Rheims et des seigneurs de Chevreuze et d'Estouteville qui estoient reformateurs ou commissaires en cette province en l'année 1389, dont les registres du parlemant de Paris sont chargez, vous avez dans voz archives les cahiers des estatz de cette province de l'an 1483 qui furent portez aux estatz generaux du royaume a Tours (comme possible seront voz cahiers de ceux cy dans les estatz generaux du royaume qui sont de presant convoquez comme il vient aussy de vous estre dit), par lesquelz il est contenu expressemant que cette province contribuoit lors plus grande somme de deniers qu'aucune autre du royaume. Vous voulustes bien mesmes entrer en comparaison de surtaux avec la province de Normandie, laquelle de presant est chargée possible de quinze ou seize millions par chascun an dont, touttes les grandes charges acquittées, il revient de net prez de sept milions au Roy, outre les secours extraordinaires qu'elle donne dans les occasions, comme elle vient encore de faire depuis peu, cependant en l'année 1493, aprez qu'a la poursuitte et diligence de voz predecesseurs quatre commissaires de la part du Roy eurent vaqué une année entiere et considéré les charges de l'une et l'autre province, il se trouva que vous portiez lors une somme assez considerable, plus que la Normandie, dont vous fustes deschargez pour l'advenir, afin de vous tenir ensemble en esgalité des charges, vous en avez la lettre patante dans voz archives, et ces deux pieces avec d'autres ont esté données au public sous vostre adveu depuis peu d'années.
Il faudroit non pas un recueil d'histoires ou des tiltres particuliers, mais des annales entieres pour vous ramentevoir tous les secours extraordinaires que voz predecesseurs et vous avez volontairemant et courageusemant donné de temps en temps pour les necessitez de l'estat, et mesmes, lorsque vous avez demandé depuis peu la revocation de l'eedit de Beziers, ce que Leurs Majestés vous ont accordé si liberalemant de leur pure bonté et par l'entremize puissante de S. A. R., vous l'avez demandé non pas pour vous descharger de contribuer aux necessitez du royaume, mais parce que vous avez creu que l'eedit de Beziers avoit en quelque façon taxé vostre fidelité au service du Roy et en l'administration des deniers publicz, et affin qu'estans comme vous l'avez dit expressemant restablis dans voz anciennes libertez vous eussiez plus de moyen de secourir plus puissammant S. M. dans les occurrances.
On ne peut pas dire que pour cela cette province ne retienne et ne conserve de grandz privileges et de grandes prerogatives par dessus les autres, puisque les impositions que le Roy luy demande sont concertées et consenties dans voz estatz, quoyque de verité l'on puisse dire preces orant sed quibus contradici non posset ; au lieu que presque touttes les autres n'y ont aucune participation, ainsy vous conserverez par dessus elles les mesmes prerogatives que font les puissances de l'ame raisonnable, l'entendemant et la volonté par dessus les facultés de l'ame vegetative ou sensitive, ou mesme telles et semblables que les creatures intelligentes et raisonnables ont en la nature et dans le monde par dessus celles qui n'ont point cest advantage de l'intelligence et de la raison : et toutesfois les puissances de l'ame raisonnable ne font pas moins d'effort pour la conservation de l'honneur que les autres, et dans la philosophie de Platon, au lieu qu'il constitue le reste de la nature en un estat puremant passif a l'esgard de Dieu, il establit entre Dieu et les hommes une relation et un certain commerce emporiantina par lequel les hommes sont obligez de faire de[s] presans a Dieu en contreschange et en reconnoissance de ceux qu'ils reçoivent de luy, ainsy que le poete Homere avoit dit que les dons persuadent les dieux, dora theos pithi, et le philosophe Senecque quamvis munera etiam deos vincant.
Mais, Messieurs, je parle devant de grandz prelatz de l'esglise, une noblesse et des deputez des villes d'une province qui fait tant d'estime du droit romain, permetez moy que j'emprunte une pensée plus relevée d'un ancien jurisconsulte, grand autheur chrestien, et que l'un des premiers peres de l'esglise, un grand primat de celle d'Affrique, laquelle avoit tant de relation avec les esglises de deça, appelloit ordinairemant son maistre, Tertulian fait une reflexion sur le bonheur de la condition de l'homme qui s'est acquis en quelque maniere une descharge de ce qu'il devoit a Dieu par le martire ou autremant, en sorte qu'il commance a ne luy plus devoir autre chose sinon ce qu'il a cessé de luy devoir, nec illa beatissima qua potuit parere debito tanto, ut hoc solum debere coeperit quod debere desierit. La conclusion qu'il en tire est que cette condi(ti)on est d'autant plus chargée de reconnoistre Dieu de ce qu'elle a esté deschargée par luy mesme, hoc magis vincta quod absoluta. Je veus en inferer que tous les privileges et immunitez que vous tenez du Roy, et cette nouvelle descharge qu'il vous a donnée depuis peu de ce qui estoit porté par l'eedict de Beziers, tout cela vous oblige encore d'advantage a faire des effortz extraordinaires pour son service, principalemant dans les necessitez si pressantes comme elles se rancontrent a present.
Je suis asseuré, Messieurs, que voz vollontez y sont bien disposées puisque voz actions passées non plus que celles de voz predecesseurs ne permettent point d'en douter : vous ne l'avez jamais pû faire en occasion plus pressante ny plus importante, vous n'en avez jamais peu esperer plus de gré de Leurs Majestés qu'a presant, nous avons un Roy accomply de touttes les vertus excellantes de l'ame et du corps, de la grace et de la nature, dont la bonté de l'esprit, la prudence, le jugemant et la vertu surpassent non seulemant son aage, virtus contigit ante dies, mais tous les eloges que l'on pourroit presumer de vous en dire, dont la seule presance seroit capable de ravir les cœurs et les affections de tout le monde, il est pour conserver pendant le cours d'un regne long, heureux et florissant la memoire des services que vous luy randrez, comme il est desja prevenu d'une singuliere estime, amitié, tandresse et affection pour cette fidelle province, cette grande royne sa mere continuera de luy inspirer, et a cette seconde personne royale (de l'education de laquelle elle prand le soin) ces mesmes sentimans et de les conserver elle mesme en vostre endroit, S. A. R., auquel cette province est si particulieremant obligée, nous en sentira le mesme gré. Vous ne pouvez pas faire chose plus advantageuse pour le bien de cette province, qui repose sur voz soingz, qu'en attirant sur elle tousjours de plus en plus la bienveillance de Leurs Majestez et de S. A. R., en pourvoyant par ce moyen comme de bons tuteurs ou procureurs a la conservation de l'estat dont elle fait une si noble partie, de ses voisins, de ses conquestes et a sa propre deffance, les services que vous rendrez au Roy et a l'estat ne peuvent estre sans que vous en ayez la reconnoissance toutte entiere ny sans qu'ils soient sceus de Leurs Majestés et de S. A. R. , ils se fairont d'ailleurs assez valloir d'eux mesmes comme ils ont desja fait par le passé. Que si le tesmoignage de nous, qui sommes icy de la part du Roy, y peut adjouster quelque chose, vous en pouvez estre asseurez, vous supliant très humblemant pour mon regard, qui suis vraysemblablemant pour retourner plus tot qu'aucun autre prez de Leurs Majestez, de vouloir tous en general et en particulier prandre en cela et en toutte autre chose les asseurances touttes entieres et très particulieres de mon très humble et très fidele service.