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Discours/Cérémonie


Discours de l'un des commissaires du roi - E16610219(03)

Nature Discours de l'un des commissaires du roi
Code du discours/geste E16610219(03)
CODE de la session 16610124
Date 19/02/1661
Cote de la source C 7125
Folio 170r-172r
Espace occupé 4

Locuteur

Titre Monsieur de Bezons
Nom Bazin, de
Prénom Claude
Fonction np


Texte :

Monsieur de Bezons a dit :
Messieurs,
Vous avez entendu par la lecture de la declaration qui vient d'estre publiée la confirmation de vos libertés et comme le Roy au milieu de ses triumphes et de ses victoires a vouleu donner un nouvel estre a vos privileges. L'on avoit doubté que vous feussiez rentrés dans la jouissance de toutes ces graces parce que vous les aviés obtenues dans un temps ou l'authoritté royalle n'agissant pas dans toutte l'estandue de la puissance qu'elle doit avoir, les productions n'estoint pas des enfans legitimes que sa bonté eust mis au jour mais des remedes qu'elle avoit justement accordés pour guerir les maux dont l'Estat estoit affligé. Presentement vous voyés vostre fidelitté et celle de vos peres recompansée avec avantage et c'est avec raison que l'ouverture de ceste sceance s'est commancée par ceste lecture puisque la mesme loy dont Sa Majesté a vouleu volontairement estre liée de ne rien impozer sans vostre consentement vous oblige par la qualitté de sujets de contribuer aux necessités de l'Estat a proportion de ses bezoings, de vos forces et du reste du royaume.
Ainsi c'est justement que le Roy attand de vous un secours considerable ceste année pour affermir une paix naissante dont les commancemens sont si glorieux et qui ne peust estre rendue utillle qu'en prevenant tous les maux qui pourroint ravir sa pocession, et le Roy est trop bien informé des intentions sinceres que vous avés pour son service pour ne pas croire que vous n'avés pas desiré ces avantages pour vous descharger des obligations que vous avez de fournir aux despances de l'Estat, mais pour y contribuer par la liberté de vos suffrages et affin que ceux qui compozent ceste province eussent le bonheur de pouvoir donner en ces occasions des marques de leur zele et de leur fidelitté.
Ceux qui croyent que la paix conciste dans une oisivetté ne sont pas informés des veritables regles de la politique, car bien qu'elle soit le but de tous les princes legitimes et la felicitté a laquelle ilz pretandent conduire les peuples, il est vray neantmoins que les Estatz estant un assamblage de plusieurs hommes de diverses conditions et de differentes humeurs la paix ne peust estre entretenue que par la subcistance des troupes et que ce souverain bien des peuples ne peut estre conservé qu'en donnant de l'occupation a touttes les parties de l'Estat.
L'on sçait que la paix avoit engagé le Roy en des despances extraordinaires et obligé Sa Majesté a satisfaire a des conditions qui restoint a executter de celles de ministre (sic pour Munster) qui montent a de grandes sommes.
L'on sçait que nos alliés demeurent armés, et quoyqu'ils en ayent de[s] sujets legitimes ou de[s] pretextes apparens, la prudance ne veust pas pourtant que nous soyons desnués des forces lorsque nos voisins sont en estat de pouvoir tout entreprandre.
Et enfin le Roy ne peust pas reffuser de l'employ a tant d'officiers illustres qui ont consacré leurs vie et leur temps pour nostre conservation sans commettre une injustice dont Sa Majesté n'est pas capable.
Ainsin lorsque toutte la Grece estoit en armes Philapomenés, prince des Achahiens (sic), maintint les peuples qui luy estoint soubmis en repos parce que pandant la paix il tint tousjours ses trouppes en estat comme au milieu de la guerre.
L'on remarque que la milice n'a point troublé l'empire romain despuis la naissance de la republique jusques au temps des Gracques parce que les citoyens alloiint a la guerre comme a une obligation et revenoint en leur premiere profession, mais despuis qu'ilz en eurent fait un mestier et une occupation souvant les legions mutinées ont donné [au]tant de peyne au Sénat que la conduitte du reste de la republique.
Charles cinquiesme ne peust point donner de forme a la France après les guerres du roy Jean son pere qu'en obligeant une partie des trouppes de passer en Italie au secours du pape soubz la conduitte du marquis de Montferrat, et les desordres n'estant pas apaisés pour cela le conestable Duguesclin mena les autres en Espagne au secours du Roy de Castille contre Pierre le Cruel, a peine feurent elles touttes tirées qu'il les faleust rappeler pour s'oposer a la guerre civille qu'avoient formée les Anglois en Guienne. Cella vous fait cognoistre qu'outre les obligations que vous avez de contribuer au soustien de l'Estat vous estes encore obligés de faire un effort ex(traordinai)re pour l'entretien des trouppes que Sa Ma(jes)té tient sur pied en grand nombre et que l'on paye tous les mois sans qu'elles soint a charge au peuple en aucune façon.
Nous savons les grandz efforts que vous fistes l'année derniere et que vous n'avés pas acquittés, nous scavons que la recolte n'a pas esté grande ceste année et que l'on n'a point de debit des grains, mais comme ç'a esté un mal presque universel il faut songer a l'entretien du royaume et que les considerations generalles qui sont le veritable objet des grandes ames soint plus fortes que les raisons particulieres qui doivent ceder au bien publiq.
Le dessain du Roy est de se passer de toutte sortes d'affaires extraordinaires sur le general de la province.
Vous voyés que vous estes deschargés du passage des trouppes et qu'ainsy vous estes soulagés du payement des estapes qui montoint a des sommes extraordinaires, moyenant quoy Sa Majesté espere que vous luy accorderés deux millions de livres du don gratuit et outre ce Sa Majesté espere vostre consentement pour une crue d'un escu sur minot de scel.
Le prix du scel a esté augmanté en Dauphiné et en Lyonnois, le Roy voudroit le rendre esgal partout et ceste augmantation est destinée pour faire une jonction des fermes et partant soulager la despance du grand nombre des gardes, ce qui mesmes seroit advantageux au peuple a cause de la frequence de leurs recherches et de leurs vizittes dont ilz seront exemps, et le Roy pourroit vous accorder une partie de ce qui proviendroit de cette crue pour ayder a payer vos debtes, et quoyque ses propositions paroissent dures elles ont neantmoins des advantages considerables pour la province par les offres que nous avons a vous faire sur ce sujet qui sont plustost la matiere d'une discution particuliere que d'un secours particulier.
Vous estes, Messieurs, parfaitement bien i[n]tentionés, vous n'avés qu'a consulter vostre propre inclination au service du Roy et l'exemple de ce que vous avez fait d'auttres fois, et vous avez ceste advantage d'avoir S. A. pour gouverneur qui, mesnageant les intheretz du royaume avec ceux de la province, sera un moyen infaillible pour concilier les intheretz qui paroissent differans a ceux qui ne sont pas douez d'une haute intelligence, mais qui en effet ne sont que la mesme choze, puisqu'elles aboutissent a un mesme principe qui est le bien de l'Estat. Faittes, s'il vous plaist, reflection sur ces verittés pour donner a S. A. une responce favorable sur les propositions que j'ay eu ordre du Roy de vous faire.