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Discours/Cérémonie


Discours d'un membre des Etats - E16620103(04)

Nature Discours d'un membre des Etats
Code du discours/geste E16620103(04)
CODE de la session 16620103
Date 03/01/1662
Cote de la source C 7132
Folio 8v-10v
Espace occupé 4,5

Locuteur

Titre Monseigneur
Nom np
Prénom np
Fonction Evêque de Viviers, president


Texte :

Monseigneur l'evesque de Viviers, presidant des estatz, adressant ses parolles a Monseigneur le prince de Conty et a Messieurs les autres commissaires du Roy, a dit :
Monseigneur,
Lorsque les peuples, apprès avoit souffert durant longtemps les fattigues d'une très fascheuze guerre, viennent a jouir de la tranquillité d'une paix parfaitte, et que, pour parler avec l'escripture, ils sont assis pour admirer avec plus de satisfaction les delices de la paix, sedebit populus meus in pulchritudine pacis [dans la marge : Isaie, c. 32, v. 18], il n'y a rien qui leur soit si sensible que lorsqu'ilz voyent qu'on interromp cest aymable repos qu'ilz ont si longuement souhaitté et qu'on leur donne presque d'aussy rudes secousses dans un temps de paix comme on a fait durant le cours d'une guerre insuportable.
Vous ne doubtés pas, Monseigneur, que les peuples de ceste province ne soint de ceux qui, apprès avoir esté plus travaillez des miseres de la guerre, ilz n'ayent aussy plus d'empressement pour jouir des douceurs de la paix, et qu'ilz ne soint dans une très grande aprehention a l'ouverture de ces estatz qu'on ne leur donne encores les mesmes atteintes qu'on a fait devant durant les plus grandes necessittés de l'estat.
Il est vray que c'est un mal commun que celluy de la guerre et qu'il n'i a point de province dans le Royaume qui n'aist esté agittée des ravages qui l'accompagnent ordinairement, mais il y a a considerer en celle cy qu'elle a eu les mesmes foules et les mesmes logemens que les autres frontieres du pais ennemy et que par-dessus ces communes souffrances elle s'est espuisée tous les ans par les dons des sommes immances qu'elle a faitz au Roy, ce que les autres n'ont pas faict.
En telle sorte, Monseigneur, qu'on peust dire qu'elle a donné des marques illustres de sa fidelitté sans autre esperence de recompance que celle qu'on luy a donnée en touttes les ouvertures de ses estatz, que ces miseres finiroint avec la guerre et que les agitations qu'elle souffroit estoint comme les crises des malades qui sont les plus tourmentés lorsqu'ilz sont a la veille de leur guerison.
En effect ceste esperance n'a pas esté vaine, et dans ceste attante de la paix nous avons eu mesmes ce bonheur particulier que de la voir naistre de plus près que les autres subjetz du Roy, et de la nous avons creu qu'il nous seroit permis de nous asseoir et de nous delasser de noz fatigues passées pour jouir avec plus de plaisir de ses aymables douceurs.
Nous avons creu, Monseigneur, que nous vivrions desormais dans une parfaitte tranquillitté, dans une grande abondance et dans une entiere liberté de commerce, qui sont en effect les trois principalles productions de la paix.
Mais ceste tranquillitté a fini a mesme temps qu'elle a commancé de paroistre par les demandes qui nous ont esté faittes aux precedans estatz des mesmes sommes que la province a données au Roy dans le plus fort de la guerre.
L'abondance nous a tourné le dos puisqu'on ne vist jamais dans ceste province une si grande disette d'argent, de si petittes recoltes ni si peu de debitte de grains.
Et finalement nostre commerce a esté si estrangement interrompeu qu'il ne feust jamais de si petitte consideration comme il est par les pirateries des barbares d'Algers et des costes infidelles, et par les pilleries mesmes qu'on a faictes sur le Rhosne ou l'on a armé des fregattes pour y exiger des impostz d'une douane qui n'est point deue par les habittans de ceste province.
De sorte que nous voyans encores parmi les tristes vestiges de la guerre, nous pouvons dire que nous nous sommes flattez d'une paix dont nous ne jouissons pas, aux termes qu'en parle l'escriture sainte, dicentes pax, pax, cum non esset pax.
Nous sommes dans un temps de paix sans en gouster les fruictz, quoy que nous en ayons tesmoigné des resjouissances publiques dans la croyance que nous avons eu d'y trouver la consolation de noz maux et de nos miseres.
Pourtant il nous reste encores ceste esperence, Monseig(neu)r, que comme tous les biens de ce monde sont inutilles ou incertains sans la paix, pax optima rerum quas homini natura dedit, et que comme de ce don de Dieu despand le parfait exercice de nostre religion et de la justice et que sans la paix le commerce ne peust pas estre restabli ni les peuples estre dans la liberté de faire naistre l'abondance par leurs traveaux, qu'aussy Sa Majesté sera touchée de compassion des miseres de ceste peauvre province et qu'elle donnera les ordres necessaires pour nous en deslivrer a l'advenir suivant la parolle royalle qu'elle nous donna aux derniers estatz de Toloze de nous affranchir desormais de toutte sorte de subcides et d'impositions en consideration de ce puissant effort de trois millions qui luy feurent accordés pour lors.
Veu mesme d'ailleurs que, les guerres ayant cessé, il n'i a plus de subjet d'exiger des peuples des surcharges extraordinaires dans un temps de paix.
C'est principalement de l'honneur de vostre protextion, Monseigneur, que nous attendons ceste recognoissance de nos traveaux passés, si ce sang royal dont il a pleu a Dieu de vous former nous engage par un debvoir indispensable a rendre a vostre A. S(erenissi)me des soubmissions presque aussy fortes que celles que nous devons a nostre souverain, elle est aussy obligée par un retour plain de bonté de nous faire part de ceste puissante protexion qu'il a pleu au Roy de nous procurer par le digne choix qu'il a faict de vostre personne pour ce gouvernement, et on peust dire avec raison que Sa Majesté nous ayant donné un prince de son sang pour gouverneur, qu'elle a aussy entendu de nous donner un prince de paix et le protecteur qui nous estoit necessaire pour nous en faire jouir avec soliditté.
D'ailleurs, Monseigneur, ceste illustre naissance jointe a tant de vertu, de pietté et de religion que Vostre Altesse S(erenissi)me fait paroistre en touttes ses actions nous font esperer avec une confiance plaine de respect qu'elle partagera avec nous tous nos desplaisirs et que, mesnage[a]nt les intheretz du Roy avec ceux de la province, elle luy faira cognoistre le bezoin qu'elle a de se remettre pour luy pouvoir redonner a l'advenir, comme elle a fait par le passé, des secours considerables lorsque le bezoin de son Estat le requerra, pour la gloire duquel et de sa couronne nous protestons solennellement, Monseigneur, a Vostre A. S. que nous consacrerons tousjours très agreablement nos biens, nos vies et nos fortunes et que nous contribuerons aveq plaisir, comme de vrais et fidelles subjetz doivent faire, de touttes nos forces pour la perfection de tous les glorieux dessains que Sa Majesté se peust propozer.