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Délibération 17181222(04)



Nature Mémoire, pièces diverses. à l'appui d'une délibération
Code de la délibération 17181222(04)
CODE de la session 17181215
Date 22/12/1718
Cote de la source C 7380
Folio 17r
Espace occupé 7 pages

Texte :

Les Estats de la province de Languedoc viennent d'accorder au Roy 3 000 000 l. de don gratuit, et 1 million de capitation pour l'année 1719. Ils ont moins consulté dans cette occasion l'impuissance des peuples que leur zele pour le service de sa Majesté et de l'Etat et leur soumission à ses volontés. La possession ou ils sont de servir d'exemple aux autres provinces par leur fidelité et obeissance leur a toujours attiré des graces et des soulagemens de la bonté du Roy, et l'experience du passé leur est un seur garant de celles qu'ils ont lieu d'esperer dans la triste sittuation ou se trouve la province. Cette confiance les a portés à accorder sans peine ce qu'ils voient presque impossible d'exiger.
L'etat ou la province se trouve reduite est si connû qu'on ne s'estendra pas sur la misere des peuples causée par la chute du commerce, par la modicité du prix des denrées, et par les charges excessives que supportent les fonds des terres, l'accablement des peuples est à un tel point qu'ils laissent une partie en friche n'étant pas en état de les cultiver, et quoy que le Roy aye bien voulû par sa declaration du 16 janvier 1714 reprendre pendant 5 années les tailles des biens abandonnés à mesure qu'il en seroit fait des adjudications, il en reste encore a adjuger pour plus de 192 000 livres dont le rejet accable les possesseurs des autres biens sans y comprendre ceux qui sont dans les dioceses de Narbonne et d'Alby, que sa Majesté a bien vouleu reprendre pour eviter la chute de ces dioceses. Il est vray que malgré l'indigence de cette province les recouvremens sont plus avancés en aparance qu'ils ne l'etoient les années precedentes. Mais la taille n'est pas moins deue par les contribuables parce que la plus grande partie des fonds remis proviennent des avances faites par les Receveurs que l'augmentation des especes leur a facillité. Il est neantmoins certain apres avoir imputté les diminutions accordées ou permises par le Roy que le dernier terme des impositions, en plus de la moitié de la Capitation, sont encore deus par les particuliers.
La cause de ces restes vient non seulement de la misere des peuples mais encore, dans le Haut Languedoc, de ce que les dioceses qui n'ont d'autre moyen pour payer leurs charges que la vente de leurs grains ont deu tout a coup cesser le debit de cette denrée par la deffense qui à été faite de sortir les grains hors de la province. La liberté de les transporter du Languedoc dans les autres provinces du Royaume n'avoit jamais été interrompue dans le tems meme de la guerre, et si sa Majesté n'avoit la bonté de rétablir cette liberté, ces dioceses qui ne peuvent payer leurs charges que par la vente des grains demeureroient dans l'impuissance. Si cette grace n'etoit promptement accordée par ce que la province et les autres provinces ou ses grains sont transportés ne peuvent s'en ayder que plus de 2 mois après qu'ils ont été achetez dans le haut Languedoc à cause des longueurs et des difficultés du transport, la demande que les Estats font n'empechera pas que si le Roy a besoin de grains pour le service, il n'en reste suffisamment dans la province, si cette crainte devoit suspendre cette permission, les Estats offriront d'en fournir telle quantité que sa Majesté voudra à un prix raisonnable dont le payement seroit imputté sur les sommes que les Estats ont accordé au Roy.
Les dioceses du bas Languedoc ne sont pas moins affligés par la misere que les autres, mais independamment de cet inconvenient, le retardement de l'arrest du con(se)il qui doit etablir l'indemnité des olliviers pour l'année 1718 n'a pas peu contribué aux restes qui sont encore deus. Il est notoire que cette indemnité ne donne d'autre avantage aux particuliers qui ont eû le malheur de perdre leurs olliviers en 1709 que la moitié de la taille, et qu'ils payent depuis ce tems la annuellement l'autre moitié, on a surcis a leur égard les recouvrements a concurrence de 290 000 livres auxquels cette indemnité a été reduite, mais parce qu'ils n'ont pas veu d'arrest du conseil ny de repartition comme les années precedentes, ils ont crû que sa Majesté sensible à l'épuisement ou ils sont tombés par le payement qu'ils font depuis 6 ans de la moitié de leur taille en pure perte leur accorderoit une indemnité plus considérable que celle de la somme de 290 000 l. C'est dans cette esperance et par l'impuissance ou ils sont qu'ils n'ont pas été en etat de payer. Les Estats attendent de la bonté du Roy que l'arrest portant cette indemnité pour 1718 sera incessament rendu, et que pour eviter cet inconvenient en 1719 sa Majesté voudra bien accorder aussy par le meme arrest une pareille grace, pour 1719. Par ce moyen les recouvrements ne seront point interrompus et les particuliers n'auront plus de pretexte pour se deffendre de payer.
Lorsque les Estats accorderent le don gratuit l'année derniere, ils demanderent au Roy que sa Majesté vouleut bien accepter l'offre de 40 000 livres qu'ils avoient fait pour la supression des droits établis sur les huilles du crû dans l'etendue de la province, ils firent voir par des raisons solides et si convaincantes la neccessité de cette supression que sa Majesté en parut touchée, et les Estats se separerent dans la persuasion ou ils etoient que la declaration dont ils avoient donné le projet portant cette supression seroit rendue, d'autant plus que M. de Basville en donnant son avis sur cette affaire a estimé qu'en portant par les Estats leurs offres jusqu'à la somme de 60 000 livres la grace qu'ils demandoient devoit etre accordée. Mais ils ont sceu que le fermier de ce droit par des fausses supositions à fait suspendre la consommation de cette affaire. Cependant les memes motifs subcistent toujours, la culture des jeunes arbrisseaux est necessaire plus que jamais, les tailles sont reelles en Languedoc, c'est a dire payées par les fonds des terres, l'huille en est le fruit, et ne peut pas être par consequent assujety au payement dud. droit. Les particuliers ont soutenû à gros fraix cette culture pendant cette année dans la confiance que l'abonnem[en]t proposé par les Estats avoit été accepté, mais s'ils croyoient que les huilles seront assujeties a un droit, ils abandonneroient entierement cette culture qui leur à couté jusqu'à present presque la valeur de leurs biens fonds. Il s'ensuivroit de cette extremité que leurs biens qui payent 700 000 de livres de taille seroient abandonnés, et que le Royaume perdroit une denrée qu'il tire de l'etranger depuis la perte des olliviers en Languedoc. Cependant puisque M. de Basville a jugé a propos par son avis de porter le prix de cet abonnement à 60 000 livres, les Estats qui n'avoient pas desavoué alors ce Magistrat si consommé dans la connoissance des affaires de la Province, ne le dediront pas aujourd'huy. La lettre qu'il ecrivit dans ce tems la a M. le garde des Seaux, dont on joint aussi la copie, est le meilleur memoire et le moins suspect que les Estats puissent employer la dessus pour faire voir la necessité de cette supression et les suittes facheuses d'un semblable établissement.
La decharge de la moitié des droits de sortie et de fret sur les vins et eaux de vie en facillitoit le commerce, les Estats ont appris que cette moderation à été reduite au tiers des droits, surquoy ils representent tres humblement a Sa Majesté que le prix des vins est si modique en Languedoc, que la moindre augmentation des droits en empeche la vente. Un muid de vin, mesure de Montpelier, qui peze 18 quintaux et qui produit plus de 600 pintes de mesure de Paris ne vaut que 20 livres a la vendange, et payés 5 livres 6 sols de droit de sortie, outre les 4 sols pour livre. La reduction de la moitié au tiers qui est un petit objet pour les fermes du Roy, est pourtant sensible aux marchands, et les Genois qui font ce comerce iront se pourvoir sur les cottes d'Espagne. On peut meme avancer sans crainte d'etre contredit que les droits de sortie sur les vins et eaux de vie n'ont jamais tant produit aux fermiers de sa Majesté que depuis la moderation a la moitié, ce qui fait esperer aux Estats que le Roy voudra bien leur continuer la meme grace, la vente des vins étant a present la seule ressource du bas Languedoc.
Les Estats pour touttes ces considerations supplient tres humblement sa Majesté:
1° De permettre le libre transport des grains avec la decharge des droits, ainsy qu'il etoit permis par l'arrest du con(se)il du 5 septembre dernier.
2° D'accorder aux dioceses qui ont perdu leurs olliviers la somme de 290 000 livres sur la taille de la presente année 1718, et pareille somme sur la taille de 1719.
3° Que les droits qu'on perçoit sur les huilles du crû de la Province soient supprimés et fixés aux seules huilles etrangeres qui entrent dans la Province ou a celles du crû lors qu'elles passeront dans une autre province ou à l'etranger, en payant par les Estats la somme de 60 000 livres pour servir d'indemnité à l'adjudication de ce droit.
4° Qu'il plaise au Roy de continuer la decharge de la moitié des droits de sortie, et du droit de fret sur les vins et eaux de vie du crû de la province au lieu de la decharge du tiers qui vient d'etre accordée.

Les marques que les Estats viennent de donner au Roy par leur entiere soumission à ses volontés leur font esperer que sa Majesté sera touchée de leurs besoins et qu'elle aura égard à leurs tres humbles remontrances.

Privilèges des Etats 17181222(04)
Capital symbolique
Les Etats expriment leur conviction qu'ils sont dans "la possession" de servir d'exemple aux autres provinces par leur fidélité et leur obéissance au roi Privilèges de la province, des groupes et des particuliers

Institutions et privilèges de la province

Doléances mentionnées dans les délibérations 17181222(04)
Commerce
Que le roi restitue la liberté de sortie des grains dans la province, dont la suppression réduit à la misère le Haut Languedoc Action des Etats

Agriculture, élevage, commerce, industrie

Economie 17181222(04)
Commerce
Interdiction de sortie des grains pour qu'il en reste assez pour les troupes Action royale

Agriculture, élevage, commerce, industrie

Doléances mentionnées dans les délibérations 17181222(04)
Commerce
Les Génois qui font le commerce du vin, dont la vente est la seule ressource du Bas Languedoc depuis le gel des oliviers, iront se pourvoir en Espagne si la remise de moitié sur les droits de sortie n'est pas maintenue Action des Etats

Agriculture, élevage, commerce, industrie

Plaintes 17181222(04)
Impôts dans la province
Charges excessives supportées par les terres, retards de paiement Action des Etats

Fiscalité, offices, domaine

Doléances mentionnées dans les délibérations 17181222(04)
Impôts dans la province
Que le droit sur les huiles de la province puisse être racheté pour 60 000 l. (conseil de Basville, au lieu de 40 000 offerts l'année dernière) Action des Etats

Fiscalité, offices, domaine

Doléances mentionnées dans les délibérations 17181222(04)
Impôts dans la province
Que soit continuée la remise de moitié sur les droits de sortie des vins et eaux de vie (au lieu du tiers) Action des Etats

Fiscalité, offices, domaine

Relations avec les Commissaires du roi 17181222(04)
Intercession
Malgré le manque de résultat, jusqu'à présent, de l'intercession de Basville au sujet des droits sur les huiles, réaffirmation de la confiance des Etats à son égard : "ce magistrat si consommé dans la connoissance des affaires de la province" Action des Etats

Relations avec le roi, la cour, les commissaires royaux

Plaintes 17181222(04)
Misère de la province
Difficultés du commerce, modicité du prix des denrées Action des Etats

Catastrophes et misères

Plaintes 17181222(04)
Misère de la province
Abandon de biens par les paysans ; malgré la reprise des tailles par le roi en 1714 pour 5 ans, il reste encore pour plus de 192 000 l. de tailles de biens abandonnés à adjuger Action des Etats

Catastrophes et misères

Economie 17181222(04)
Prix et salaires
Mention de la modicité du prix des grains du Haut-Languedoc (qui ne peuvent sortir de la province) et des vins du Bas-Languedoc Action des Etats

Agriculture, élevage, commerce, industrie

Impôts 17181222(04)
Remises
Retard de l'octroi de l'indemnité pour 1718 pour les oliviers gelés, préjudiciable au Bas Languedoc Action royale

Fiscalité, offices, domaine

Impôts 17181222(04)
Remises
Diminution de la moitié à un tiers de la remise sur les droits de sortie des vins et eaux-de-vie Action royale

Fiscalité, offices, domaine

Doléances mentionnées dans les délibérations 17181222(04)
Remises
Que la remise de 290 000 l. pour les oliviers gelés soit payée pour 1718 et renouvelée pour 1719 Action des Etats

Fiscalité, offices, domaine