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Délibération 17200129(02)
Nature |
Mémoire, pièces diverses. à l'appui d'une délibération |
Code de la délibération |
17200129(02) |
CODE de la session |
17191214 |
Date |
29/01/1720 |
Cote de la source |
C 7385 |
Folio |
68v |
Espace occupé |
5 page 5 |
Texte :
Les Etats de la province de Languedoc ne pretendent pas demander la revocation de l'arrest du 21e decembre dernier portant que les payements ne pourront estre faits qu'en billet de banque a commancer du premier mars prochain dans les villes ou il y a des hostels de monnoyes et au premier avril suivant dans les autres lieux, ils sont persuadés que son Altesse Royalle a cru cette regle convenable a l'interest du Roy et du public, mais comme les dispositions generales se trouvent souvent contraires a des particulieres et que la Province de Languedoc semble estre dans ce dernier cas, les Etats ont crû pouvoir prendre la liberté de representer a la sollicitation des dioceses et des negocians les inconveniants que l'execution de cet arrest va faire naitre, et de supplier son Altesse Royalle de leur donner les moyens de l'executer sans detruire le commerce qui se fait en Languedoc.
Si cet arrest bornoit son exécution pour le payment des sommes qui sont d'un gros objet ou si le commerce du Languedoc ne concistoit qu'en marchandises ou denrées tirées des autres provinces ou de l'étranger, les payements en billets de banque seroient bien plus commodes que les deniers comptans, mais tout le commerce de cette province ne conciste qu'en denrées du cru, qu'en marchandises fabriquées dans les dioceses pour lesquelles il faut necessairement de l'argent comptant. Pour rendre cette verité plus sensible, on a crû devoir exposer en detail la nature de ce commerce.
Le Gevaudan et les Cevenes ne subcistent uniquement que par des petites étoffes qu'on y fabrique, qu'on appelle serges, cadis et sempiternes, ce ne sont point des negociants qui les font travailler, ce sont les paysans eux memes, qui se sont donnés a cette industrie, et cinq ou six mil familles quoyque pauvres, parce qu'elles ne travaillent que pour vivre, et font ensemble dans ce canton une quantité sy considerable de ces etoffes qu'elles produisent annuellement plus de cinq a six millions.
Il y a dans ce pays tous les jours de la semaine des petits marchés ou les laboureurs et habitans qui ont du bétail vendent leurs laines, un paysan qui a un metier pour fabriquer cette qualité d'etoffe achette dix ou quinze livres de layne pour travailler a une piece de cadis, quand il l'a fabriquée il va au marché pour la vendre et de l'argent qu'il en retire il achaitte de nouveau la meme quantité de laine, il employe le proffit qu'il a fait par son travail a vivre ou a nourrir sa famille, c'est ainsy que ce commerce se fait et se renouvelle par les paysans, les marchands qui vendent en grosses etoffes et qui les font passer a l'etranger entretiennent dans ces pays des commissionnaires qui ne les achettent que piece a piece dans les marchés l'argent a la main. Il est aizé de juger quand on se represente ce commerce tel qu'il est qu'il n'est pas trop possible qu'on puisse y faire usage des billets de banque par ce que le paysan n'achette de la laine que pour une valeur au dessous de dix livres, et quoy que la piece d'etoffe fabriquée soit communement d'un prix de quinze ou vingt livres, sa nourriture journaliere exige la meme necessité d'avoir de l'argent comptant.
Le Velay n'a d'autre commerce et ne subciste que par la fabrique des dentelles qui se debittent en Italie, en Espagne et aux Indes, touttes les femmes, paysans et enfants y travaillent, ils achettent pour la valeur d'un ecu de fil, ils font une piece de cette dentelle fort grossiere, ils vont ensuite la vendre au Puy 8, 9, 10 et 12 l., ils y achettent du fil pour travailler de nouveau, ils portent ches eux le surplus de l'argent pour y vivre. Ce travail continuel, quoy qu'en marchandises de peu de valeur, produit un commerce d'environ deux ou trois millions par an dans lequel il ne paroit pas possible de pouvoir se servir de billets de banque.
Les dioceses de Viviers, Nimes, Usez et Montp(elli)er ont aussy des semblables fabriques qui ont le meme objet en marchandises ou denrées. Dans l'un qui est celuy de Viviers, il y a une manufacture considerable de draps pour le Levant ou il ne peut etre employé que de l'argent comptant pour payer journellement les ouvriers, les autres n'ont que des denrées qu'on vend peu a peu ou des fabriques de bas, des couvertures de laine, des eaux de vie et de verdet gris qui ne peuvent aussy se soutenir que par une depense journaliere pour l'entretien des ouvriers.
Les autres dioceses de la province comme Lodeve, Carcassonne, Rieux, St Pons, une partie de ceux de Narbonne et de Besiers ne se soutiennent que par les manufactures des draps pour le Levant que la province a etablys, qui produisent par la vente près de cinq a six millions, mais le principal objet qui a engagé la province d'entrer dans cette depense étant la subcistance des habitans qui travaillent a ces manufactures, toutte la valeur des marchandises doit se reprendre journellement a plus de trente mil ouvriers de tout age et de tout sexe qui y sont employés et qu'il faut payer en argent, ce qui doit faire connoitre que ces manufactures tomberoient bientot si les fabricants qui sont sujets a des pertes considerables n'étoient pas dans la liberté d'estre payés en argent lorqu'ils sont obligés de ne pouvoir payer autrement et de repandre presque tous les prix de ces marchandises aux ouvriers.
Le reste des dioceses de la province comme Toulouze, Alby, Castres, Lavaur, St Papoul et le bas Montauban n'ont que des grains pour toutte recolte qu'ils vendent au reste de la province qui n'en a pas suffisam(en)t, aux provinces voisines ou a l'étranger, ce commerce se fait de tout tems d'une maniere a ne pouvoir estre soutenu que par l'argent comptant. Il y a des courtiers qui vont acheter septier par septier les grains, et comme ce sont des gens qui gagnent peu parce qu'ils sont pauvres, ils en achettent dix, douze, quinze, vingt septiers qu'ils revendent a des commissionnaires qui se tienent a Toulouze, Castelnaudarry et Revel. Quand ils ont vendu ils vont de nouveau acheter l'argent a la main, d'ou il faut conclurre que s'ils n'etoient payés en argent de ce qu'ils vendent, ce commerce ne se fairoit plus.
Ce meme arrest ordonne que les impositions ne pourront etre payées qu'en billets de banque pour les sommes qui seront au dessus de dix livres et que sur les payements inferieurs, il sera retenu cinq pour cent. Il est certain que les tailles étant reelles les biens fonds qui les supportent se trouvent generalement repandu a tous les pauvres habitans et aux paysans, l'Eglise et la noblesse n'ayant presque que des biens nobles, on peut dire que le plus grand nombre des cottisés est de trente livres et au dessous, ces charges se payent en trois termes, ce sera donc par cet arrest une augmentation d'un vingtieme sur les impositions, c'est une charge trop pesante pour que les Etats ne fassent pas connoitre a son Altesse Royalle que si elle a lieu, les biens fonds de la province seront accablés, dans le tems que tous les autre habitans du Royaume se trouvent soulagés.
Il semble que ces inconvenients etant demontrés, on ne sauroit disconvenir que si l'arrest du 21e decembre est executé dans toutte son etendue, le commerce du Languedoc ne soit en ruine et que les charges de la province n'augmentent d'un vingtieme.
On doit meme craindre que les collecteurs qui exigeront ce vingtieme des contribuables n'en proffitent en leur particulier parce que l'argent comptant estant indispensablement necessaire pour vivre journellem(en)t et pour la culture des terres, ils trouveront toujours le moyen de le convertir parmy les particuliers en billets de banque alors cette augmentation tournera a leur proffit sans qu'on puisse les en empecher.
Il se presente d'abord un remede qui paroit naturel qui seroit d'obliger les collecteurs a ecrire sur leur livre de la taille la nature des payements qu'ils recouvrent, mais quand on connoit ce que c'est un collecteur, on scait que le plus grand nombre ne scavent ny lire ny ecrire et qu'ils ne donnent d'autre decharge a un taillable que de barrer sur le livre de la collecte qui est delivré par le greffier de la commuauté l'article qui le regarde sans autre formalité ny quittance.
Les Etats esperent de la bonté de son Altesse Royalle que si elle veut que l'arrest du 21 decembre dernier soit executé, elle voudra bien interpreter sa teneur par rapport au commerce de Languedoc et aux impositions de maniere qu'ils ne soient pas interrompus par la disposition de cet arrest.
Economie |
17200129(02) |
Commerce |
Description précise du mode de commercialisation des produits des paysans et de leurs rapports avec les marchands |
Action des Etats
Agriculture, élevage, commerce, industrie |
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Economie |
17200129(02) |
Commerce |
Teneur du mémoire de l'archevêque de Narbonne [voir 17200129(01)] : description précise du commerce des produits de la province (petites étoffes, draps, dentelles, bas, couvertures, eaux-de-vie, verdet, grains) |
Action des Etats
Agriculture, élevage, commerce, industrie |
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Impôts |
17200129(02) |
Mode d'acquittement |
Teneur du mémoire de l'archevêque de Narbonne [voir 17200129(01)] : le plus grand nombre des contribuables paie moins de 30 l.; remarques sur le comportement des collecteurs (beaucoup ne savent ni lire ni écrire) |
Action des Etats
Fiscalité, offices, domaine |
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