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Délibération 17220124(05)
| Nature |
Mémoire, pièces diverses. à l'appui d'une délibération |
| Code de la délibération |
17220124(05) |
| CODE de la session |
17220108 |
| Date |
24/01/1722 |
| Cote de la source |
C 7392 |
| Folio |
26r-32v |
| Espace occupé |
13 |
Texte :
Memoire a Nosseigneurs des Etats de Languedoc.
Nosseigneurs,
Il y a deja plusieurs années que votre assemblée, ayant formé le dessein de faire travailler a l'histoire de la province sur l'autorité des meilleurs autheurs et des titres les plus autentiques, pria feu Monseigneur l'archeveque de Narbonne de vouloir se charger du soin de choisir des ouvriers pour l'execution de cet ouvrage. Ce prelat jetta les yeux sur notre congregation et fit l'honneur à nos superieurs de leur en demander. Le choix tomba d'abord sur deux religieux de meritte qui travaillerent utillement dans la province pendant quelques années, mais leur age ou leurs employs ne leur ayant pas permis de continuer ce travail, nos superieurs nous firent l'honneur de nous en charger, il y a environ six ans, et de nous presenter à ce prelat, qui nous fit celuy de nous agréer.
Pour seconder son zele et nous accomoder à son gout et a celuy du public, nous nous proposames d'abord de commancer notre travail par la recherche des titres et des actes, et pour distinguer plus aisement ceux qui êtoient deja donnés au public d'avec ceux qui ne l'êtoient pas, nous parcourumes avec soin tous les differents autheurs qui pouvoient nous fournir des pieces apartenantes à notre histoire.
A cette recherche succeda celle des archives, des biblioteques et des cabinets des particuliers, et comme Paris est la ville du royaume ou l'on trouve des manuscrits en plus grand nombre, ou on les comunique avec plus de facilité et ou on connoit mieux le merite, nous nous y sommes arretés par ordre de feu Monseigneur l'archeveque de Narbonne et celuy qui occupe aujourd'huy si dignement sa place. Comme ce n'est pas un projet de notre histoire que nous avons l'honneur de vous presenter, mais un compte que nous venons vous rendre, nous nous contentons de vous exposer icy succintement la nature des pieces qui doivent luy servir de preuves de baze et de fondement et de vous faire remarquer, avec l'usage qu'on en peut faire, les avantages qu'en doit tirer la province en general, et en particulier chacun des trois états qui la composent.
Ces pieces ou titres, presque touttes anecdotes que nous avons pris sur des copies authentiques ou sur les originaux, sont un grand nombre de lettres ou bulles des papes sur divers sujetz importans qui regardent la province ou ses principaux membres, quelques conciles des eveques de Languedoc, et divers actes éclesiastiques.
Des erections d'evechez, de[s] fondations d'abbayes ou monasteres de l'un ou de l'autre sexe, monumens eternels de la pieté de nos Roys et de la liberalité de nos comtes.
L'établissement de quelques ordres militaires, d'hopitaux, universitez, accademies, colleges et foires.
Des donnations, graces, remissions, privileges, ordonnances, lettres patentes et chartes de nos Roys de la seconde et de la troisieme race, accordées tantot aux eglises et aux éclesiastiques, tantot à toutte la province ou à ses principales villes, des testamens, contracts de mariages, traittez de paix, d'alliance, de partage et de confederation, negotiations et ambassades des comtes, des vicomtes et autres seigneurs qui ont gouverné la province.
Des associations et traittés de commerce de plusieurs de nos villes soit avec les pays voisins, soit avec les étrangers, et surtout avec ceux du Levant et d'Italie, et tous les faits historiques qui s'y sont passés.
Des sermens de fidelité et des homages rendus ou par les seigneurs du Languedoc à nos Roys ou par les vassaux à leurs seigneurs ou par ces derniers entr'eux, quantité de reveues ou montres des senechaux et des principaux seigneurs, qui en feront connoitre presque toutte la noblesse et la part qu'elle a eue dans les differentes guerres du royaume ou des pays etrangers.
Des procez verbaux des assemblées des Etats generaux ou particuliers de la province, les impositions ou subsides qui y ont eu cours, ses droitz, ses privilleges et l'usage du droit ecrit reconnu et confirmé par plusieurs lettres et ordonnances de nos Roy, les differents usages, mœurs et coutumes du Languedoc.
L'origine des differents tribunaux pour l'administration de la justice, les fonctions, les droitz et les privilleges des magistrats, soit du parlement, soit des autres cours souveraines ou subalternes, les differens changemens, crues et supressions de leurs offices.
Des decouvertes curieuses sur les templiers, l'heresie et la guerre des Albigeois, sur l'etablissement du redoutable tribunal de l'Inquisition, sur les guerres et differens troubles arrivez dans le Languedoc, surtout du temps des Anglois, des religionnaires et de la Ligue.
Un grand nombre de sceaux très rares de nos comptes (sic) et vicomtes et autres anciens seigneurs de la province, en un mot une infinité d'actes tants anciens que modernes que nous avons recueilly ou en entier ou par extrait et dont on pourra se servir utillement pour dresser trois cartes du Languedoc, l'une pour l'ancien tems depuis les Romains jusqu'à la fin du regne des Gots ou Visigots, l'autre pour le Moyen Age, depuis la seconde race de nos Roys jusqu'à la fin du treisieme siecle, et la troisieme qui en representera l'etat present.
Pour juger du prix de ces memoires et de l'usage que nous nous proposons de faire, il suffit de jetter les yeux sur les principales epoques de notre histoire, c'e[s]t a dire soûs les Gaulois, soûs les Romains, soûs les Gots ou Visigots, sous les comtes et soûs les Roys de la troisieme race depuis la reunion de la province à la couronne.
Les evenemens ou faits historiques des trois premieres epoques sont trop eloignez de nous pour pouvoir etre apuyez sur d'autres temoignages que sur ceux des autheurs contemporains qui sont deja imprimez et des anciens monumens qui subcistent encore dans la province, comme les inscriptions et les medailles dont nous avons deja ramassé un assés grand nombre.
Il n'en est pas de même des deux autres êpoques qui font la plus grande partie de notre histoire, quelque obscurs qu'en soient les evenemens nous avons de quoy les tirer de l'obscurité et des tenebres ou ils sont ensevelis par les nouvelles decouvertes que nous avons faites, c'est le defaut de ces dernieres qui a fait si souvant égarer les historiens de la province qui nous ont precedé et qui leur a fait confondre plusieurs faits importans, les noms des personnes et des familles.
Ces memes historiens ne se sont pas moins egarez sur l'origine de la succession de nos comtes, ils nous ont donné la vie de quelques uns qui n'ont jamais subcisté que dans leur imagination et n'ont rien dit de quelques autres dont nous raporterons l'origine, l'histoire et la succession avec une suite bien plus seure et bien plus exacte que la leur, des marquis de Gothie, des ducs de Septimaine (sic) et de Narbonne, des comtes et vicomtes de Toulouse, de Carcassonne et de Beziers, d'Alby, de Nimes et d'Agde.
La derniere époque de notre histoire, qui comprend tout le tems qui s'est ecoulé depuis la reunion de la province a la Couronne jusqu'à nos jours, et qui paroit si sterile dans nos histoires, du moins jusqu'aux guerres des calvinistes, sera peut être de toutes ses parties la plus agreable, la plus interessante et la plus etandue par l'abondance de nos memoires.
C'est avec leur secours que nous decouvrons les services importans rendus à nos Roys et à l'Etat en differens temps et en differentes occasions par le clergé, par la noblesse et le peuple du Languedoc, leur affection et leur zele pour le rachat du roy Jean, les mouvemens et les troubles de la province soûs le gouvernement despotique des ducs d'Anjou et de Berry et soûs celuy des comtes de Foix et d'Armaignac, les fameux differents de ces deux grandes maisons avec touttes leurs suites, les effors et les secours extraordinaires du Languedoc pour le roy Charles VII et son entier retablissement sur le trosne, les marques d'attachement et de liberalité donnée[s] au roy Louis XI avant et après son avenement a la couronne, et enfin une histoire suivie et presque complette des assemblées ou Etats generaux et particuliers de la province.
Vous n'ignorés pas, Nosseigneurs, que les procez verbaux de vos assemblées qui sont dans vos archives ne remontent pas au dessus de 16me siecle et que la pluspart de celles qui ont precedé sont presque entierem(ent) inconnues, nous pouvons remonter plus haut et en donner une connoissance plus exacte et plus etendue.
Deux chartes du roy St Louis accordées en 1254 aux habitans de Nimes et de Beaucaire nous mettent en etat de justifier l'usage dans lequel la province a été de tout tems de traitter les affaires les plus importantes dans des assemblées composées des notables du pays.
Ce saint Roy, après avoir maintenu la province dans cet usage et dans celuy du droit ecrit, ajoute dans ces memes chartes que lorsqu'il s'agira de permettre ou de refuser la sortie des grains hors de la province, les senechaux assembleront les trois Etats de leurs senechaussées pour deliberer la dessus, trois procez verbaux de pareilles assemblées sont des preuves de cette liberté de s'asembler et de l'usage d'admetre dès ce tems la dans les assemblées les deputez des communes ou des bonnes villles de la province.
A ces preuves nous pouvons adjouter celles que nous fournissent plusieurs autres assemblées, du nombre des premieres sont celle de Montpelier tenue au mois de juillet 1303 au sujet du different du roy Philipe le Bel avec le pape Boniface VIII, celle de Toulouse au mois de decembre de la meme année ou, sur la demande des gens des trois Etats, le meme Roy accorda le retablissement du parlement de Languedoc, les autres sont celles des Etats generaux du royaume tenus à Bourges en 1316 et 1317, à Po[i]tiers en 1320 soûs le regne de Philipe le Long, a Paris soûs Philipe de Valois en 1350, a Celles en Berry en 1422, a Chinon en Tourraine en 1429 soûs le roy Charles VII, etc.
Autant qu'il est aisé de prouver l'usage et la liberté des assemblées de la province, autant il est difficile de fixer l'epoque precise de leur consantement pour la levée des subcides que les pressans besoins de l'Etat ont souvant obligé nos Roys de leur demander, cet usage paroit p[e]u connû avant les tems qui ont precedé le regne de Philipe de Bel. Les Roys ses predecesseurs, contens des revenus de leurs domaines et des services personnels que leur rendoient pendant la guerre la noblesse et la pluspart des communes, ne paroissent gueres avoir exigé d'autres secours.
Il est vray que St Louis demanda et obtint en 1270 des bonnes villes de Languedoc un subcide pour son passage à la terre sainte, mais il declara en meme tems par ses lettres qu'il le regardoit non pas comme un tribut qui luy fut deu mais comme un pur effait de l'affection et de la liberalté de ses sujets ; le comte Alphonse, frere de ce saint Roy, fit une semblable declaration pour un pareil subcide obtenu pour le meme sujet dans sa comté de Toulouse.
Quand les guerres de Flandres obligerent le roy Philipe le Bel à imposer divers fouages dans touttes les provinces du royaume, celle de Languedoc n'en fut pas exempte, mais, en donnant de[s] marques de son zele et de son affection pour ce prince, elle en donna en meme tems de sa liberté par le consantement que les deputtés de ses bonnes villes, assamblés a Paris, donnerent en 1297 pour l'imposition de six sols par feu.
Depuis le regne de Philipe le Bel jusques vers la fin de Philipe de Valois que les subsides [de]vinrent presque ordinaires, nous trouvons quelques dons accordés à nos Roys, tantot dans les assemblées generalles de la province, tantot dans les particulieres des senechaussées et des vigueries, nous avons des preuves de ce consentem(ent) des Etats et de leur liberté à deliberer dans deux assemblées generales tenues à Toulouse, l'une en 1303 ou l'on accorda vingt mil livres au Roy, l'autre en 1318 au sujet du subside demandé par Philipe le Long pour la guerre qu'il avoit à soutenir en Flandres.
Nos memoires sont si amples sur ce sujet que nous sommes en etat de donner une suite presque complette des Etats generaux de la province depuis la reunion à la Couronne jusqu'à nos jours et d'en marquer les tems, les lieux et les motifs, les dons et les subsides qui y ont êté consantis et accordés, les personnes qui y ont presidé ou assisté, avec les gratiffications accordées soit aux princes de la maison royalle, soit aux gouverneurs, lieutenans generaux et autres personnes en consideration de leurs services rendus ou à l'Etat ou à la province.
Outre cette suitte des Etats et des assemblées, nos memoires nous fourniront celle des gouverneurs, commandans, lieutenans et capitaines generaux de Languedoc, celle des premiers presidens du parlement de Toulouse et des autres cours souveraines, des senechaux des trois anciennes senechaussées et de celles qui ont êté erigées dans la suite, des reformateurs et commissaires envoyés par nos Roys pour l'administration ou reformation de la justice, des viguiers, des chatelains, capitaines ou gouverneurs des places, des maitres des eaux et forests, etc., dont les charges etoient ordinairement occupées par des gens de qualité, du moins jusqu'à la fin du 16e siecle, nous n'obmetrons point de joindre à cette suite de differents (sic) les grands hommes qui ont illustré la province, soit par l'etat de leurs vertus et de leurs talans, soit par la grandeur et l'importance de leurs services.
Comme ce n'est pas icy le lieu de temoigner notre reconnoiss(an)ce envers les differentes personnes de distinction et de merite qui ont eu la bonté de nous communiquer les manuscrits qui regardent notre province, nous nous contantons de vous marquer icy les biblioteques ou nous avons travaillé jusqu'à present.
Les plus celebres sont celle du Roy, ou nous trouvons des secours infinis, soit dans les manuscrits soit dans le precieux recueil des titres originaux et scellés de feu M. de Gagnieres, soit dans les manuscrits et les collections de M. Baluze dont le Roy vient de l'enrichir.
Celle de M(onsieu)r Colbert, aujourd'huy de M. de Seignelay, d'ou nous avons tiré cette quantité prodigieuse d'actes et de titres qui sont la plus grande et la plus riche portion de notre recueil.
Celle de M. Foucauld, cons(eill)er d'Etat, qui nous a fourny des copies des registres du parlement de Toulouse.
Celle de M. Lenain, doyen des cons(eill)ers du parlement de Paris, ou on nous a communiqué un grand recueil des principales pieces qui sont dans les anciens registres du tresor des chartes du Roy ou de la chancellerie depuis St Louis jusques a Charles IX.
Celle de M. le chancelier Seguier, aujourd'huy de M. l'eveque de Metz, dont nous sommes les depositaires, et ou nous trouvons tous les jours d'excellens morceaux, surtout pour les derniers tems de notre histoire et pour celuy des troubles et des mouvemans des religionnaires.
Celle de St Germain des Prez, a qui nous devons quantité d'anciens monumens que notre feu Pere, dom Claude Estiennot, avoit ramassés dans les provinces.
Nous n'avons garde d'obmetre icy le tresor des chartes du Roy et de la chambre des comptes de cette ville.
M. le premier president a eu la bonté de nous donner la communication, [l'un] nous a fourni tous les titres originaux de la couronne qui regardent la province, dont nous avons eu soin de faire dessiner les seaux les plus rares et les plus interessants, et l'autre nous a procuré la connoissance d'une infinité de faits historiques et ane[c]dotes que nous avons extraits de cinq à six cens registres des comptes du domaine des trois anciennes senechaussées de la province.
Voilà, Nosseigneurs, les sources ou nous avons puisé tout ce qui compose notre recueil, il est si ample qu'il forme deja plusieurs volumes in folio, nous esperons le grossir considerablement par les recherches que nous nous proposons de faire dans la chambre des comptes de Montpelier et des autres archives de la province, si Nosseigneurs veulent bien continuer de nous honorer de leur protection.
De l'abbaye de St Germain des Prez, le 31 novembre 1721.
F. Claude Devic, f. Joseph Vaissette, signez.
| Histoire de la province |
17220124(05) |
| Historiographie |
| Mémoire de Devic et Vaissette dressant l'état de leurs recherches sur l'histoire du Languedoc : leurs sources, les étapes de leur travail, les premiers résultats et leur désir de poursuivre leurs recherches dans la province |
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| Devic et Vaissette divisent l'histoire du Languedoc en cinq périodes : celles des Gaulois, des Romains, des Gots ou Visigots, des comtes, et des rois de la troisième race depuis la réunion de la province à la couronne |
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| Le mémoire de Devic et Vaissette fait remonter à deux chartes de saint Louis de 1254 les assemblées composées des notables du pays et citent plusieurs documents postérieurs qui attestent de "l'usage et la liberté des assemblées de la province" |
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| Privilèges de la province |
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| Représentation |
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| Devic et Vaissette trouvent en 1270 un 1er subside versé par la province au roi "comme un pur effet de l'affection et de la libéralité de ses sujets" ; les subsides, plus fréquents après Philippe le Bel, nécessiteront toujours le consentement des Etats |
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