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Délibération 17611128(04)
Nature |
Mémoire, pièces diverses. à l'appui d'une délibération |
Code de la délibération |
17611128(04) |
CODE de la session |
17611022 |
Date |
28/11/1761 |
Cote de la source |
C 7529 |
Folio |
197v |
Espace occupé |
8,75 |
Texte :
Monseigneur l'archevêque de Narbonne, president a dit que les Etats ayant delibéré de faire à Sa Majesté leurs très humbles representations sur la triste scituation des peuples de cette Province au sujet de la prorogation du 3eme vingtième et du doublement de la capitation, il propose à l'assemblée d'entendre la lecture de celles dont le projet a été dressé en forme de lettre ecritte à Sa Majesté au nom des Etats, et qu'il signera après qu'il l'auront approuvée.
Surquoy lecture faitte de lad. lettre contenant les très humbles representations des Etats, ils l'ont approuvée et ordonné qu'elle sera insérée dans le procès verbal et Monseigneur l'archevêque de Narbonne l'a signée.
Sire,
C'est toujours avec le même zele et la même fidélité que les Etats généraux de vôtre Province de Languedoc, seuls interprètes et organes des peuples dont l'administration leur est confiée, s'empressent d'accorder à Vôtre Majesté les secours que les conjonctures presentes rendent necessaires, les besoins de l'Etat, dont elle est seule juge, en reglent la mesure et la proportion ; et Vôtre Majesté toujours occupée du moment heureux qui arrêtera la durée de ces secours, goûte la satisfaction si digne du Roy, pere de ses peuples, lorsqu'elle leur annonce le desir le plus sincère de les soulager.
Les Etats de vôtre Province de Languedoc ne peuvent sentir l'avantage d'être membres de cette grande monarchie sans être jaloux de sa gloire et de la vôtre ; l'honneur de la nation, inseparable des intérêts de l'Etat, les anime, et si les sacriffices que l'amour de la paix a inspiré à Vôtre Majesté coûtent moins à son amour pour ses peuples que la necessité de leur imposer de nouvelles charges, l'empressement de vôtre Province à s'y soumettre l'acquitte de ce qu'elle doit au souverain et à la patrie.
Etonnés, affligés même des conditions que vôtre Majesté, sensible aux besoins de ses peuples, s'est crüe obligée d'offrir à des ennemis injustes pour terminer une guerre que les hostilités les plus odieuses ont commencé, ils vous font le sacrifice de leurs biens et de leurs vies, pour acheter une paix qui ne seroit jamais heureuse pour eux si elle n'étoit pas solide, et que vôtre Majesté n'acceptera jamais si elle étoit deshonorante.
L'injustice peut triompher par des succès ennivrés de ses avantages, elle peut vouloir dicter les loix que des pretentions orgueilleuses lui inspirent, mais la paix qui porte sur de pareils fondements meriteroit elle ce nom ? Les véritables intérêts des nations et des Empires reprennent bientôt leur niveau par la vicissitude des evenements, et plus ces intérêts sont blessés, plus la revolution est prompte.
Mais si la gloire du Prince et de la Nation, si des vües vraiment patriotiques inspirent ces sentiments à des citoyens, que ne doivent ils pas attendre de la bonté et de la justice d'un Monarque qui n'entreprend la guerre la plus juste que par necessité, et qui seroit vraiment digne de donner des loix en faisant la paix, parce qu'il est toujours maître de lui même.
Tel est donc, Sire, le principe de la confiance de vos sujets de la Province de Languedoc ; leur impuissance ne servira qu'à donner un nouveau mérite aux sacrifices qu'ils font à vôtre Majesté, s'ils l'oublient, lorsqu'il s'agit de lui faire de nouveaux dons, c'est dans ce moment la même qu'ils acquierent de nouveaux droits sur le cœur de vôtre Majesté et le récit de leurs malheurs ne lui paroitra jamais plus sincère et plus fidèle que lorsqu'il sera dicté par la soumission et l'ardeur la plus vive pour son service.
Et que pourrions nous dire en ce genre, Sire, qui n'ait déjà été mis sous les yeux de Vôtre Majesté, qui a bien voulû y être sensible, nous nous flatons ou plutôt nous sommes assurés que Vôtre Majesté nous prévient, lorsque nous avons l'honneur de lui exposer que la continüité des maux que nous éprouvons les fait croître dans une proportion qui devient touts les jours plus funeste. La multiplicité et la durée des charges ôtent toutte ressource aux cultivateurs à qui il ne reste que l'esperance de jours plus heureux et un attachement qu'on pourroit dire aveugle au patrimoine de leurs pères. La langueur ou plutôt l'interruption du commerce tombe également sur les productions du sol et sur celles de l'industrie : et dans le moment où il sembloit que celle ci voudroit s'étendre et s'animer par des nouveaux etablissements, elle est comme étouffée par le deffaut de consommation. La misère des peuples concourt ainsi avec les suites d'une guerre opiniatre et crüelle pour dépeupler les villes et les campagnes. Les effets même, qu'ont fait [sic] à l'envi pour favoriser les grands objets de la population, de l'agriculture et du commerce, quelque loüables qu'ils puissent être, decouvrent que les maux sont trop etendus pour que la paix seule en soit le remède. Elle pourra sans doute en arrêter la durée et les progrès ; mais ce n'est pas assez pour rendre la vie à ce qui est comme éteint, pour faire succéder la santé et les forces à un epuisement devenû habitüel, et pour ranimer le courage depuis si longtems abbatu par les progrès successifs de l'indigence, si dans la capitale de l'Empire et dans plusieurs villes qui partagent son opulence, et qui imitent son luxe, ce n'est que sur ce luxe même que pourroient tomber des retranchements qui y sont à peine connus ; il n'en est pas de même dans les Provinces, où l'espèce de luxe que l'exemple de la capitale y a introduit est toujours resserrée par un revenu modique, qui dans des tems plus heureux et avec des mœurs plus sages auroit pû tenir lieu de richesse, mais qui suffit à peine aujourd'huy pour la subsistance.
De si grands maux, Sire, ne sont pas sans remède, et si la paix combloit nos vœux, en prévenant le terme de deux années, qu'il nous soit permis d'espérer que la triste scituation des peuples de cette Province eprouveroit un heureux changement par la cessation des nouvelles charges qu'ils viennent de s'imposer. La bonté de vôtre cœur paternel, de concert avec la sagesse de vôtre gouvernement, vous en assurent. Les fastes de cet Empire ont transmis à la postérité la juste estimation des qualités qui forment les grands Rois, l'exemple de plusieurs de vos augustes predecesseurs, dont les regnes traversés par des evenements qui ont presque ebranlé la Monarchie, ont marqué les premiers moments du calme que leurs victoires leur ont assuré par la diminution ou le retranchement des impots. Vous leur avez succedé, Sire, en montant sur le premier trône du monde ; ils aimoient leurs peuples, vous les aimez comme eux, et vous en êtes le bien aimé ; non, Sire, Vôtre Majesté ne permettra jamais, que l'indigence et l'épuisement de vos sujets puissent être imputés à d'autres causes, qu'aux besoins de l'Etat ; dès que la paix les fera cesser, elle ne sera occupée qu'à les rendre heureux.
Il est encore, Sire, un autre objet, que nous ne craignons pas de mettre sous les yeux de Vôtre Majesté, c'est l'emprunt que l'impossibilité d'augmenter la capitation a rendu necessaire, et que la prorogation de la même augmentation oblige de renouveller, plus la libération de ces emprunts sera différée, plus la somme totale des intérêts devient un fardeau pesant et contraire même aux intentions de vôtre Majesté, si elle est donc obligée de mettre des bornes à la continuation de la remise qu'elle annonce pour cette liberation, elle l'augmentera sans doute par une juste compensation dans d'autres circonstances. Il est egalement onéreux pour les peuples et dangereux pour l'Etat que les charges se perpétuent dans des termes aussi longs, eviter ce double inconvénient par une prompte libération, c'est tout à la fois servir Vôtre Majesté et soulager ses peuples.
De si justes representations ne doivent elles pas, Sire, nous inspirer la confiance que vôtre Majesté voudra bien les recevoir avec bonté ? Puissent les peuples de vôtre Province de Languedoc en éprouver les effets. Ils chercheront toujours à les mériter par le zele empressé pour vôtre service, par le desir le plus constant de vous plaire, par les vœux les plus sincères et les plus ardents pour vôtre gloire, qu'ils ne peuvent séparer du bonheur que vôtre Majesté veut leur procurer.
Nous sommes avec la plus respectueuse soumission,
Sire,
De Vôtre Majesté,
Les très humbles très obeissants et très fidelles sujets et serviteurs.
Les Gens des trois Etats de vôtre Province de Languedoc. Signé, de la Roche Aymon, Arch. P. de Narbonne, President. Et plus bas du mandement de Nosseigneurs des Etats. Signé Carriere.
Doléances mentionnées dans les délibérations |
17611128(04) |
Impôts dans la province |
Le roi est supplié de supprimer les nouvelles charges imposées à la province et de continuer la remise annoncée pour une libération rapide de l'emprunt rendu nécessaire par l'impossibilité d'augmenter la capitation |
Action des Etats
Fiscalité, offices, domaine |
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Relations avec le roi |
17611128(04) |
Attachement à la patrie |
Les Etats réaffirment leur attachement "au souverain et à la Patrie" et évoquent les "vues vraiement patriotiques" que "la gloire du Prince et de la Nation" inspirent à des "citoyens" |
Action des Etats
Relations avec le roi, la cour, les commissaires royaux |
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Plaintes |
17611128(04) |
Acharnement fiscal |
"La multiplicité et la durée des charges ôtent toute resssource aux cultivateurs" |
Action des Etats
Fiscalité, offices, domaine |
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Plaintes |
17611128(04) |
Misère de la province |
Le commerce languit et même est interrompu ; les nouveaux établissements sont étouffés par le manque de consommation ; les villes et les campagnes se dépeuplent ; le luxe imité de la capitale est en province "toujours resserré par un revenu modique" |
Action des Etats
Catastrophes et misères |
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