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Délibération 17791228(09)



Nature Délibération en séance plénière
Code de la délibération 17791228(09)
CODE de la session 17791125
Date 28/12/1779
Cote de la source C 7604
Folio 312-317
Espace occupé 5,5

Texte :

Monseigneur l'archevêque de Toulouse a dit : Qu'il a été rendu compte par le sieur de Joubert, syndic-général, d'un mémoire présenté à M. le Directeur-général des finances par le sieur Blachier, habitant de Nismes, au nom d'une compagnie, pour être autorisés à construire un canal de navigation depuis ladite ville jusqu'à Aiguesmortes ; que ce mémoire a été renvoyé à M. l'intendant, qui a cru devoir le communiquer aux Etats pour avoir leur avis au sujet de l'exécution de ce canal ; que ce mémoire est accompagné des délibérations de la ville de Nismes, & d'un grand nombre de communautés du même diocese, qui en désirent l'exécution avec empressement, par rapport aux avantages qu'elles supposent devoir en retirer pour le débit de leurs denrées & l'augmentation de leur commerce.
Que cette utilité est sensible pour toutes les denrées & marchandises venant de Bordeaux & du Haut-Languedoc par le Canal de jonction des mers, dont le canal des étangs est la suite, & dont celui qui est entrepris par les Etats depuis Aiguesmortes jusqu'à Beaucaire est la perfection, puisqu'au moyen de la branche du canal de Nismes jusqu'à ce dernier, ces denrées & ces marchandises seront portées jusqu'à cette ville. Que les denrées & marchandises à exporter dans le Haut-Languedoc, & même au-delà, jouiront des mêmes avantages ; & que s'ils sont moins sensibles par rapport à l'importation & exportation qui se fait par le Rhône, ils sont toujours réels par la comparaison du prix du transport par terre avec celui des voitures d'eau, nonobstant la prolongation de près de douze lieues.
Qu'au-surplus, la ville de Nismes & les communautés voisines ne profiteront pas seules des avantages de ce canal, qu'elles les partageront avec les dioceses d'Alais & Uzès, par la facilité de se pourvoir à Nismes des denrées & marchandises qui sont le plus à leur usage.
Qu'a l'égard de la possibilité, la même compagnie ajoute qu'elle a été reconnue, non-seulement dès l'année 1697, où ce canal fut proposé, mais encore depuis que les Etats se sont occupés du canal de navigation d'Aiguesmortes à Beaucaire, & du desséchement des marais ; qu'elle a même été reconnue par M. de la Blotiere & M. Mareschal, qui ont été successivement directeurs des fortifications de cette province.
Que la longueur de cette branche de canal, suivant le mémoire, sera de quinze mille cinq cents toises, son ouverture de huit, ses francs-bords de trois de chaque côté. Il aura partout six pieds d'eau, & que les taluds naturels n'en auront que quatre, la qualité des terres n'en exigeant pas davantage. Que l'excavation en sera faite partout dans un lit de terre glaize ; & que comme les eaux du canal seront toujours au-dessous du niveau des terres, les propriétaires riverains n'auront pas à craindre la moindre filtration.
Qu'il résulte des nivellements qui ont été réitérés que de l'esplanade de Nismes au canal de navigation sous le Caila, il y a cent onze pieds de pente, que la compagnie se propose de racheter par onze écluses, quoique le plan en ait indiqué treize ; de nouvelles réflexions ayant fait juger que ce nombre pouvoit être réduit sans inconvénient.
Que ce canal suivra dans sa direction le territoire de la ville de Nismes, en partant de dessous l'esplanade jusqu'au chemin creux qui commencera au moulin des Capellans ; que dans cette partie il sera formé par les eaux de la fontaine qui serviront également à nourrir ce canal dans la partie de ce chemin qu'il parcourra jusqu'au ruisseau Loubeau, & continuera jusqu'à sa rencontre avec le Vistre, dont les eaux serviront à l'alimenter jusques au-dessous du Caila, à l'endroit où il joindra celui de la Province ; & que le plus léger coup-d'œil sur la carte du pays fait appercevoir, indépendamment des avantages de la navigation, celui de garantir des inondations annuelles du Vistre, une des plus belles & des plus riches plaines de la province, en contenant les eaux de cette riviere dans un canal régulier.
Que la circonstance des ouvrages déjà faits par la Province pour la navigation du Vistre, & sa jonction au canal de navigation, ainsi que l'assurance de la continuation de ce dernier jusqu'à Beaucaire, ont reveillé l'idée du projet de la branche du canal de Nismes à Aiguesmortes, qui se trouve déjà exécutée jusques près du Caila, & que la réunion de tous les avantages dont on a parlé, qui paroissent se réaliser au moyen des ouvrages faits par la Province & de ceux qu'elle se propose de faire, a déterminé la compagnie qui se présente à reprendre la suite d'un projet utile en lui-même, & dont l'exécution est aujourd'hui plus facile & plus assurée.
Qu'elle ne craint pas même qu'on lui objecte la concurrence du canal de Lunel, puisque les avantages qu'il procure ne peuvent pas jamais avoir l'effet d'un privilege exclusif à l'égard d'une ville qui trouve dans sa position, & dans les moyens qu'elle lui procure pour l'exécution de la branche du nouveau canal, des motifs assez pressants pour demander d'y être autorisée.
Que quoique cette compagnie ne rapporte pas l'évaluation de la dépense de ces ouvrages, ni même un devis qui en fasse connoître le détail, cependant, comme elle se charge de les faire exécuter à ses frais, même de payer toutes les indemnités qui pourront être dues à raison de son emplacement, sans demander aucun secours à la Province, il paroît que les Etats doivent être uniquement occupés dans l'avis qu'ils ont à donner par rapport au canal dont il s'agit & au privilege demandé pour son exécution, de l'utilité de cette entreprise, qui paroît assés évidemment établie pour ne devoir pas être révoquée en doute ; que d'ailleurs cette compagnie fait remarquer à l'égard de la dépense d'un pareil ouvrage que les eaux du Vistre étant des eaux claires & qui ne sont chargées d'aucun limon, il n'est pas à craindre qu'elles fassent des dépôts assez sensibles pour donner lieu à une dépense considérable pour son entretien ; & que pour être en état de fournir aux frais de la construction & autres qui en sont la suite, elle se réduit à demander qu'il lui soit permis de lever sur les marchandises qui seront voiturées par ce canal six deniers par quintal & par lieue, qui est le même droit attribué aux propriétaires du Canal de la jonction des mers.
Qu'elle espère retirer au moyen du produit de ce droit de sept à huit pour cent de la dépense qu'elle aura faite pour sa construction, l'augmentation de ce produit, s'il y en a, servant à justifier l'importance de l'entreprise ; qu'enfin, pour répondre à toutes les objections qu'on pourroit lui faire, elle offre dès-à-présent à la Province la faculté d'acquérir pour tous les temps à venir la propriété du canal, moyennant la somme de deux millions cent mille livres, qu'elle croit par un premier apperçu devoir être employée à sa construction, après, toutefois qu'elle aura joui pendant trente années des fruits de ses soins & de ses dépenses.
Que MM. les Commissaires, après s'être ainsi instruits de l'utilité qu'on doit retirer de la construction de la branche du canal dont il s'agit, depuis la ville de Nismes jusqu'au Caila, par l'augmentation du commerce des marchandises & denrées d'importation & d'exportation par ce canal, de la possibilité de son exécution, & des conditions auxquelles la compagnie qui se présente pour en obtenir le privilege offre de s'en charger à ses frais, en payant toutes les indemnités qui seront dues pour son emplacement, sans aucune contribution ni secours de la part de la Province, il leur a paru que les Etats pouvoient donner à ladite compagnie le consentement qu'elle demande pour l'exécution d'un canal qui rapproche de la ville de Nismes & de ses environs la navigation déjà établie par le canal des étangs, & celle qui le sera encore par la continuation du nouveau canal depuis Aiguesmortes jusqu'à Beaucaire ; que l'offre faite par cette compagnie de céder à la Province la faculté de se charger de ce canal après qu'elle en aura eu la jouissance pendant trente années, en lui remboursant la somme de deux millions cent mille livres, à laquelle elle en a estimé la dépense par un premier apperçu, a paru mériter d'autant plus d'attention de la part des Etats qu'on ne sauroit disconvenir, d'après les vues même du gouvernement, que la construction des canaux & leur manutention doivent être par préférence confiés à une administration publique qui soit en état de connoître tous les avantages & les rapports dont leur situation les rend susceptibles à l'égard des différents objets de commerce, & que l'intérêt public, auquel elle est obligée de veiller, la met en état d'assurer & de perpétuer ces avantages, en comparant le produit des droits avec les charges pour les établir dans une juste proportion.
Mais que dans la vue de profiter après le terme de trente années, si les Etats le jugent ainsi à propos, de la faculté d'acquérir la branche du canal dont il s'agit, au moyen du remboursement de la somme à laquelle la dépense de sa construction a été évaluée, il est juste que les Etats veillent par eux-mêmes à la manutention de ce canal & à son entretien, de maniere que cette surveillance ajoutée à l'intérêt personnel de la compagnie, soit encore un nouveau garant de son utilité pour le commerce, & du bon état où il sera lorsqu'ils jugeront à propos d'user de la faculté qui leur est offerte.
De sorte que par ces différentes considérations, MM. les Commissaires ont été d'avis de proposer aux Etats de donner leur consentement à ce que la compagnie qui se présente obtienne de Sa Majesté la permission d'exécuter la branche du canal qu'elle se propose de former depuis la ville de Nismes jusqu'au-dessous du Caila, à la charge,
1°. De supporter tous les frais de sa construction, tels qu'ils peuvent être, même les indemnités à payer aux seigneurs & aux propriétaires des fonds qu'ils seront obligés d'acquérir pour son emplacement, & généralement à tous frais quelconques, sans aucune contribution ni secours de la part des États.
2°. Que le droit que ladite compagnie sera autorisée à percevoir sur ledit canal ne pourra être plus fort que de six deniers par quintal, poids de marc, & par lieue sans que ledit droit puisse être augmenté sous quelque prétexte que ce soit.
3°. D'accepter l'offre qui leur est faite par ladite compagnie de la faculté d'acquérir cette branche de canal, les moulins, terres, bâtiments, & tous objets acquis à son occasion ou en dépendants, s'ils le jugent ainsi à propos, en lui remboursant la somme de deux millions cent mille livres, de laquelle il a été convenu pour ledit rachat, dont la faculté est une condition expresse du présent consentement des Etats, & ne pourra cependant avoir lieu qu'après trente années de jouissance de ladite compagnie, pendant lesquels elle en percevra les droits, & sera chargée d'en entretenir la navigation.
4°. Que pendant ce terme, & même au-delà, si la compagnie jouit plus longtemps de ladite branche du canal, les États seront autorisés à veiller au bon entretien de ces ouvrages, de maniere que la navigation ne puisse en recevoir aucun retardement, ni éprouver aucun obstacle ; auquel effet, le directeur des travaux-publics de la province de ce département, fera toutes les années la visite de cette branche de canal & des ouvrages qui en dépendent, en présence de celui qui sera député à cet effet par la compagnie ; de laquelle visite ledit directeur dressera son procès-verbal, dont il sera rendu compte chaque année aux Etats.
5°. Qu'après l'entiere confection des ouvrages dudit canal, ladite compagnie sera tenue de remettre au greffe des Etats ses titres de propriété, & les devis & plans desdits ouvrages.
Ce qui a été délibéré, conformément à l'avis de MM. les Commissaires.

Economie 17791228(09)
Cours d'eau et voies navigables
Permission à la compagnie de Blachier de creuser un canal de Nîmes jusqu'en aval du Cailar à ses frais (indemn. comprises), moyennant un droit de 6 d. par quintal & par lieue ; la province en contrôlera l'état & le rachètera dans 30 ans pour 2 100 000 l. Action des Etats

Travaux publics et communications

Economie 17791228(09)
Discours sur l'agriculture, l'industrie et le commerce
"D'après les vues même du gouvernement, la construction des canaux & leur manutention doivent être par préférence confiés à une administration publique" (projet de rachat dans 30 ans du canal Nîmes/Beaucaire construit par Blachier) Action des Etats

Agriculture, élevage, commerce, industrie

Impôts 17791228(09)
Discours sur l'équité et l'uniformité fiscales
"L'intérêt public, auquel [l'administration] est obligée de veiller, la met en état d'assurer & de perpétuer ces avantages, en comparant le produit des droits avec les charges pour les établir dans une juste proportion" (canal Nîmes/Beaucaire projeté) Action des Etats

Fiscalité, offices, domaine

Relations avec les commissaires du roi 17791228(09)
Collaboration
Le mémoire adressé par le sieur Blachier au Directeur général des finances à propos de la construction du canal de Nîmes à Aigues-Mortes a été communiqué aux Etats par l'intendant pour avis Action des Etats

Relations avec le roi, la cour, les commissaires royaux