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Délibération 17800103(02)
Nature |
Délibération en séance plénière |
Code de la délibération |
17800103(02) |
CODE de la session |
17791125 |
Date |
03/01/1780 |
Cote de la source |
C 7604 |
Folio |
440-446 |
Espace occupé |
6,5 |
Texte :
Commission des travaux publics. Septième rapport
Monseigneur l'évêque de Montpellier a dit : Que la ville de Toulouse allarmée pour un de ses principaux fauxbourgs, qui se trouve menacé d'une submersion prochaine par les eaux de la Garonne, & désirant jouir des avantages d'une navigation libre, a délibéré le 20 novembre dernier de supplier les Etats de s'occuper du moyen proposé par le sieur Berdoulat de la délivrer de ses entraves en supprimant le moulin du Château, & faisant rentrer la riviere dans son ancien lit ; & que pour mieux constater la nécessité d'obvier aux dégradations qu'elle cause sur un terrein meuble qui fait toute la défense du fauxbourg St. Michel, elle a préalablement ordonné une nouvelle vérification sur les lieux.
Qu'il résulte d'un mémoire remis à l'appui de cette délibération qu'à une si importante considération se joint celle de faire fleurir le commerce ; objet que les Etats n'ont jamais perdu de vue dans l'exécution des grands ouvrages entrepris sur la rive droite de la Garonne ; qu'ainsi par une suite des bienfaits de leur administration, la ville de Toulouse ose se flatter de voir assurer l'utilité de son quai & de son canal, par une communication libre, sure & permanente de la partie supérieure & inférieure de cette riviere.
Que le desir de procurer cette liberté auroit engagé plusieurs citoyens, animés du bien-public, à chercher différents moyens ; & que de ce concours de vues & de lumieres auroit résulté quatre projets, dont la discussion doit conduire les Etats à la connoissance du vrai.
Que le premier consiste à construire une écluse près du moulin du Château qui reçoive les eaux du canal de ce moulin, pour les verser dans son canal de fuite au-dessus du jardin des religieuses de Ste. Claire ; & qu'à ce premier projet s'en joint un autre, qui seroit d'attacher une écluse à la chaussée même du moulin, à l'une de ses extrémités.
Que le troisieme a pour objet l'exécution d'un canal depuis Portet jusqu'au-dessus ou au-dessous du pont de Toulouse, qui, sur une longueur d'environ deux lieues, en deux alignements peu différents, seroit bordé de chaque côté d'une allée d'arbres, sur lequel on pourroit placer plusieurs moulins ; & que le quatrieme consiste à détruire le moulin du Château & toutes ses digues pour faire rentrer la Garonne dans son lit naturel, en rendant à la navigation son ancienne liberté.
Que le premier projet de construire une écluse près du moulin du Château pourroit occasionner une forte dépense, en ce qu'il nécessiteroit l'acquisition d'environ quarante maisons, des déblais, des excavations considérables de terreins, un pont de communication de la ville au moulin ; enfin, l'élargissement du canal de fuite, appellé la petite Garonne ; que cependant cette dépense ne devroit point arrêter l'exécution de ce projet s'il assuroit une navigation stable & commode ; mais que bien-loin de procurer cet avantage, il n'offre qu'une navigation précaire entierement dépendante des accidents qui pourroient arriver à l'écluse, ainsi qu'aux différentes digues construites sur une longueur de mille toises pour contenir les eaux & les conduire au moulin, & qu'il ne présente encore pour l'avenir à la Province que des frais énormes d'entretien.
Que le second projet d'attacher une écluse à la chaussée du moulin du Château seroit dans son exécution susceptible des mêmes inconvénients que le premier, & n'apporteroit aucune économie dans la dépense, attendu la difficulté des fondations, la force à donner au mur d'appui de l'écluse & la réconstruction inévitable en maçonnerie de presque toute la digue.
Que le troisieme, celui du canal de Portet, en réunissant l'agréable à l'utile, mériteroit sans-doute la préférence sur tout autre, s'il étoit possible de renoncer gratuitement pour un canal à une belle riviere qu'il est si facile de rendre libre ; mais qu'indépendamment de cette considération & de la grande dépense qu'entraîneroit sa construction & ses accessoires, on ne peut se dissimuler que la navigation de ce canal seroit quelquefois suspendue par les ravages de la Garonne, qui, dans ses inondations, entraîneroit une quantité considérable de graviers & de cailloux, briseroit les portes des écluses, & en combleroit les bassins ; que d'ailleurs, ce canal, en éloignant entierement le commerce du port Garaud, ne remédieroit point au danger du fauxbourg St. Michel, & rendroit toujours nécessaire, comme les deux premiers projets, la construction dispendieuse du pont de Pinsaguel.
Que la destruction du moulin du Château présente au contraire les plus grands avantages, puisqu'en rendant sur le champ la Garonne à son ancien lit, elle restitueroit à la culture, à l'impôt, plus de deux cents arpents de terrein, aujourd'hui couverts par les eaux, & feroit rentrer dans l'allivrement primitif de la ville tous les fonds acquis par alluvion, à raison desquels les actionnaires du moulin ne sont assujetis qu'à la plus modique contribution, en vertu d'un ancien abonnement fixé depuis près de deux siecles à trente livres par année pour vingt-six arpents seulement dont ils étoient alors propriétaires.
Que le public recouvreroit par le rétablissement du chemin de la Croix, emporté par la Garonne, une communication plus courte d'une lieue & demie avec le Haut-Lauragais, la plaine d'Auterive, le diocese de Mirepoix, & le pays de Foix ; que dès-lors la Province se verroit dispensée des frais énormes de l'entreprise du pont de Pinsaguel sur la Garonne, un autre pont infiniment moins cher, que l'on construiroit sur l'Ariege au lieu de la Croix, devant suffire à cette communication.
Que ce projet assureroit encore aux propriétaires riverains le peu de terrein qui leur reste sur les fonds entraînés par le courant dans la largeur de plus de quatre cents toises, & la longueur de plus de quinze cents, en préservant d'une ruine inévitable le fauxbourg St. Michel, séparé seulement de la Garonne par un espace d'environ trente toises d'une terre meuble que cette riviere sappe tous les jours.
Qu'enfin, les eaux baissant de quinze pieds & s'éloignant de près de quatre cents toises des chantiers du port Garaud, agrandiroient d'autant ce port si intéressant pour la ville de Toulouse, & que les bois de construction, les bois à brûler, les merrains qu'on y dépose ne courriroient plus le risque d'être entraînés comme en 1772, époque de la funeste inondation qui occasionna aux marchands de bois une perte de plus de quatre cents mille livres.
Qu'au surplus, le prix de l'acquisition du moulin du Château & de ses appartenances, en y comprenant les frais du transport & de la réconstruction du moulin à poudre, seroit, suivant le premier apperçu, un objet de huit cents soixante-mille livres ; sur quoi, en en distraisant trois cents mille livres qui proviendroient de la revente des bois, des digues de quelques maisons, & de deux cents soixante arpents de terrein en isles & ramiers d'un très-grand produit, il ne resteroit que cinq cents soixante mille livres à payer.
Que ces avantages réunis auroient déterminé la ville de Toulouse à faire connoître son vœu aux Etats en faveur de ce dernier projet, malgré les inconvénients présentés dans différentes objections qui, s'ils étoient aussi réels qu'on semble affecter de le craindre, seroient sans doute capables d'arrêter l'administration, & qu'il est dès-lors intéressant pour elle de les discuter & de les approfondir.
Qu'on oppose d'abord, que la Garonne rendue en entier à son ancien lit, & formant un plus grand volume d'eau sous les arches du pont de Toulouse, les eaux dégraderoient davantage ses piles, contre lesquelles elles agiroient en tout sens, avec plus ou moins de force, en proportion de leur hauteur ; tandis que, suivant l'opinion contraire, les eaux n'auroient plus sous le pont que leur volume ordinaire ; & que leur courant n'étant plus accéléré par leur chute du haut de la digue, elles couleront plus paisiblement, & attaqueront ses piles avec moins d'impétuosité.
Que suivant la seconde objection, la Garonne ne passant plus par le canal du moulin ne fournira plus d'eau à la petite Garonne ; que la premiere arche du pont deviendra inutile, s'obstruera de nouveau ; que les atterrissements formés le long du cours seront emportés, & que les eaux abandonnant la rive droite reflueront sur les hôpitaux, en laissant à sec les ports construits par la Province avec tant de dépense pour la commodité du commerce ; tandis qu'on soutient au contraire que la pente naturelle de la riviere attire ses eaux vers l'isle de Tounis ; & qu'en supposant même son courant dirigé vers la rive gauche, de simples traînées suffiroient pour la repousser ; que d'ailleurs, le mur du cours opposera toujours aux écarts de la Garonne une barriere insurmontable, & qu'il sera facile de faire passer ses eaux, s'il est nécessaire, sous la premiere arche du pont, comme elles y passent aujourd'hui, ou par le lit de la petite riviere, en coupant le chausseron qui lie l'isle de Tounis au moulin, ou par le grand lit de la Garonne, en coupant celui qui l'attache à la premiere pile du pont.
Que la troisieme objection porte sur ce que les eaux s'étendant sur une grande surface formeront des maigres qui gêneront la navigation, l'interrompront même pendant une partie de l'année.
Mais, qu'en répondant à cette objection, on assure que ces maigres, supposé qu'il s'en formât, seroient bientôt recouverts par la réunion des eaux que des traînées forceroient à se ramasser ; & qu'en effet, l'expérience a suffisamment prouvé qu'ils ne sont point à craindre, puisqu'ils n'ont pas existé en 1770, lors de la rupture de la chaussée de Bragueville.
Que la quatrieme objection a pour objet l'antiquité du moulin, donné à fief en 1182 à divers particuliers par Raymond V comte de Toulouse, & qu'on ne voit point de titre plus légitime qu'une concession émanée de l'autorité souveraine, & de présomption plus favorable que six siecles d'ancienneté, tandis qu'on soutient contre cette objection, que l'ancienneté d'un privilege n'est dans l'ordre public qu'une simple présomption, qui exige seulement plus de discussion & d'examen quand on l'attaque, & qu'un abus, pour être invétéré, n'en sauroit être plus légitime, l'utilité étant le seul titre que les établissements publics aient le droit de faire valoir : que le moulin du Château est un reste des entraves données à la navigation, dans un temps où ses avantages étoient nuls ou méconnus ; & que si l'intérêt & le préjugé sont parvenus à conserver ce moulin, malgré les progrès des lumieres sur ce point important de l'administration, ce n'est pas que la ville n'ait souvent réclamé contre les gênes qui en résultoient pour l'abord libre des marchandises, & contre les dégradations qu'il occasionnoit.
Qu'enfin, la cinquieme & derniere objection est fondée sur le danger qu'il y auroit pour la ville de voir par la destruction du moulin du Château une denrée de premiere nécessité dépendre du seul moulin du Bazacle, dont la digue, pouvant être emportée, exposeroit tout à coup soixante mille habitants aux horreurs de la famine ; mais qu'un pareil malheur n'est pas à redouter pour la ville de Toulouse, dont la situation avantageuse offre mille moyens de remplacer le moulin qu'on détruiroit, qu'à des moulins à nef qu'il seroit facile de placer sur la rive gauche de la Garonne, depuis le dessous de la chaussée du Bazacle, jusques vis-à-vis l'embouchure du canal royal, se joindraient ceux qu'une compagnie veut établir sur le fossé qui entoure le fauxbourg Saint-Cyprien ; que d'ailleurs le canal de Saint-Pierre est susceptible de l’établissement d'un moulin à quatre meules ; que les propriétaires du moulin du Bazacle sont prêts à augmenter le nombre des leurs de quatre ou de huit, & qu'indépendamment de toutes ces ressources, les côteaux de Pech-David seroient bientôt couverts de moulins à vent ; qu'en supposant même la digue du moulin du Bazacle emportée, ce moulin pourroit encore continuer de moudre, au moyen des eaux du Canal de communication des mers, contenues à leur entrée dans la Garonne par un bâtardeau qui les dirigeroit vers le moulin ; que cependant les mêmes objections viennent d'être renouvellées dans un mémoire publié par les actionnaires du moulin du Château, dans lequel ils se plaignent du peu de solemnité de la délibération de la ville, tenue dans un temps de vacances par des commissions désertes, & de la clandestinité du rapport fait en 1773 sur l'état de la navigation supérieure de la Garonne par le sieur Bouchet, ingénieur des turcies & levées, envoyé pour cet objet à Toulouse par le feu Roi ; qu'ils s'élevent encore contre les différentes évaluations, tant de l'indemnité qui leur seroit due, que de la réconstruction du chemin de la Croix, & présentent au contraire comme modique la dépense de la construction de l’écluse, & comme essentielle à la navigation la conservation de leur moulin ; qu'ils observent au surplus que malgré son utilité dont ils sont convaincus, ils seront toujours disposés à en faire le sacrifice, si l'intérêt général demande sa destruction.
Que MM. les Commissaires, après avoir mûrement discuté ces divers combats d'opinion, d'après les mémoires dont le sieur de La Fage, syndic-général, leur a fait le rapport, auroient envisagé que quelque préférence que parût mériter le moyen indiqué par la ville de Toulouse pour la plus grande sûreté de la navigation & la conservation d'un de ses principaux fauxbourgs, il étoit néanmoins de la sagesse des Etats, vu l'importance des objections faites contre ce projet & la destruction qu'il entraîne du moulin à poudre ; vu d'ailleurs la nécessité qu'il y a de connoître d'une maniere précise la totalité de sa dépense, & celle des autres projets présentés, de renvoyer à statuer définitivement à cet égard, après une vérification faite sur les lieux par les directeurs des travaux-publics ; mais considérant en outre que quelque projet qu'il plaise aux Etats d'adopter d'après cette vérification, son exécution devant toujours être très-dispendieuse pour la Province si Sa Majesté ne daigne continuer pour la perfection des ouvrages de la haute Garonne la remise qu'elle a bien voulu leur accorder sur la derniere crue du sel ; imposition à raison de laquelle les Etats délibérerent en 1772, & dont la destination fut faite par Sa Majesté pour des objets essentiels d'utilité publique, ils ont été d'avis de proposer à l'assemblée de délibérer,
1°. De supplier Sa Majesté de vouloir continuer pendant vingt années la remise qu'il lui a plu de faire aux Etats sur la derniere crue du sel pour les ouvrages de la partie supérieure de la Garonne.
2°. Que MM. les députés à la Cour seront chargés de solliciter auprès du ministre du département de la guerre son agrément pour le transport & la réconstruction, s'il y a lieu, du moulin à poudre.
3°. Qu'ils seront également chargés de se procurer le rapport fait en 1773 par le sieur Bouchet, sur l'état de la navigation supérieure de la Garonne.
4°. D'autoriser MM. les Commissaires des travaux-publics de prendre, avec MM. les propriétaires du moulin du Château tous les renseignements nécessaires sur les indemnités qu'ils croiroient leur être dues à raison dudit moulin, & des propriétés en dépendantes, au cas il fallût le détruire.
5°. Enfin, que les trois directeurs des travaux-publics seront chargés de constater, en présence de MM. les Commissaires, & de telles personnes qu'il plaira auxdits sieurs Commissaires de nommer, 1°. Le danger dont le fauxbourg St. Michel paroit menacé, & de présenter les moyens les plus propres pour le garantir des ravages de la Garonne. 2°. De vérifier les avantages & les inconvénients qui pourroient provenir, tant de la destruction du moulin du Château, que de la construction des écluses et du canal de Portet, en donnant à connoître quel a été l'état de la navigation lors de la rupture de la chaussée de Bracqueville. 3°. De déterminer l'emplacement le plus avantageux pour la réconstruction du moulin à poudre, & d'indiquer les situations les plus commodes aux environs de la ville de Toulouse pour l’établissement de divers moulins à farine, qui devroient remplacer le moulin du Château, si l'on prenoit le parti de sa destruction. 4°. D'apprécier les dépenses qu'occasionneroient le rétablissement du chemin de la Croix, la construction d'un pont sur l’Ariége, & celle d'un pont sur la Garonne à Pinsaguel, & généralement toutes les dépenses quelconques de chacun des projets présentés, en rapportant leurs plans, profils & devis, pour le tout mis sous les yeux de la prochaine assemblée des Etats, être par eux pris telle résolution qu'il appartiendra.
Ce qui a été délibéré sur tous les chefs, conformément à l'avis de MM. les Commissaires.
Economie |
17800103(02) |
Cours d'eau et voies navigables |
Après avoir examiné les avantages et les inconvénients de 4 projets d'aménagement de la Garonne à Toulouse et de protection du faubourg Saint-Michel, les Etats demandent des informations complémentaires |
Action des Etats
Travaux publics et communications |
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Doléances mentionnées dans les délibérations |
17800103(02) |
Cours d'eau et voies navigables |
Le roi sera supplié de continuer pendant 20 ans la remise sur la crue du sel pour les ouvrages de la partie supérieure de la Garonne et les députés à la Cour demanderont l'agrément du ministre de la guerre pour le déplacement du moulin à poudre |
Action des Etats
Travaux publics et communications |
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Economie |
17800103(02) |
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Les coteaux de Pech David à Toulouse seront bientôt couverts de moulins à vent |
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17800103(02) |
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Argument de la ville de Toulouse contre les actionnaires du moulin du Château qu'elle veut détruire : c'est malgré le progrès des lumières que l'intérêt et le préjugé ont réussi à le conserver |
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