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Discours/Cérémonie


Discours de l'un des commissaires du roi - E16490601(2)

Nature Discours de l'un des commissaires du roi
Code du discours/geste E16490601(2)
CODE de la session 16490601
Date 01/06/1649
Cote de la source C 7101
Folio 1r-3r
Espace occupé 3,15 p.

Locuteur

Titre Monseigneur le comte du Roure
Nom Grimoard de Beauvoir
Prénom Scipion
Fonction np


Texte :

Messieurs, L'honneur que je reçois et qui m'accompagne dans cette illustre assamblée ou je viens faire l'ouverture de voz Estatz par les ordres du Roy en l'absance de S.A.R. et soubz sa protection a je ne scay quoy, je l'avoue, qui me surprand, en ce que, dez le premier pas, il me samble par l'action que je fais, que je me desguize a moy mesme pour me monstrer a vous.
Mais, si nous naissons plus pour autruy que pour nous et que cela ne s'explique qu'en faveur du service que nous devons au souverain soubz l'autorité duquel nous vivons et de la pieté a laquelle la naissance nous oblige envers nostre patrie, il faut que je me surpasse puisque la necessité m'a si heureusemant conduit icy, qu'il s'y agit de satisfaire a tous deux, bien que par un devoir inegal ainsy que differans.
En quoy je remarque, Messieurs, que nous avons tous a nous louer particulieremant de la bonté de Leurs Majestés qui ne m'ordonnent ny ne vous demandent rien en cette rancontre que pour vos avantages, et comme cette considera(ti)on rehausse de beaucoup a mon gré le prix de mon employ, je ne puis qu'en avoir une satisfaction extreme et la faire valoir.
Vous avez joui des despanses de la guerre si utilemant jusques icy qu'on peut dire que les biens que vous avez donnez sont retombez sur vous mesmes avec usure et tout ce que Leurs Majestez ont acquis avec payne de grandeur, de gloire, de reputation se respand sur vos familhes visiblemant en tout autant d'honneur, de repos et de graces et plus avantageusemant encore qu'en leurs propres personnes qui ne peuvent jouir qu'un temps des uns ou la province et le corps de l'Estat pour estre immortelz possederont les autres a jamais.
Ainsy Leurs Majestés qui continuellemant ont les yeux ouvertz a nous garantir des maux qui nous menacent en sont les vrais et seuls medecins et faisant sans difficulté toutte notre santé et notre repos par leurs soins, nous n'avons, croyez moy, qu'a donner les bras aux douces et salutaires saignées qu'ilz nous ordonnent quelquefois dans une connoissance aussi parfaite de leur necessité que de noz propres forces et de notre temperamant.
N'avons nous pas tous les jours des confiances pareilles en authruy pour notre propre vie et pouvons nous justemant refuzer en noz affaires celle dont il s'agit a Leurs Majestés, qui par dessus ces raisons de bienseance et de comparaison ont de plus sur nous une authorité legitime, et d'autant qu'il est malaizé de convaincre ou de persuader pour mieux dire certaines gens qu'il y a, il n'est pas mal qu'ilz scachent de ma bouche ces veritez dernieres pour rester du moins dans une obeyssance aveugle aux ordres de Leurs Majestés s'ilz ne sont pas capables de plus grandes lumieres.
Chacun scait et je suis temoin des effortz merveilheux que cette province a faitz pour le bien de l'Estat en une infinité de rancontres et particullieremant aux derniers Estatz tenus en cette ville, que si elle voulloit aujourd'huy s'en servir de defanse pour s'excuser par la sur ses miseres p(rese)ntes et son affection irreprochable au service du Roy, Leurs Majestés plus raisonnablemant, ce me samble, y pourroient faire des prejugés en leur faveur puisque la necessité de leurs affaires continuant, son devoir et son secours envers eux devroient durer encore, dont ils la tiendront quittes pour l'avenir conformemant a leurs desirs si elle n'avoit a faire qu'a leur bonté.
Mais si vous jettez les yeux sur tant d'armées qui combattent encore pour vous, vous verrez qu'elles nous demandent la continua(ti)on de leurs payes et jugerez que vous ne scauriez sans inhumanité refuzer a ces soldatz affamés, qui ne sont au(tr)es que vos enfans et vos freres, une partye de vos nouveaux revenus a mesure qu'ilz retournent chés vous.
Personne ne dispute qu'il ne feust a souhaiter de voir la fin de noz maux en celle de la guerre, mais comme on ne peut separer les companies qui sont mises ensemble dès le commancemant du monde, la derniere que vous voyez tous les jours vous apprend bien mieux que je ne scaurois faire les malheurs qu'elle traisne et les necessitez inevitables du Roy, et puisque memes il n'est pas un de vous qui n'ayt apprins par l'experience de sa fortune particuliere qu'on achete les moindres biens, s'estonnera on si l'estat florissant ou la France se trouve luy couste quelque chose, ayant au contraire a vous louer des avantages qui vous restent en comparaison de vos pertes.
La paix, Messieurs, n'est pas un don des hommes, non plus que la guerre toujours un effet de leur intention, personne ne veut ce mal, quoyqu'il s'y porte, et Dieu seul qui connoit noz merites et nos deffauts nous conduit certainemant par les meilleures voyes, sinon le plus souvant par les plus agreables a nôtre esgard, et d'autant que tout le monde scait que les seuls artifices des ennemys ont esloigné la paix des deux couronnes jusques icy et qu'il n'a pas tenu a la Reyne ny a son Con(se)il qu'elle ne soit conclue il y a longtemps, j'oseray d'autant plus libremant mesler a ces maximes du christianisme quelques unes du monde et vous diray comme il est vray cepandant pour vôtre consolation que la guerre au dehors est possible un mal necessaire aux Estatz aussi grands que les nôtres qui ne pouvantz se detruyre que par eux mesmes ne tombent aussi guere dans les guerres civiles que par la paix et l'oysiveté qui la suit.
Je vous le prouverois par une infinité d'examples vieux et modernes si je ne craignois de faire trop l'historien, mais il sufit du dernier arrivé depuis peu a Paris ou visiblement châcun s'est seulement reuni a l'aspect d'un enemy comun. Et j'adjousteray a ce raisonnemant que l'action estant si naturelle et si inseparable de l'homme qu'il se porte plûtôt au mal voire agit contre soy mesme que de rester inutille, il faut tomber d'accord qu'il n'appartient qu'au prince de choisir a ses sujets de legitimes occupa(ti)ons soit pour estre maistre de leurs personnes et de leurs biens, soit pour estre seul capable de les conduyre et d'unir leurs dessains.
Que si nous passons de ces considerations generales a celles qui nous touchent de plus près, quelles obligations n'avons nous pas a nôtre jeune monarque qui nous donnant desja une infinité d'avantages par son heureux destin nous laisse avec raison tout a esperer et pour luy et pour nous dans le cours de sa vie.
Et quelles obligations n'avons nous pas a S.A.R. qui ne se contentant pas de luy ayder par ses sages conseils, executte encore ce qu'il resout a la teste de ses armées au peril de sa vie dont la Flandre nous est temoin, laissant a part les soins particuliers qu'il prand de cette province qui y paroissent assez sans moy et la façon desinteressée dont il a depuis peu agi a la cour pour la paix du Royaume et le bien de l'estat.
Apprès quoy je ne scaurois m'imaginer, Messieurs, que vous ne soyez très persuadés par vous mêmes de secourir le Roy, que si pourtant il y faut encore ajouster une plus forte semonce je m'en remettray, s'il vous plaist, a Monsieur de Breteuil, qui, particulieremant instruit de ses volontez, est aussy plus capable que moy de les vous faire entendre et de les menager, et quoy que vous puissiez avoir trouvé a redire dans mon discours, vous avouerez, je m'assure, que j'en sors assez bien, luy portant la parolle, et vous protestant pour la fin que je ne me dediray jamais des obligations que la naissance me donne d'estre toutte ma vie avec un attachemant particulier, Messieurs, vôtre très humble et très affectionné serviteur.