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Discours/Cérémonie
Discours de l'un des commissaires du roi - E16490922(3)
Nature |
Discours de l'un des commissaires du roi |
Code du discours/geste |
E16490922(3) |
CODE de la session |
16490601 |
Date |
22/09/1649 |
Cote de la source |
C 7201 |
Folio |
73r-76r |
Espace occupé |
5,5 p. |
Locuteur
Titre |
Monsieur l'abbé |
Nom |
Choisy, de |
Prénom |
np |
Fonction |
Chancelier du duc d'Orléans |
Texte :
Monsieur de Chosy a dit : Messieurs, Monsieur le Comte du Roure a de si grandz avantages et une si particuliere connoissance des intentions du Roy, des interestz de son service et de ceux de la province qu'il en parleroit beaucoup mieux que moy, neanmoins, puisque la commission m'en est ranvoyée, je vous diray, Messieurs, que cette illustre compagnie, composée des trois ordres de la province assemblez par la permi(ssi)on du Roy, ayant renouvellé a Sa Majesté par une deputa(ti)on solennelle les protesta(ti)ons de son obeyssance et de sa fidelité, ayant supplié S. A. R. de se randre leur intercesseur envers le Roy, Leurs Majestés m'ont ordonné d'assurer les Estatz q(ue) ce procedé leur donne beaucoup de satisfaction. Elles m'ont commis avec Messieurs les commissaires qui sont icy de leur part pour conferer avec vous sur l'edit de Beziers et sur voz instances pour la revoca(ti)on qui en peut estre faite affin de chercher un temperamant et une voye assurée pour le service de Leurs Majestés et avantage de la province dans la conjonction p(rese)nte. S. A. R. m'a commandé de vous assurer de sa bienveillance et de sa protection, qu'il contribuera de conseils et affections aux bons desirs de Sa Majesté pour le soulagemant de la province, il a creu qu'ayant l'honneur d'estre son chancelier attaché a sa personne par une depandance particuliere, les parolles que je vous porterois en son nom meriteroient plus de croyance comme elles auroient plus de poidz et d'authorité.
Entre tous les peuples les Francois ont cet avantage que les Roys les traittent en peres et non pas en maistres et en dominateurs, qu'on les gouverne par l'esprit, par la justice et par la moderation, qu'ilz ont quelque part dans l'a[d]ministra(ti)on du Royaume, qu'ilz deliberent avec leur souverain dans les Estatz generaux, qu'ilz y font leurs doleances et qu'ilz cherchent les moyens les plus plausibles pour remedier aux desordres que le long espace de temps et la negligente observa(ti)on a laissé glisser dans l'estat.
Dès que la Republique Romaine eut changé de condition, elle passa de la liberté a la servitude, les empereurs romains supprimerent les comerces [comices?] et les assamblées generales du peuple, aussy l'empire estoit une veritable domina(ti)on, un gouvernemant despotic et la ruyne de la liberté. En France noz Roys ont cette bonté royalle et paternelle pour leurs peuples d'asssambler leurs Estatz generaux, de descendre de leur throsne pour faire une conferance amiable avec leurs sujetz, on renouvelle dans ces assamblées l'estroitte liaison qui doit estre entre le chef et ses membres : les Roys comme les peres des peuples exortent les deputez des provinces de conspirer avec eux a la reforma(ti)on du Royaume, ils recoivent leurs avis pour retrancher les excès, corriger les abus et remettre touttes les choses dans les reigles de la justice et de l'equité.
Vous avez, Messieurs, ce privilege singulier de mesme que la Bretagne et la Provence d'avoir des Estatz provinciaux, mais ces Estatz sont reiglez en la mesme forme et sont sujetz aux mesmes loix que les Estatz generaux du Royaume, ilz ne peuvent estre assamblez legitimemant sans permission particuliere du Roy, l'on ne doit rien proposer que pour son service et pour le bien particulier de la province, le Roy n'est pas obligé d'aprouver voz delibera(ti)ons, il a droit de choisir la voix negative, pour uzer des termes d'un grand personnage du dernier siecle, vos resolutions, quoy qu'obligatoires entre vous, ne sont a l'esgard du Prince que des conseils, des propo(siti)ons et des avis, vous ne les presantez pas comme des loix mais comme une matiere dont elles peuvent estre formées, vous ne les conclués pas en termes de decret, mais de supplica(ti)on, de requeste et de cayer de remonstrances.
Nous lisons dans l'histoire de Louis unziesme un exemple singulier de la deferance que les Estatz doivent a leur souverain. Le Roy avoit un differand avec Monsieur son frere pour le reiglemant de son appanage. Il assembla les Estatz generaux a Tours et les constitua ses juges et ses arbitres. Ilz ne voulurent neanmoins point prononcer, ils n'arresterent point soubz le bon plaisir du Roy, termes neanmoins respectueux, ils voulurent simplemant que le Roy seroit supplié d'accorder un certain appanage a Monsieur son frere. Un excellant autheur de ce regne, qu'on peut appeler le Polibe et le Tacite françois, dit que cette prudante resolu(ti)on est couchée dans ces termes parce que les Roys ne sont point abstraintz a suivre l'avis des Estatz et la raison naturelle si la justice civille et le bien de toutte la monarchie ne les y oblige.
Vous avez, Messieurs, par un de voz resultatz suivy cette maxime prudante et respectueuse, vous aviez par quelques deliberations precedantes temoigné peut estre trop de zele pour le soulagemant de la province, vous l'avés rectifié, vous avez justiffié la sincerité de voz intentions, vous les avés reiglées par les termes de votre devoir et du service du Roy, Leurs Majestés en demeurent très satisfaites, vous en ressantirés les avantages autant que la necessité de la guerre le peut soufrir.
Tous les Francois ont cette obligation a la Reyne Regente qu'elle compatit extrememant a leurs souffrances, elle insinue au Roy dans ses plus jeunes années cette tendresse et cette compassion royalle, elle l'esleve dans ses inclinations de bonté pour ses sujetz, elle luy represante souvant que ce qui entre dans son espargne ce sont les larmes et les sueurs du pauvre peuple, q[u]'un bon Prince les doit menager avec scrupule comme biens estrangers dont il n'est que le distributeur pour s'en servir au bien comun et procurer plus facilemant la felicité de l'estat.
Monseigneur le duc d'Orleans souhaite au Roy son souverain seigneur et neveu avec les couronnes des Roys leurs ancestres l'heritage de leurs vertus, la clemance du Roy Henry le Grand, la justice et la religion du feu Roy, il luy souhaite le titre magnifique d'auguste, mais il souhaite encore avec plus de passion que le Roy, dans ses premieres années, puisse estre appellé le prince de la paix, qu'il mette en œuvre les materiaux de ce temple qui sont preparés, qu'il soit le digne architecte de ce parfait edifice. Il souhaite enfin qu'a l'exemple du Roy Louis douziesme, prince qui estoit le chef de la maison d'Orleans, Sa Majesté prefere le titre de Pere de son peuple a celluy de conquerant du reste du monde.
Monsieur le Cardinal qui est en la place et en la consideration que chacun scait dans le maniemant des affaires de l'estat inspire au Roy des sentimans de douceur, d'indulgence et de moderation pour ses sujetz. Il seroit a souhaiter qu'on peut voir quel a esté dans son ame le combat de la necessité des peuples et de celle des affaires, quel a esté le combat du desir de la conserva(ti)on generale et de son affection particuliere de faire et de procurer du bien a un châcun, quelle a esté la violance qu'il a faite a sa propre inclination de ne se laisser jamais vaincre q(ue) par l'interest du publicq.
La vertu et la capacité et les droittes intentions de Monsieur l'abbé de La Riviere qui a aussy bonne part au maniemant des affaires publiques du royaume et la premiere dans celles de S. A. R. sont si utiles au bonheur et aux succès des affaires du Roy et des conseilz judicieux de S. A. R. qu'encor que la principalle gloire en soit due a la prudance et generosité d'un grand prince, neanmoins l'on ne scauroit assez estimer l'industrie, la fidelité et les soins avec lesquelz son ministre s'employe a l'execu(ti)on de ses ordres et particulieremant quand il s'agit du soulagemant et de la satisfaction de toutte cette province pour laquelle il s'employe continuemant et efficacemant comme vous avés peu apprendre par les difficultez qui se sont rancontrées et que vous connoistrez, Messieurs, par les effetz.
Son Altesse Royale desireroit que les bonnes intentions de Leurs Majestés pour la decharge de leurs peuples peussent avoir dès a p(rese)nt leur effet et leur execution, qu'ilz peussent faire ce beau presant a cette Province, mais vous savez, Messieurs, ce qui fut remonstré par le Senat romain a un empereur qui vouloit oster les subcides, que c'ettoyent les muscles et les nerfs qui contenoient tout le corps de l'estat et qu'en les ostant il venoit a se dissoudre et a se desassembler.
Vous scavez, Messieurs, les besoingz et les necessitez de la guerre que le Roy est obligé d'entretenir cinq ou six années pour parvenir a une paix solide, durable et glorieuse. C'est la loy comune de la nature qu'on n'arrive pas au bien par le bien, qu'on ne gaigne pas sans perdre, qu'il ne se fait point de generation que quelque corruption ne precede. Le Roy est obligé de rechercher le bien publicq quoy qu'il en couste quelque chose aux particuliers quand il n'y se peut faire autremant et d'imiter le soleil qui ne laisse d'envoyer en esté ses rayons ardans pour meurir les fruictz encor que les voyageurs en soient incommodez et quelque creature alterée.
Nous lisons dans les Annales de France qu'en l'an 1357, le royaume estant afligé par la prison du Roy Jean, les mecontans et les factieux voulant profiter de la desolation publique, les estatz de Languedoc assamblés de l'authorité du comte d'Armagnac leur gouverneur conclurrent d'offrir au dauphin Regent du Royaume de soudoyer a leurs despans deux mil hommes d'armes, mil sergentz a cheval, mil arbalestriers et deux mil pensiers (?) a cheval et executerent leurs offres avec tant de generosité qu'ilz furent les autheurs du salut de la monarchie et les instrumans de leur propre felicité.
Leurs Majestés ne doutent point de votre zele et de votre fidelité, que vous n'avez point degeneré de la vertu de voz ancestres, que cette action heroique escripte en l'histoire en lettres d'or est ecrite et gravée dans voz cœurs avec les caracteres du sang que vous avez receu de voz peres, que ce sang est encor tout bouilhant de zele pour le bien de l'estat, que vous voulés adjouster quelques degrés a la piramide d'honneur et de gloire dont voz predecesseurs ont fondé la baze. Pour moy, bien que mes temoignages fussent trop foibles pour estre mis en consideration apprès ceux que l'histoire donne en plusieurs siecles de la fidelité et du zele que cette puissante province a monstré pour la grandeur et le soutien de la monarchie françoise, neanmoins je puis dire qu'ayant eu l'honneur de servir prez la personne du Roy defunct en cette Province lors de son voyage pour la conqueste du Rousilhon, je n'ay point veu d'occasion dans laquelle le general et les particuliers ne se soient portez a une obeyssance prompte et effective en toutes les choses q(ue) Sa Majesté desiroit d'eux et que jamais un peuple n'a tesmoigné tant de joye de voir son prince et de le servir.
Leurs Majestés ne veulent pas neanmoins exiger de vous des contributions excessives ny un secours trop difficile, ilz scavent que la felicité des peuples est la derniere mesure et le but des actions du monarque, qu'il ne luy est jamais permis de s'en eloigner que pour y revenir plus avantageusemant, imitant le soleil qui n'atire les vapeurs et la graisse de la terre que pour les luy randre plus fecondes et les ramplir d'un esprit plus vif et d'une vertu plus active.
Leurs Majestés ne vous demandent point une imposition impossible, une preuve trop difficile d'obeyssance, au contraire elles m'ont deputé conjointemant avec Messieurs les Commissaires qui sont icy de leur part pour vous porter la revoca(ti)on de l'eedit de Beziers et les commissions que vous avez desirées, mais comme elles gisent en formes et qu'elles n'ont point esté dressées avec la participa(ti)on de voz deputez, il seroit a desirer, ce me samble, qu'il vous pleut nommer quelques uns d'entre vous pour les voir et concerter avec nous les moyens les plus doux et les plus faciles pour secourir Leurs Majestés, pour procurer quelque avantage au peuple, en attandant que la paix leur ouvre les moyens de redonner comme une nouvelle vie a tous leurs sujetz, d'accorder a la province de Languedoc une decharge toutte entiere et de vous combler, Messieurs, et en general et en particulier de bienfaictz, d'honneurs et de prosperitez. Je tiendrois, Messieurs, a grand honneur et avantage d'y pouvoir contribuer en mon particulier comme estant très humble serviteur de toutte cette grande Compagnie.