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Discours/Cérémonie
Discours d'un membre des Etats - E16501024(4)
Nature |
Discours d'un membre des Etats |
Code du discours/geste |
E16501024(4) |
CODE de la session |
16501024 |
Date |
24/10/1650 |
Cote de la source |
C 7106 |
Folio |
005v-008r |
Espace occupé |
5,75 p. |
Locuteur
Titre |
Monseigneur |
Nom |
np |
Prénom |
np |
Fonction |
Archevêque de Narbonne, président |
Texte :
Monseigneur l'archevesque de Narbonne, presidant nay desd. estatz, addressant ses parolles a Messeigneurs les commissaires, a dit :
Messieurs, Dieu a permis autresfois aux hommes d'uzer de remonstrances, voire mesmes de disputer avec Sa Majesté tantôt sur l'ordre general de la Providance, tantôt sur les maus, sur les malheurs et sur les disgraces, tant generales que particulieres, qui n'arrivent que trop souvant dedans le monde.
De sorte que nous pouvons dire, et il est vray, que c'est une bonté de Dieu très grande et une faveur très particuliere pour la creature de pouvoir non seulemant ouvrir son cœur, de pouvoir dire et exposer libremant ses griefs et ses remonstrances, mais de plus de pouvoir raizonner et d'user d'objections et des responces envers son Dieu, son Roy, son Createur, son Souverain et son Maistre.
Et c'est ce qui nous fait croire, voire mesmes qui nous persuade fortemant que les princes et les potentats, qui sont les images visibles en terre de cette Majesté invisible, doivent sans difficulté et sans repugnance quelconque donner libre accez aux raisons, aux plaintes et aux doleances, ecouter et discuter avec douceur et compassion la justice d'icelles et souffrir tousjours et en tout temps que leurs sujets leur descouvrent avec une liberté respectueuse les maux, les maheurs, les violances et les oppressions qu'on leur fait souffrir impunemant pendant le cours et dans la suitte de plusieurs facheuses et calamiteuses années.
Car puisqu'il est vray et qu'on ne peut revoquer en doute que Dieu ne soit sans comparaison moins obligé au monde et aux creatures qui le ramplisent que les princes et les souverains a leurs estatz et a leurs royaumes, parce que Dieu [trou de ver], il est hors du corps du monde, hors de la masse de l'univers, il n'est par consequant partie de ce tout, ny membre de ce corps, et partant il ne luy doit rien, et tout ce qu'il luy donne est un effet de bonté et de liberalité et non pas de justice, mais parce qu'il donna sa parole aux creatures dans leur creation et que ce fut libremant qu'il la leur donna, il ne la leur a jamais reffusée.
Car en effet, quand est ce qu'il a reffuzé la lumiere aux astres, le mouvemant au ciel, la nourriture aux animaux, voire mesmes, quelque desreiglemant qui soit arrivé dans le monde, quelque faute et manquemant que ces creatures ayent commis, quelque raison qu'il ayt eu de discontinuer le bien qu'il leur avoit promis, il a tousjours regardé cette parolle comme une loy preferable a toutte sorte d'interest, preferable a toutte sorte de raison, preferable a toutte sorte de consideration, in generationem et generationem veritas tua Domine.
Les princes et les souverains sur la terre sont a la verité chefz de leurs Estatz mais aussy cela n'empeche pas qu'ils ne soient partie de ce grand tout dont ils ont la direction, et mambre de ce corps dont ils sont la teste, mais comme ils ne sont pas hors de ce corps ny de cet estat comme Dieu est hors du corps du monde, aussy se trouvent ils effectivemant dans la masse de leurs subjetz.
Et tout ainsy que le soleil, quoyque le Roy des planettes, est de leur nombre, de mesme les princes et les potentatz, quoyque maistres et souverains de leurs sujetz, sont du nombre et de la masse de leurs sujetz, et partant il faut conclure et demeurer d'accord que les Roys sont chargez de touttes les obliga(ti)ons des particuliers en ce qui regarde le bien de l'estat a cause que, comme les particuliers et de mesmes que leurs sujetz, ils sont mambre et partie de l'estat quoyque la plus noble et la plus eminente.
Que si donques l'estat exige des particuliers leur fidelité et la stabilité de leurs convantions et de leurs promesses comme la baze et le fondemant de la subcistance, de mesme l'estat exige aussy rigoureusemant pour le moins la fidelité et l'exactitude du Prince et l'observa(ti)on de sa parolle et de ses promesses.
De sorte que tant s'en faut que ce soit un bien et une raison d'estat valable que le prince manque a ses promesses qu'au contraire c'est la plus grande injure qu'il puisse faire a son estat.
Car par ce manquemant il ruyne sa creance, il decredite son authorité et, ce qui est pis, il hazarde souvant et avec peril eminant de convertir les villes qui sont des tamples de paix en des cavernes de ciclopes.
Le Prince donques, faisant justice a son estat, la faisant a sa parolle et la faisant a ses sujetz, rand par ce moyen Sa Majesté recommandable, son Estat acredité et ses sujets très heureus, très fidelles et très obeyssans.
Nous par la grace de Dieu avons grand sujet de nous louer des affections, des tandresses et des bonnes vollontez de Leurs Majestés et de S. A. R. et des inclina(ti)ons très fortes que nous reconnoissons en elles de vouloir doresenavant faire observer pontuellement, ce a quoy leur naissance, leurs quallitez, leurs promesses et les declara(ti)ons qui ont eté si solennellemant faittes les lient et les obligent très estroittemant, voire mesmes sont elles en vollonté de faire reparer les manquemans qui ont esté faitz et commis jusques icy a l'observa(ti)on d'icelles.
Car en effet touttes les fois que nous avons eu l'honneur de les aborder par noz deputez qui leur ont porté noz plaintes et noz doleances, elles les ont receu agreablemant et nous ont tousjours, a la verité, fait esperer grande justice sur tous les subjectz et sur tous les motifz d'icelles.
Mais particulieremant lorsque nous leur avons cotté l'inobservance des eeditz, des traittez et des convantions si solennellemant faittes et passées par la seule authorité des puissances supremes, et quoyque ces convantions fussent très onereuses pour nous, voire mesmes qu'elle ne fussent pas verifiées suyvant l'ordre de tout temps estably dans ce Royaume, neanmoins elles ont esté de nostre costé très exattemant observées, ne nous estans jamais opposez aux execu(ti)ons d'icelles que par nos gemissemans, que par nos plaintes continuelles et par nos remonstrances très humbles et par noz protesta(ti)ons respectueuses.
Mais enfin le temps est venu que Leurs Majestés, touchées de compassion, persuadées et convaincues par noz raisons et par noz instances si justes, ont bien reconneu que tous ces eeditz ausquelz on nous imputoit contre la verité d'avoir consenty n'estoient ny justes ny raisonnables, puisque par leurs declara(ti)ons generalles bien et deuemant verifiées par ordre de Leurs Majestés dans touttes noz cours souveraines, ils ont esté juridiquemant revoquez, et ce qui est a remarquer, c'est que cette revoca(ti)on solennelle et authentique a esté confirmée par le Conseil d'en haut, seul souverain et supreme juge, de sorte que nous pouvons dire, et il est vray, que leur parolle royalle nous a esté a double, voire mesme a triple titre, obligée.
Et c'est ce que S. A. R. a bien reconneu apprez noz très justes instances si souvant faittes et reiterées pandant la tenue de noz derniers estatz, nous ayant de sa grace procuré et envoyé les revocations particulieres que nous avions jugées necessaires ainsy et a la forme et avec ce peu de soulagemant pour cette heure que la necessité pressante du royaume l'a pu souffrir et permettre.
Esperant qu'avec le temps et la continuation de l'assistance et puissante protection de S. A. R., nous paracheverons heureusemant, aydant Dieu, ce grand ouvrage tant souhaité et desiré par tous les gens de bien, qui est de reduire noz impo(siti)ons a un pied juste et raisonnable, c'est a dire tel que la province dans sa plaine et entiere liberté jugera le pouvoir et devoir faire.
Bien entendu, pourtant qu'elle est resolue de mesnager doresenavant de telle sorte les biens, les moyens et les facultez de ses habitans et de ses compatriotes, qu'elle puisse tousjours et en tout temps estre en estat de continuer a son prince l'utilité de ses services.
Car en effet le Roy n'a point d'autres forces que celles de ses peuples, point d'au(tr)es biens que ceux de ses sujetz, point d'au(tr)e subsistance que celle que nous luy donnons, n'est il pas vray, comme l'a très bien remarqué le plus sage de tous les Roys, que in defectu populi contritio principis.
Qu'il faut que les forces, la vigueur du prince cessent dez que les n(otr)es manqueront, qu'il faut qu'il tarisse quand nous secherons et qu'il ne scauroit estre heureux tandis que le malheur nous acablera.
Enfin nous pouvons conclurre et dire hardimant que les Roys sont opulens tandis que leurs sujets sont a leur aize, et que pour randre un monarque dizeteux il ne faut sinon que son peuple soit pauvre.
Jamais, jamais le buisson ardent qui donna tant d'admiration a Moyse n'eut duré si longtemps qu'il fit si le feu en eut consumé les espines, cet ellemant vorace, ainsy qu'un grand auteur le remarque, conservoit la matiere qui le faisoit luyre et brusler pour s'entretenir luy mesme.
Messieurs, que sont les puissances et les majestés terriennes que des feux, puisqu'elles sont les images de ce Dieu qui s'appelle un feu, Deus noster ignis est, lesquelles puissances, quoyque supremes et souveraines, prennent neanmoins leur esclat et leur subsistance de leur peuple et de leurs sujetz, et commant est ce que Leurs Majestés s'entretiendront longtemps dans la splandeur si au lieu de conserver la matiere qui les entretient, elles la devorent veritablemant, cum defecerint ligna extinguetur ignis.
Nous voulons donques, dis je, durer longtemps pour le faire durer, nous voulons nous entretenir pour prolonger sa splandeur, nous voulons ramasser des forces pour randre les siennes plus grandes et plus redoutables.
Et lors nous croyrons veritablemant d'avoir randu un service très signalé a Sa Majesté quand nous aurons empesché que cette si grande et importante province ne succombe.
Et vous, Monsieur, que Leurs Majestés ont choisi et tiré du banc et du milieu de nostre genereuse noblesse pour vous faire occuper une place si honorable et que vous ramplissez si dignemant, vous scavez et connoissez mieux que nul au(tr)e l'estat de cette province autresfois a la verité très opulante et a presant fort diseteuse, pour le soulagemant et le restablissemant de laquelle vous travaillez sans cesse et avec empressemant, [trou de ver] très asseurez comme nous sommes que tous voz soins et voz plus grandes occupations n'ont autre but, autre fin ny autre visée qu'a ajuster, le plus qu'il est possible et selon que la necessité des aff(air)es publiques le peut souffrir et permettre, le service du Roy avec le soulagemant du peuple.
Et nous sommes aussy tous persuadez que vous, Monsieur, demeurerez bien d'accord que ces deux interestz non seulemant sont compatibles par ensemble, mais de plus qu'il faut croyre absolumant que l'un sans l'autre demeureroit dans un estat violent et rapide qui renverseroit par maniere de dire l'ordre que la nature et les loix divines et humaines ont si prudemmant et si sagemant estably parmy les hommes.
C'est pourquoy nous ne sommes pas en peyne de vous persuader, Monsieur, les veritez que nous venons presantement d'expozer sur cette matière, car nous scavons par experiance de quelle sorte et avec quelle adresse vous conseillez ces deux chefz d'œuvre de nature et de veritable politique chrestienne.
Et de fait les actions que vous randez tous les jours dans la fonction et dans le ministere de vostre charge nous persuadent fortemant et très raisonnablemant la droicture de vos intantions et la tandresse que vous avez pour le bien et avantage de cette province, nostre commune mere.
Et c'est de quoy cette assamblée vous est très obligée et, vous en randant comme elle fait par ma bouche, les graces très humbles qu'elle doit, elle vous demande, s'il vous plaist, la continuation de voz protections et de voz assistances ordinaires.