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Discours/Cérémonie


Discours d'une personnalité extérieure - E16511017(02)

Nature Discours d'une personnalité extérieure
Code du discours/geste E16511017(02)
CODE de la session 16510731
Date 17/10/1651
Cote de la source C 7106
Folio 126v-128v
Espace occupé 4

Locuteur

Titre Monsieur
Nom Grasset, de
Prénom np
Fonction Président de la cour des Comptes, Aides et Finances de Montpellier


Texte :

Messieurs,
L'honneur qu'il a plû a cette illustre assamblée de faire a nostre compagnie par une honnorable deputation et par les asseurances qui nous ont esté données de vostre part, par la bouche d'un des plus eloquans prelatz de ce royaume, de l'affection et bonne volonté qu'il vous plaist avoir pour nostre corpz, et le souvenir que nous conservons religieusemant des assistances que vous nous avez données pour nous garantir de la persecution de ceux qui nous ont tant travaillez par des nouveaux establissemans et crües d'un grand nombre d'officiers qui alloient a la foule et surcharge de la province, ont donné les justes mouvemans a nostre compagnie de nous deputer devers vous pour vous assurer du desir très passionné qu'elle a d'entretenir une parfaite union et correspondance dans le service du Roy avec vostre illustre assamblée pour tout ce qui regardera le bien et le soulagemant des habitans du pays, en reconnoissance de tant de bons offices que nous en avons receus, affin de mettre en usage le dire de Seneque, que qui a receu de bonne grace un bienfait il en a payé l'interest de la premiere année.
Un ancien philosophe qui a mis au jour le tableau des Graces nous les a represantées jeunes, parce qu'il ne faut jamais laisser envieillir la memoire des biensfaictz, et dit qu'elles sont filles de Jupiter pour mettre au rang des sacrileges les ingratz qui les mesconnoissent, et qu'elles se tiennent tousjours la main avec l'autre pour marquer que le bienfait demande son retour. Messieurs, nous aurions creu offancer les divinitez si nous n'avions embrassé avec affection (comme nous avons faict) les occasions qui se sont presantées pour soustenir les interestz et les deliberations de cette illustre assamblée et si, par un effort de nature, nous n'avions haussé la voix pour crier qu'on blesse nostre mere lorsqu'on luy a voulu percer le cœur pour luy arracher ses libertez.
C'est ainsy, Messieurs, que nous pouvons appeler ceste illustre assamblée et que nous sommes obligez de la considerer, comme celle qui a procuré l'establissemant des compagnies qu'elle contient, qui les a defandües et assistées contre les nouveautez qu'on a voulu introduire a leur prejudice, et si cette province jouit de fort beaux privileges et a obtenu la revoca(ti)on des eedictz qui l'en privoient, nous le devons a la generosité de cette illustre assamblée qui n'a jamais eu repoz qu'elle n'ait recouvré ses premieres libertez, et ainsy nous la pouvons a bon droit regarder comme le tample de la liberté qui estoit en si grande veneration dans la capitale de l'empire romain que les prestres et pontifes ne pouvoient sufire aux sacrifices des victimes qui estoient offertes a ses autelz, et nous voyons de mesmes les pontiffes de ce temple, composés de tous les ordres de cette illustre assamblée, comme fideles tuteurs et gardiens de noz privileges et libertez, veiller incessammant a la deffance et conservation de ce precieux tresor.
C'est par vostre soin, Messieurs, que nous joüissons de cet inestimable privilege qu'il ne puisse estre faitte aucune levée de deniers sur les habitans de cette province sans vostre consantemant, ce qui la fait distinguer de la pluspart des autres provinces du royaume conquises par la force des armes, sur lesquelles le prince a le pouvoir de faire telle levée de deniers et impositions que bon luy samble sans demander leur consantemant.
C'est aussy par le mesme soing que nous sommes conservez dans l'usage du droit romain qui a donné lieu a l'establissemant de deux universités de loix, les plus anciennes et les plus celebres du royaume, et par lequel droit vous soustenez tenir voz biens en franc alleu, que le droit d'aubene ne doit avoir lieu dans vostre province, que les habitans ne peuvent estre distraitz hors de leur ressort, ny convenus par devant autres que devant leurs juges naturelz, que les tailles y sont reelles, sans que aucune personne, pour si privilegiée qu'elle soit, s'en puisse exempter, a la reserve des fiefz nobles.
C'est contre ce dernier privilege que les habitans de la ville capitale du pays ont voulu entreprandre depuis peu, prethandans s'exempter du payemant de leur portion des tailles pour la rejetter sur les autres habitans, leurs compatriotes, trop impuissans pour payer ce qui regarde leurs cottités, et c'est sur ce preteste qu'ils ont suscité tant de tumulte dans le pays, voulant faire ranverser les anciens ordres et changer (si'ls avoient peu) la face de cette illustre assamblée pour y establir une nouvelle crüe de deputez, ainsi qu'ils avoient fait faire une nouvelle crüe d'officiers en nostre compagnie, a la grande foule et surcharge de la province, ce qu'ilz ont advoüé par les arrestz qui en ont esté imprimez, d'ou ilz samblent vouloir tirer quelque gloire et advantage.
La rezistance qu'ils ont trouvée a leur pretandue exemption a porté ceux qui les protegent pour leur propre interest d'exciter beaucoup de troubles et desordres dans la province, a accuser et mettre en prevention plusieurs personnes de touttes conditions, sous preteste des abus commis en l'administration des affaires et deniers publiques et pour parvenir a leur dessain de franchir et passer par dessus les barrieres qui ont esté establies par les Roys sur les reiglemans des jurisdi[c]tions des compagnies souveraines, ce qui nous a obligez a donner plusieurs arrestz pour maintenir la province en ses droitz et nostre compagnie en sa juridi[c]tion, qui ont esté approuvez et confirmez par le Roy en son Conseil, et les entrepinses faittes au contraire blasmées avec deffances de les continüer.
Et samble que nous avons subjet de dire que cette pretandüe reformation d'abus que des juges sans pouvoir ny juridi[c]tion ont voulu entreprandre avec tant d'esclat a beaucoup de raport a la solennité d'une feste que certains philosophes avoient accoustumé de celebrer a l'honneur de la santé, en laquelle ils s'abandonnoient a tant de debauches et des excez qu'ils en demeuroient longtemps apprès malades, et ainsy cette pretandüe reformation n'a apporté que de grandz desordres et desolations a plusieurs personnes et familles, qui leur ont donné subjet de se plaindre de tant de ravages qu'on leur a fait souffrir et qui auroient encores continué s'ils n'avoient esté arrestez en plusieurs lieux par les arrestz que la cour en a donnez et par les commissaires qu'elle a deputez, avec l'assistance et protection de Monsieur l'archevesque de Narbonne, presidant en cette assamblée.
Estans doncques attaquez, la province en ses privileges et nostre compagnie en sa jurisdi[c]tion, nous ne pouvons de moins faire que de demeurer unis pour deffandre noz interestz communs et employer l'authorité que le Roy nous a donnée, avec le pouvoir de cette assamblée, pour conserver noz droitz et soustenir la justice d'une cause si favorable, qui a esté prejugée telle par Sa Majesté et par plusieurs arrestz de son conseil.
Et si la communauté des affaires peut encores servir a cimanter nostre union, il est certain qu'il y a beaucoup plus de raport de celles qui se traittent dans les assamblées des diocezes, villes et communautez avec nostre compagnie qu'avec aucune autre de la province, et qu'ainsy nous avons plus souvant des occasions de nous randre utiles au bien de leurs affaires et veiller au repoz et conservation de leurs familhes, ce qu'on peut attandre certainemant d'une compagnie qui vient mesler ses interetz avec les vostres et s'unir de cœur, de volonté et d'affection avec vous, principalemant pour tout ce qui regardera le service du Roy, pour lequel nous sommes tous prestz d'employer noz biens, noz vies et tout ce qui depandra de nous, et de tenir la main de tout nostre pouvoir a l'execution de la deliberation genereuse que vous avez prinse pour le mesme dessain, et de rechercher avec passion les occasions de temoigner par des effetz la part que nous prenons a tout ce qui regarde le bien, l'honneur et les advantages de cette illustre assamblée.